Vernissage des expositions D’Afrique aux Amériques, Picasso en face-à-face, d’hier à aujourd’hui et Nous sommes d’ici, ici : l’art contemporain des Noirs canadiens au Musée des beaux-arts de Montréal (Crédit photo : Sébastien Roy)

Dialogue entre les peuples : une priorité du Musée des beaux-arts de Montréal

Depuis le 12 mai, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) propose un retour sur l’influence qu’a eue entre autres l’art africain sur le peintre Pablo Picasso. En parallèle, l’institution présente une sélection d’œuvres contemporaines imaginées par des artistes noirs canadiens. Derrière ces deux expositions, la volonté pour la directrice Nathalie Bondil de faire du musée un lieu rassembleur.

Pour elle, les expositions sont avant tout une forme de dialogue. « Je voulais que ces expos racontent l’évolution de nos mentalités, a-t-elle expliqué en entrevue. Depuis la naissance de Picasso et la création des empires coloniaux, il y a eu l’appropriation et la découverte d’expressions étrangères à notre regard jusqu’à la décolonisation du regard dans lequel nous sommes aujourd’hui, mais qui n’est pas sans des stéréotypes que l’on puisse avoir notamment sur l’art des Afro-Américains, des afrodescendants ou des Africains tout simplement. Cette exposition sur les Noirs canadiens permet justement aux artistes eux-mêmes d’expliquer tout ce processus de décolonisation du regard afin d’évacuer des stéréotypes. »

Complémentaires, les expositions racontent également les récits d’une appropriation artistique. « Il s’agit d’un récit de plus d’un siècle, de la naissance de Picasso qui correspond à peu près à l’époque où l’on va découvrir les expressions classiques de l’art venu d’Afrique et d’Océanie. Picasso ainsi que beaucoup de ses compagnons vont trouver une valeur esthétique extraordinaire dans ces objets qu’ils ne connaissent pas et qui sont à l’époque peu valorisés ou considérés comme des objets ethnologiques de moindre importance. Picasso va s’approprier la valeur plastique esthétique de ces objets qu’il va d’ailleurs respecter. »

Écoutez

L’histoire de l’art n’a rien de fixe, rappelle la directrice. « Comme nos mentalités, la pensée évolue. En ce moment, il y a un besoin de reconnaissance de la part de minorités pour l’expression de leur culture parce qu’elles ne sont pas assez représentées. Elles souhaitent être invitées au dialogue. Il est évident lorsqu’on est à la tête d’une grande institution comme le Musée des beaux-arts, on se doit d’être inclusif. Cela se fait de manière très simple. Il suffit d’écouter et d’inviter à la table une pluralité des points de vue. Je crois beaucoup plus au pluralisme qu’au communautarisme. »

Plus de deux semaines après l’annulation du spectacle SLĀV par le Festival international de jazz de Montréal, l’appropriation culturelle demeure un sujet délicat. « C’est parce qu’il est délicat et douloureux qu’il est important et pertinent, a précisé Mme Bondil. Il faut accepter le dialogue et l’échange. C’est en travaillant de manière concertée qu’on résoudra ces aspérités, ces douleurs et ces incompréhensions. »

Vue de l’exposition D’Afrique aux Amériques : Picasso en face-à-face, d’hier à aujourd’hui. Musée des beaux-arts de Montréal Succession Picasso / SODRAC (2018). Photo : MBAM, Denis Farley.

« Parfois, c’est un peu compliqué de comprendre des revendications quand soi-même, on a l’impression d’être animé par de bonnes intentions, a-t-elle ajouté. Sur des sujets aussi délicats, on ne peut qu’être convaincu par la sincérité des auteurs, néanmoins cela n’est pas suffisant. Nous sommes a un moment où l’on doit s’adapter aux revendications des nouvelles générations. »

La directrice croit que les musées ont aussi leur rôle à jouer pour une meilleure concorde. «La culture en général et les musées en particulier, comme toutes les autres scènes artistiques, sont des lieux extraordinairement fertiles et féconds dans lesquels on peut y travailler ensemble avec une certaine neutralité et dans un sentiment d’empathie et de bienveillance. »

Les expositions D’Afrique aux Amériques : Picasso face à face, d’hier et d’aujourd’hui et Nous sommes ici, d’ici : L’art contemporain des Noirs canadiens sont présentées aux Musées des beaux-arts de Montréal jusqu’au 16 septembre.

Nathalie Bondil, directrice du Musée des beaux-arts de Montréal (Crédit photo : Studio SPG Le Pigeon)

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