Le chantier naval Irving à Halifax en juillet 2017. Photo: La Presse canadienne / Andrew Vaughan

L’Association des fournisseurs de chantier Davie Canada remet en question la Stratégie fédérale de construction navale

Selon l’Association des fournisseurs de Chantier Davie, la Stratégie fédérale de construction navale, dans sa forme actuelle, serait un véritable gouffre financier.

RCI avec l'Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada, Radio-Canada, des informations du Gouvernement fédéral et du ministère de la Défense

Un fardeau pour les familles canadiennes?

La Stratégie nationale de construction navale a été lancée en 2011 dans le but de renouveler la flotte de navires vieillissants de la marine et de la Garde côtière canadiennes.

Huit ans plus tard, elle déplore le fait qu’aucun navire ne soit encore livré.

Dans un entretien avec Alice Chantal Tchandem, Simon Maltais, le vice-président de cette association tente d’expliquer les raisons de ce retard et suggère des pistes de solution pour y remédier.

Il en ressort que les coûts de fabrication des navires sont exorbitants, pourtant la qualité du service n’est pas toujours au rendez-vous. Le cas du navire hauturier de science océanographique pour la Garde côtière témoigne de cette escalade des coûts qui seraient six fois plus élevés que prévu.

Les coûts de la construction des 15 navires de combat avaient été évalués à 26 milliards de dollars par le gouvernement de Stephen Harper. Par contre, de nouvelles informations dévoilent que ce programme pourrait coûter jusqu’à 40 milliards de dollars.

Il devient ainsi difficile de remplacer certains navires vieux de 51 ansSur la côte ouest à Vancouver comme sur la côte est à Halifax, l’association dépeint des situations de retard de livraison qui se ressemblent, et les coûts de fabrication des navires suivent la même courbe ascendante.

Ce sombre tableau pèse sur le budget des ménages canadiens, qui devront débourser chacun plus de 10 000 $ à titre de contribution à la construction des navires, note M. Maltais.

Selon cette association, la médiocre performance du programme de construction navale du Canada ferait en sorte que les navires continuent d’être utilisés au-delà de leur durée normale de vie qui oscille entre 20 et 30 ans.

Écoutez

Des bateaux de la marine canadienne au port de St-Jean, Terre-Neuve.

Des bateaux de la Marine canadienne au port de Saint-Jean, à Terre-Neuve. Photo : La Presse canadienne / Paul Daly

Comment s’en sortir?

Comme solution à l’escalade des coûts et au retard dans les livraisons, l’association recommande au fédéral de revoir sa Stratégie de construction navale.

Elle devrait miser sur la contribution de tous les acteurs représentant un réel potentiel, en ce qui a trait aux capacités de production et au savoir-faire prouvé au fil des ans et des expériences.

Chantier Davie est de ces constructeurs qui ont fait leurs preuves au pays depuis 200 ans, avec plus de 50 % des capacités de production à l’échelle nationale, souligne Simon Maltais. L’organisme souhaiterait ne plus être marginalisé lors de l’attribution des contrats, comme cela a été le cas au cours des dernières années, ce qui l’a obligé parfois à déclarer faillite.

Au lieu de céder à la pression des petits intervenants qui bénéficient des marchés, alors que leurs capacités de production ne sont pas toujours à la hauteur des attentes, prévient M. Maltais, le fédéral gagnerait à manoeuvrer avec plus de transparence et à bien évaluer différents éléments qui doivent être pris en compte avant l’attribution des contrats :

  • les prix des navires,
  • les échéanciers,
  • les expériences des soumissionnaires,
  • les infrastructures,
  • la disponibilité de la main-d’œuvre.

Il faut mentionner que l’année dernière, Chantier Davie a obtenu du gouvernement fédéral un contrat de 610 millions de dollars pour la conversion de trois navires scandinaves en brise-glaces destinés à la Garde côtière canadienne, en plus d’un autre de 7 milliards de dollars pour la modernisation de 12 frégates de la Marine royale canadienne.

Écoutez les analystes de Radio-Canada qui ont décrypté ces contrats qui interviennent dans un contexte préélectoral

Le chantier maritime de la Davie obtient une part importante du contrat fédéral de 7 milliards de dollars pour la modernisation de 12 frégates de la Marine royale canadienne et Scheer refuse de promettre la baisse des seuils d'immigration demandée par Legault. Analyse du panel avec Paul Journet, Michel David et Michel C. Auger.
À propos de la stratégie nationale de construction navale

C’est un projet à long terme visant à renouveler la flotte fédérale de navires de combat et de navires non destinés au combat du Canada.

Des partenariats ont été conclus avec deux chantiers navals canadiens pour livrer les navires nécessaires à la Marine royale canadienne et à la Garde côtière canadienne.

Cette Stratégie a été développée à la suite des consultations tenues auprès des intervenants de l’industrie.

Elle comprend trois volets :

  • les projets de construction de grands navires,
  • les projets de construction de petits navires,
  • les travaux de réparation, de radoub et d’entretien.

L'Astérix

Malgré les contrats de l’année 2018, il n’y a pas eu assez de travail pour tous à Chantier Davie qui a été contraint de licencier 400 employés. Photo: Jérémy Citone, Chantier Davie

Selon les informations du ministère de la Défense, le gouvernement s’était fixé pour but d’établir une relation stratégique avec deux chantiers navals pour l’approvisionnement de grands navires, l’un pour construire des navires de combat et l’autre pour construire des navires autres que de combat. La sélection des deux chantiers navals devait être réalisée de manière concurrentielle, équitable, ouverte et transparente. Un surveillant de l’équité et des experts d’un tiers indépendant allaient participer au processus.

Les projets de construction des petits navires allaient quant à eux être visés par des processus d’approvisionnement concurrentiels auprès des autres chantiers navals. Par ailleurs, les travaux de réparation, de radoub et d’entretien des navires de la flotte du gouvernement devaient continuer d’être impartis au moyen d’appels d’offres concurrentiels.

La Stratégie avait aussi recommandé une distribution régionale du travail et les possibilités pour les autres chantiers navals dans l’ensemble du pays. Les chantiers choisis pour construire les navires étaient invités à confier en sous-traitance des quantités importantes du travail à l’industrie navale en général, ainsi qu’aux fournisseurs de cette industrie. Les petites et moyennes entreprises allaient bénéficier des contrats de sous-traitance dans n’importe lequel des trois volets de la Stratégie.

En 2016, des modifications ont été apportées à cette Stratégie par le gouvernement libéral dans le but de « rendre les dépenses encourues plus transparentes et responsables ». Voici quelques points clés des réformes :

  • Embaucher un expert-conseil et améliorer la gouvernance de même que la communication concernant les chantiers navals.
  • Embaucher du personnel de construction navale supplémentaire et donner plus de formation.
  • Adopter des méthodes plus justes pour calculer les coûts.
  • Mettre en place des mesures pour assurer le suivi du rendement des chantiers navals.
  • Rendre des comptes régulièrement aux Canadiens et aux parlementaires à l’aide de rapports annuels et trimestriels.

 

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Catégories : Économie, Politique
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