L’affaire du journaliste saoudien disparu Jamal Khashoggi continue de susciter de vives réactions à l'échelle internationale. Photo : Getty Images/Yasin Akgul

Meurtre de Jamal Khashoggi : l’analyse du Groupe d’intervention en cas d’incident

Sans suspendre ses livraisons d’armes à l’Arabie saoudite, le Canada est déterminé à défendre les droits de la personne et la démocratie à la suite du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. La question a fait l’objet d’une analyse du Groupe d’intervention en cas d’incident, réuni autour du premier ministre Justin Trudeau. Elle a aussi fait l’objet d’échanges à la Chambre des communes durant la période des questions.

Le Canada sur les traces de l’Allemagne?

Les autorités turques ont rendu publics des enregistrements vidéo qui laissent voir un sosie qui aurait tenté de se faire passer pour le journaliste dans le but de brouiller les pistes en ce qui a trait à son assassinat.

Cette vidéo vient remettre en question la crédibilité de l’Arabie saoudite qui aurait ainsi tenté de démontrer que le journaliste est sorti vivant de son ambassade en Turquie le 2 octobre dernier.

À la vue de cet enregistrement, l’Allemagne a décidé de suspendre toute nouvelle livraison d’armes au Royaume.

Avec cette décision de sa chancelière, l’Allemagne ouvre-t-elle la voie à d’autres puissances occidentales pour apporter des changements réels en Arabie saoudite, présentée comme un pays parmi les plus répressifs du monde?

Angela Merkel demeure pour l’instant la seule responsable d’un pays du G7 à prendre une telle sanction contre le régime de Mohammed Ben Salmane, le prince héritier, qui a toujours voulu se donner l’image d’un réformateur depuis son accession au pouvoir.

Du côté des États-Unis, les analystes continuent de dénoncer la position ambiguë du président Trump sur des responsables saoudiens. Il a condamné de manière tiède le crime à l’instigation aussi bien des démocrates que des républicains. Les enjeux commerciaux et politiques semblent privilégiés dans cette affaire par la Maison-Blanche, alors que certains considèrent qu’il est difficile de conserver quelque lien que ce soit avec l’Arabie saoudite dans le contexte actuel.

Le Canada, par la voix de son premier ministre, a réitéré sa détermination à défendre les droits de la personne, y compris avec le partenaire saoudien. Justin Trudeau, qui a soulevé la possibilité d’annuler le contrat de livraison de blindés conclu sous le précédent gouvernement conservateur avec l’Arabie saoudite, a semblé beaucoup moins exigeant lorsque la question lui a été posée à nouveau à la Chambre des communes.

Lors des échanges, Hélène Laverdière, députée du Nouveau parti démocratique (NPD), a estimé au sujet de la réaction du Canada que « les libéraux ne font rien, à part parler ».

Justin Trudeau a, pour sa part, souligné que le Canada réclame une enquête approfondie et poursuivra le travail avec ses partenaires du G7,  tout en envisageant que les auteurs du meurtre répondent de leurs gestes devant les tribunaux.

Il porte une chemise bleue et un veston gris.Justin Trudeau Photo : Radio-Canada/Karine Dufou

Le Comité de gestion de crise mobilisé

Le Canada avait déjà pris position sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie en Arabie saoudite il y a quelques mois, mais ses alliés n’avaient pas démontré une réelle volonté de s’impliquer, alors que l’affaire avait tourné à une quasi-crise diplomatique.

Avec l’affaire Khashoggi, à l’échelle mondiale, les analystes souhaitent que le commerce soit désormais associé à des conditions plus sévères, notamment pour des États qui ne respectent pas les droits de l’homme.

Le contrat de livraison des blindés canadiens fabriqués à London, en Ontario, signé sous l’ancien premier ministre Stephen Harper, avait été très vivement critiqué. Mais, pour des raisons économiques, avec de nombreux emplois canadiens en jeu, le gouvernement libéral avait résolu d’aller de l’avant avec les livraisons à son arrivée au pouvoir.

Après la vidéo faisant état de l’existence d’un sosie pour brouiller l’enquête sur le meurtre du chroniqueur, la Turquie promet des informations supplémentaires, ce qui pourrait faire bouger les lignes en occident et au Canada.

Un gros plan de Chrystia Freeland.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland Photo : La Presse canadienne/Adrian Wyld

En conférence de presse, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a répété que le Canada est très préoccupé par le meurtre de M. Khashoggi. C’est un problème grave et le Canada continue d’insister sur la nécessité d’une enquête entièrement indépendante.

Elle a souligné l’importance de la rencontre du comité de crise autour du premier ministre Justin Trudeau. Cela a été l’occasion d’aborder différentes questions en ce qui a trait à la position de notre pays avec ses partenaires et ses alliés. Il y a eu des échanges tout aussi importants avec les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et de la Turquie, a affirmé Mme Freeland.

La ministre a soutenu que la version des faits de l’Arabie saoudite par rapport à cette affaire reste peu crédible. C’est pourquoi le Canada cherche à obtenir davantage d’informations du gouvernement saoudien. En fin de compte, il n’est pas question pour l’instant d’interrompre le contrat d’armes avec ce pays, contrairement à ce qu’a fait l’Allemagne, malgré la demande insistante de la Chambre des communes qui réclame en plus d’une enquête indépendante, l’interruption du commerce des armes avec Riyad.

Il faut préciser que la conclusion de la livraison de véhicules blindés avec ce pays était assortie de la condition qu’ils ne doivent pas être utilisés comme moyen de répression contre sa population.

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