Le Canada pourrait être embarrassé par cette affaire d’ambassade qui aurait embrassé des opposants gouvernementaux.
C’est l’un de ces événements qui est passé pratiquement inaperçu dans le grand tumulte des événements, rapides, mobiles et sanglants de la révolution ukrainienne au début de l’hiver 2014.
L’ambassade du Canada à Kiev a servi de refuge pendant plusieurs jours à des manifestants antigouvernementaux lors du soulèvement qui a renversé le régime de l’ancien président Viktor Lanoukovitch, une affaire que le gouvernement canadien de Stephen Harper n’a pourtant jamais pleinement reconnue -pendant le bouleversement ou même depuis.
Or, cette affaire dévoilée aujourd’hui à la suite d’une enquête approfondie de la Presse Canadienne risque d’avoir de profondes répercussions sur l’image de la neutralité canadienne et la façon dont les Canadiens sont perçus dans cette région.
Ce qu’a découvert La Presse Canadienne
L’incident diplomatique inusité a commencé le 18 février 2014 au plus fort de la répression violente du gouvernement Lanoukovitch contre les manifestants pro-européens.
Tout a commencé, selon plusieurs sources à Kiev et à Ottawa, lorsque l’un des manifestants pourchassés par la police antiémeute a brandi un passeport canadien au bureau de la sécurité de l’ambassade. Une fois que la porte s’est ouverte, l’individu a été rapidement suivi par d’autres manifestants armés de bâtons et de pavés.
Roman Waschuk, l’actuel ambassadeur du Canada à Kiev, a confirmé l’affaire dans une récente interview avec La Presse Canadienne. Il a reconnu que les manifestants ont campé dans le hall principal pendant au moins une semaine, ce que ni le ministère des Affaires étrangères, ni le gouvernement Harper n’avaient jamais dévoilé publiquement.
Une affaire pourtant déjà presque à moitié avouée
Un porte-parole pour le ministre des Affaires étrangères d’alors, John Baird, avait reconnu, le jour même, que des manifestants étaient dans la zone de réception du bâtiment et qu’ils y avaient pris « abri » causé de dommage ou un préjudice au personnel. »
Lisez : Des manifestants ukrainiens se réfugient dans l’ambassade canadienne – RCI
Après ce rapport initial, plus aucun autre détail n’avait été fourni. Comment les manifestants entrèrent et ce qui est arrivé au cours de leur séjour n’a jamais été pleinement expliqué par le gouvernement Harper.
Une foule d’améliorations au plan de la sécurité de l’ambassade ont pourtant été faites à la suite de cette affaire, mais l’ouverture des portes le 18 février 2014 était selon l’ambassadeur « un geste destiné à réagir et à tendre la main a des gens qui souffrent lors d’une crise ».
Le saviez-vous?
Les pressions de 1,3 million d’Ukrainiens au Canada pèsent sur notre politique internationale
- Après l’Ukraine et la Russie, le Canada est le pays au monde qui héberge la plus importante population d’origine ukrainienne.
- Le 22 mars dernier, le premier ministre canadien Stephen Harper était le premier dirigeant du G7 à se rendre sur la place de Kiev qui avait été le théâtre du soulèvement prodémocratie le mois précédent.
- Il y a dénoncé la « parodie de référendum » en Crimée et mis en garde contre l’impact de la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Russie, qui va « contribuer à la course aux armements dans le monde ».
On questionne le rôle et la neutralité du Canada
Le fait que des manifestants ont été autorisés à rester pendant si longtemps et à fonctionner librement dans une ambassade laisse paraître le Canada comme ayant été un participant actif dans le changement de régime, et pas seulement un prêteur de soutien moral .
Ce fut certainement la perception du ministère de l’Intérieur de l’Ukraine, qui supervise la police, la garde nationale et les services de renseignement du pays.
Deux fonctionnaires du ministère révèlent sous le couvert de l’anonymat qu’une enquête criminelle a été ouverte sur les actions des manifestants, mais qu’elle a discrètement été abandonnée après Lanoukovitch s’est enfui vers la Russie.
Le prolongement naturel de la rhétorique anticommuniste du Canada?
« D’une manière générale dans l’opinion publique ukrainienne, aussi bien dans le gouvernement ukrainien de l’époque, il y avait une compréhension commune que les sympathies canadiennes étaient du côté des manifestants, pro-européens, prodémocratiques », a déclaré Marko Shevchenko chargé d’affaires de l’Ukraine à Ottawa.
Dominique Arel, un expert sur l’Ukraine à l’Université d’Ottawa, dit pour sa part que la perception est que le Canada était plus qu’un spectateur désintéressé.
Bob Fowler, ancien diplomate et conseiller principal en politique étrangère de trois premiers ministres, affirme que le gouvernement Harper a joué un jeu dangereux qui fait que le Canada est devenu une influence perturbatrice pour les alliés qui doivent aujourd’hui composer avec un régime russe de plus en plus hostile.
Pour en savoir plus…
L’ambassade du Canada à Kiev a servi de refuge à des manifestants en 2014 – Radio-Canada
Canadian embassy used as safe haven during Ukraine uprising, investigation finds – CBC
Ukrainian protesters seek refuge in Canadian Embassy amid crackdown – CBC
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