La crise autour du référendum sur l’indépendance de la Catalogne en Espagne retient l’attention de certains souverainistes et partis de gauche canadiens, solidaires des Catalans. Mais les gouvernements libéraux à Ottawa et à Québec sont peu intéressés à s’exprimer sur le sujet.
Ottawa n’a pas jugé bon de parler de la pertinence et des enjeux de la campagne ainsi que la tenue effective du référendum contesté dimanche.
Mardi, le premier ministre canadien Justin Trudeau s’est contenté de réprouver « toute violence » et a appelé « à la paix et à la stabilité ». Mais le premier ministre n’a pas condamné la répression exercée par les policiers de la garde civile envoyés par Madrid pour empêcher les Catalans d’exercer leur droit de vote.
Pas question de s’immiscer dans les affaires de souveraineté d’autres pays
Justin Trudeau, à qui l’on avait demandé qui était selon lui à blâmer pour ces dérapages qui ont fait des centaines de blessés, a refusé d’aller plus loin.
« Comme j’ai dit plusieurs fois, je ne veux pas commenter sur des processus internes à d’autres pays sur des questions de souveraineté », a-t-il tranché.
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, présent aux côtés de M. Trudeau, a fait valoir que « tout le monde condamne la violence » et qu’il « n’y a pas d’ambiguïté là-dessus ».
Il a réitéré que la solution au conflit opposant le gouvernement central espagnol et le gouvernement régional catalan devait être politique, notant au passage qu’au Canada, « on a réussi à avoir ce dialogue difficile, délicat dans des conditions pacifiques ».
« L’enjeu qui est là devant nous, c’est le même enjeu qu’on connaît ici au Québec et au Canada, c’est l’enjeu de faire coexister une identité nationale forte dans un ensemble plus grand », a ajouté M. Couillard.
Toutefois, mercredi, les partis politiques québécois ont adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, une motion condamnant « l’autoritarisme » de l’État espagnol à l’égard de la Catalogne. Tous les députés ont voté en faveur de la motion déposée par le chef du Parti québécois Jean-François Lisée.
La motion appelle aussi à un dialogue entre l’Espagne et la Catalogne pour résoudre le conflit de façon pacifique, et au recours à une médiation internationale si les parties y consentent. Dans un geste rare, les trois chefs de parti reconnus à l’Assemblée nationale, Philippe Couillard, Jean-François Lisée et François Legault (Coalition Avenir Québec), se sont serré la main après la présentation de la motion.
Silence complice ou simple réalisme politique?
Le refus du gouvernement fédéral de condamner le gouvernement de Mariano Rajoy a été vigoureusement critiqué par le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) depuis les heurts survenus dimanche en territoire catalan.
Les deux formations ont accusé Justin Trudeau et sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, de se réfugier dans un silence qualifié de « complice ».
De tels reproches ont aussi fusé sur les médias sociaux et dans certaines tribunes médiatiques.
Pour le directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), Frédéric Mérand, si l’on peut déplorer l’absence de condamnation « sur le plan moral », il n’en demeure pas moins que sur le plan politique, « ce n’est pas très étonnant » car le gouvernement Trudeau ne fait qu’appliquer rigoureusement les règles du jeu géopolitique mondial.
« On peut, comme citoyen, déplorer que son gouvernement ne prenne pas des positions plus, disons, ambitieuses en matière de défense des droits de la personne au niveau international, mais on ne peut que constater que c’est la norme dans les relations internationales que les États ne s’ingèrent pas dans les affaires internes d’un autre État », a résumé.M. Mérand.
Et ce, à plus forte raison dans le cas de la Catalogne, « lorsqu’il s’agit de gestes qui seraient forcément instrumentalisés par les indépendantistes catalans ». Cela explique aussi pourquoi les gouvernements des États membres de l’Union européenne sont, eux aussi, silencieux sur la question.
Ne pas encourager les mouvements sécessionnistes
« La plupart des gouvernements l’interprètent comme une stratégie de la part du gouvernement indépendantiste catalan d’internationalisation du conflit avec Madrid, a analysé Frédéric Mérand. Sur le plan politique, c’est très difficile pour un État comme la France, disons, de se porter à la défense d’un gouvernement sécessionniste chez son voisin. »
Il serait alors difficile, pour un pays ayant condamné l’Espagne de faire autre chose s’il est confronté à une crise sécessionniste similaire.
Même si l’ex-diplomate canadien Ferry de Kerchove est lui aussi d’avis qu’en refusant de savonner Madrid, le Canada suit la « règle de base » de non-intervention dans les affaires intérieures d’un autre pays, il estime qu’il aurait « au moins fallu déplorer la violence policière ».
« Après tout, dans d’autres pays qui sont peut-être un peu plus loin, on les déplore facilement, a-t-il ajouté. Quand c’est loin de chez nous, on est beaucoup plus tenté de le déplorer. »
« Est-ce que c’est un manque de courage? Est-ce que c’est un manque d’objectivité? D’après moi, c’est très simple de dire qu’on ne récuse pas la décision du gouvernement Rajoy d’avoir interdit le référendum, mais on déplore le comportement de la police », a ajouté celui qui a travaillé pendant près de quatre décennies pour le service extérieur canadien.
« Mais qu’est-ce que vous voulez, les gouvernements sont toujours un peu plus timides que les critiques’, a conclu M. de Kerchove, qui a notamment été ambassadeur du Canada en Indonésie et en Égypte.
(Avec La Presse canadienne)
Lire aussi
Le Canada refuse de condamner la répression espagnole en Catalogne
Tensions en Catalogne : Justin Trudeau refuse de critiquer Madrid
Comprendre les motivations profondes des séparatistes québécois
Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.