Des crevettes nordiques.

Des crevettes nordiques.

La couleur et le goût de nos crevettes nordiques sont les nouvelles victimes du réchauffement

Une recherche réalisée par le professeur Piero Calosi de l’Université du Québec à Rimouski et ses collègues européens démontre qu’une exposition aux futures conditions d’acidification des océans risque d’altérer significativement le goût de ce crustacé.

Les amateurs de crevettes nordiques de la planète, dont le Canada est un grand exportateur, risquent de perdre le goût pour cette crevette qui occupe une place importante dans le patrimoine culinaire québécois. En Suède et en Norvège, elles sont même considérées comme un plat traditionnel qui accompagne, par exemple, le souper de la fête de Noël. Mais les jours de cette tradition seraient eux aussi comptés.

Avec ses collègues Sam Dupont et Bengt Lundve, de l’Université de Gothenburg, et Emilie Hall, de l’Université de Plymouth, le professeur Piero Calosi voulait au départ vérifier quels étaient les impacts de l’acidification des océans sur les crustacés que nous consommons comme fruits de mer. Ils ont porté leurs recherches sur la crevette nordique en raison de son abondance et de sa valeur commerciale.

Selon le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le potentiel hydrogène (pH) des océans devrait diminuer de 0,3 à 0,5 unité d’ici la fin du siècle. Conséquemment, la concentration en acide devrait augmenter de plus de 150 fois par rapport à la période préindustrielle.

Des pêcheurs de crevettes
Des pêcheurs de crevettes de la Gaspésie.

Aide-mémoire…

  • Selon Pêches et Océans Canada, la crevette nordique représente actuellement 97 % de toute la pêche commerciale dans l’Est du pays et génère des retombées de 345 millions $ par an.
  • On retrouve cette crevette à la fois dans les océans Atlantique et Pacifique. Au Canada elle est pêchée commercialement dans le golfe du Saint-Laurent, le long des côtes de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve et du Labrador
  • Dans l’Océan Pacifique on en trouve de larges concentrations du Japon jusqu’à la mer de Béring et les Îles Aléoutiennes, ainsi que le long des côtes des états américains de Washington et de l’Oregon .
  • En 2013, c’est 31 615 tonnes de crevettes ont été pêchées uniquement dans le golfe du fleuve Saint-Laurent. La valeur de ces débarquements de la crevette du golfe du Saint-Laurent, ce qui inclut le Québec et les provinces maritimes, a atteint plus de 46,6 millions de dollars cette année-là.
    Usine de crevettes nordiques de l'Est du Québec.
    Usine de crevettes nordiques de l’Est du Québec.

Résultats des tests d’acidification

Un chef professionnel de Suède a soumis à un test à l’aveugle un panel de 30 personnes qui connaissent bien la crevette nordique. Des plats standardisés ont été servis avec des crevettes nordiques provenant des deux bassins utilisés dans le cadre de l’expérience. Ces connaisseurs suédois ont évalué l’aspect, le goût et la consistance des crevettes servies.

Les chercheurs ont relevé une modification dans le goût et dans l’aspect des crevettes. Celles exposées en laboratoire à des conditions d’acidification avaient 2,6 fois plus de chance d’être notées comme étant les moins bonnes du plat.

« Nous ne savons pas encore ce qui provoque ces changements, mais il est clair que l’acidification de l’eau de mer a empiré le goût et l’aspect des crevettes nordiques », indique le professeur Calosi. « Chose certaine, c’est une partie du patrimoine culinaire des plusieurs pays et cultures incluent qui risque d’être changé si les océans continuent à s’acidifier. »

C’est la crevette nordique du fleuve St-Laurent qui risque fort d’être la première affectée, car c’est elle qui est la plus au sud. Mais celle qui est pêchée dans l’Atlantique, plus au nord, n’y échappera pas non plus à long terme.

Le professeur Piero Calosi. Originaire de Florence en Italie, après avoir travaillé pendant dix ans au Royaume-Uni. C’est en juillet 2014 que Piero Calosi s’est joint à l’UQAR comme professeur de biologie marine. (Photo : Sébastien Rabouin)
Le professeur Piero Calosi. Originaire de Florence en Italie, après avoir travaillé pendant dix ans au Royaume-Uni. C’est en juillet 2014 que Piero Calosi s’est joint à l’UQAR comme professeur de biologie marine. (Photo : Sébastien Rabouin)

Le saviez-vous?
Les crevettes femelles ont bien meilleur goût… pour le moment.

  • La crevette est une espèce hermaphrodite, c’est-à-dire qu’elle est dotée d’organes de reproduction des deux sexes. Atteignant d’abord la maturité sexuelle mâle, la crevette subit à l’âge de quatre ou cinq ans un changement de sexe pendant une courte période transitoire.
  • Elle passe ensuite le reste de sa vie comme femelle.
  • Plus grosses que les mâles, les crevettes femelles sont plus prisées par les pêcheurs et donc plus susceptibles de se retrouver dans les étals des poissonneries.
    Les crevettes sont des hermaphrodites
    Les crevettes sont des hermaphrodites © iStock.com/AlexRaths
Le reportage d'Isabelle Damphousse

Pour en savoir plus

Les changements climatiques pourraient altérer le goût de la crevette nordique – Radio-Canada

Les changements climatiques risquent d’altérer le goût des crevettes – UQAR 

Des crevettes canadiennes servies dans des restaurants du Maine aux États-Unis – RCI 

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