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De nouvelles recherches indiquent que l'industrie et le gouvernement de l'Alberta sous-estiment grandement les émissions de méthane, l'un des gaz à effet de serre les plus puissants.

Le méthane, un puissant gaz à effet de serre, plus important qu’estimé en Alberta

Les émissions réelles de méthane de l’industrie des hydrocarbures en Alberta seraient grandement sous-estimées, selon une récente étude de l’Université Carleton d’Ottawa.

Le méthane est un puissant gaz à effet de serre. Il contribue donc au réchauffement climatique. Son impact sur l’environnement est beaucoup plus important que celui du dioxyde de carbone (CO2). Pire : son potentiel de réchauffement global augmente avec le temps. On estime qu’il sera de 62 d’ici 20 ans.

Le gouvernement fédéral et celui de l’Alberta se sont engagés à réduire d’ici 2025 les émissions de méthane de 45 % par rapport à leur niveau de 2012. La province a déjà réservé 40 millions de dollars des recettes de sa « taxe sur le carbone » pour réduire les émissions de méthane de 500 000 tonnes.

Mais seulement, voilà, des chercheurs observent que l’écart entre les estimations officielles et les taux réels suggère que l’industrie devrait doubler ses cibles de réduction des émissions de méthane si l’Alberta souhaite toujours atteindre son objectif de 45 % de réduction d’ici huit ans. Matt Johnson, professeur à l’Université Carleton et auteur de l’étude, estime que le portrait est encore plus sombre que ce que l’on croyait jusqu’à maintenant.

Les importantes émissions de méthane en Alberta sont pires qu’initialement estimées, ©  Shannon Stapleton/Reuters)

Encore du travail à faire

En vertu des normes actuelles, l’industrie n’est tenue de dévoiler que la quantité de méthane rejeté dans l’air lors de l’opération appelée « torchage ». Or, les émissions dites  « fugitives », c’est-à-dire provenant par exemple de fuites dans les valves des canalisations, ne peuvent être qu’estimées à l’heure actuelle.

L’étude du professeur Johnson est la première à mesurer sur le terrain, par voie aérienne, les émissions réelles de méthane, un gaz à effet de serre 25 à 30 fois plus puissant que le gaz carbonique. Des avions-capteurs ont survolé des milliers de puits de pétrole et de gaz naturel à Red Deer et à Lloydminster sur une période de 10 jours l’automne dernier. Les chercheurs ont par ailleurs pu distinguer les émissions de méthane provenant de l’activité industrielle et celles produites par le bétail.

Ces mesures ont été comparées aux chiffres publiés par l’industrie et aux estimations contenues dans le plus récent Inventaire national des rejets de polluants, réalisé par le gouvernement fédéral. À Lloydminster, l’étude conclut que les émissions de méthane de cette région de « pétrole lourd » étaient 3,6 fois plus élevées que ce que l’on croyait jusqu’à maintenant.

Les producteurs pétroliers de l’Alberta sont sur le qui-vive devant la chute du prix du pétrole nord-américain.
Les producteurs pétroliers de l’Alberta sont généralement favorables au contrôle des émissions de méthane.

La récupération du méthane « perdu » pourrait rapporter 1,6 milliard $

Par contre, à Red Deer, dans le centre de la province, les chiffres du professeur Johnson concordent sensiblement avec ceux avancés jusqu’à maintenant. L’étude confirme cependant que les émissions fugitives, qui ne sont pas réglementées à l’heure actuelle, représentent 94 % des émissions totales de méthane.

« Vous ne pouvez pas ignorer ces sources, ces fuites sont vraiment un gros problème. », prévient M. Johnson. L’étude suggère également le besoin d’inspections et d’équipement de détection plus rigoureux et plus coûteux pour les producteurs de pétrole et de gaz conventionnels.

« Certains dans l’industrie ne vont pas aimer ça parce qu’il y a des coûts qui s’ajoutent, mais cette étude révèle que ces sources sont vraiment importantes. »

L’industrie a été jusqu’ici plutôt favorable à une réduction des émissions de méthane, après tout, ce gaz naturel rejeté dans l’atmosphère vaut son pesant d’or. Ottawa estime d’ailleurs que ses propositions de réglementation, déposées ce printemps, pourraient coûter 3,3 milliards sur une période de 18 ans, mais que la récupération du méthane « perdu » pourrait rapporter 1,6 milliard,  et donc éponger la moitié des dépenses encourues.

Les résultats de l’étude du professeur Johnson sont publiés dans la revue Environmental Science and Technology, une publication de la Société américaine de chimie.

terminal d’exportation
Le méthane issu des sites d’enfouissement peut servir à produire de l’électricité et alimenter les industries en combustible, ou encore chauffer des bâtiments.

Bon à savoir

  • Le méthane est principalement le résultat de fuites des puits de pétrole et des stations de pompage, ainsi que de la pratique courante de simplement rejeter le méthane (le brûler) de façon volontaire et « contrôlée » dans l’atmosphère (émissions de torchage et émissions d’évacuation).
  • Les émissions issues des lieux d’enfouissement au Canada représentent 20 % des émissions de méthane générées au pays.
  • La décomposition de la matière organique dans les lieux d’enfouissement produit un gaz qui est composé principalement de méthane
  • Il est possible de récupérer et utiliser les gaz provenant des sites d’enfouissement pour produire de l’électricité, alimenter les industries en combustible et chauffer les édifices.
  • La récupération et l’utilisation de ces gaz présentent deux grands avantages pour les gaz à effet de serre.
  • En premier lieu, le fait de capturer et de brûler les gaz provenant des lieux d’enfouissement empêche la dissipation du méthane dans l’atmosphère.
  • En deuxième lieu, l’utilisation de l’énergie provenant des gaz des lieux d’enfouissement permet de remplacer des sources d’énergie non renouvelables comme le charbon, le pétrole ou le gaz naturel

(Sources : Environnement et Ressources naturelles Canada, Equiterre)

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