Deux travailleurs québécois sur cinq demeurent en contact avec le travail même lorsqu'il ne travaille plus.

Deux travailleurs québécois sur cinq demeurent en contact avec le travail même lorsqu'il ne travaille plus.

Le droit à la déconnexion des travailleurs stressés du Québec

« L’éléphant a accouché d’une souris », déclare un jeune député de l’opposition au Québec pour décrire sa déception de ne pas voir le gouvernement inclure le droit des travailleurs à la déconnexion dans sa réforme du Code du travail qu’il vient de proposer mardi.

Pour le député Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire, le projet de loi visant à réformer les normes du travail au Québec est décevant. Photo : Radio-Canada

Pour le député Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire, le projet de loi visant à réformer les normes du travail au Québec est décevant. Photo : Radio-Canada

Ajoutant que « l’épuisement professionnel est là pour durer », le député de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a donc déposé jeudi son propre projet de loi sur le droit à cette déconnexion pour les travailleurs afin qu’ils ne soient plus obligés de garder contact avec leur travail, une fois à la maison, par l’entremise d’outils numériques.

Québec solidaire affirme que l’incapacité de se déconnecter du travail, en raison des téléphones intelligents par exemple, conduit à un « sentiment de fatigue chronique » et à de « graves risques psychosociaux ». Les plus récentes recherches en ce domaine, essentiellement américaines, semblent lui donner raison.

Au Québec, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (OCRHA) compte parmi les partisans d’une action en ce sens. Un sondage de l’Ordre révélait en 2015 que deux travailleurs sur cinq se sentent obligés de demeurer en contact avec le travail pendant leurs vacances d’été.

Le Québec pourrait-il devenir la seconde juridiction au monde à reconnaître un tel droit? – 4:21Écoutez

Des précédents de la déconnexion dans le monde

En France, les travailleurs ont récemment obtenu le droit de se déconnecter à l’extérieur du travail. Istock

En France, les travailleurs ont récemment obtenu le droit de se déconnecter à l’extérieur du travail. Istock

Depuis l’an dernier, les Français qui travaillent pour une entreprise de plus de 50 salariés ne sont plus tenus de répondre aux appels, courriels et textos reçus en dehors des heures de travail. Selon la loi, ils ont « droit à la déconnexion ».

Les entreprises françaises doivent dorénavant établir un dialogue ou une négociation avec les représentants des salariés dans le but d’encadrer l’utilisation des outils numériques pour que la vie personnelle et familiale soit respectée.

En Allemagne, la loi demeure muette sur ce droit, mais le constructeur automobile Volkswagen a opté pour une nouvelle approche musclée : les serveurs de courriels sont carrément déconnectés entre 18 h et 7 h.

Une pression et une pratique courante dans les entreprises du Québec

Gilles Trudeau, professeur en droit du travail à la Faculté de droit de l'Université de Montréal Photo : UdM

Gilles Trudeau, professeur en droit du travail à la Faculté de droit de l’Université de Montréal Photo : UdM

Au Québec toutefois, Gilles Trudeau, professeur en droit du travail à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, observe que le fait d’être connecté au bureau en tout temps s’incruste de plus en plus dans les mœurs des employés et des entreprises. Tout au mieux, la loi au Québec inclut des dispositions générales qui permettent aux travailleurs d’être coupés du bureau pendant leur temps de repos.

« On met le doigt sur un problème qui se développe grandement dans nos milieux de travail, soit le fait d’être complètement empêché de prendre les repos auxquels on a droit parce qu’on reste en contact d’une façon ou d’une autre grâce aux [nouveaux outils technologiques] », explique le professeur.

« Il y a certainement une pression culturelle du milieu […] Ce n’est pas une demande explicite de l’employeur, mais on vient à penser qu’on devrait répondre. C’est souvent une façon d’afficher notre performance et notre disponibilité », a-t-il ajouté.

L’expert est d’avis que la pression est grande par rapport à la performance au travail, qu’elle augmente le stress et qu’elle peut mener à un épuisement professionnel. « C’est une problématique de santé », conclut M. Trudeau.

Le saviez-vous?
Selon un sondage américain de l’American Psychological Association, publié en 2013 :
– 53 % des employés consultent leurs courriels professionnels durant la fin de semaine
– 52 % avant et après les heures de bureau
– 54 % durant leurs journées de maladie
– 44 % en vacances

RCI avec la contribution de Mathieu Dion, d’Alain Gravel, de Maxime Bertrand et de Claude Bernatchez de Radio-Canada

En complément

Normes du travail : l’absence du droit à la déconnexion déçoit Québec solidaire – Radio-Canada 

Courriels : une source de stress? – Radio-Canada 

Le droit à la déconnexion au travail viendra-t-il au Canada? – Radio-Canada 

Catégories : Économie, International, Internet, sciences et technologies, Santé
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