L'ex-ambassadeur canadien en Chine, John McCallum, avait vivement fait réagir la classe politique canadienne avec ses commentaires sur la dispute avec Pékin. Photo: La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Justin Trudeau finit par propulser vers la sortie son ambassadeur en Chine

Au terme d’une période de 72 heures où l’ambassadeur John McCallum avait multiplié des déclarations inusitées dans l’Affaire Huawei, le premier ministre canadien lui a finalement demandé vendredi soir de lui remettre sa démission, décision qui a été révélée à la presse samedi.

Ce congédiement survient au moment où le Canada traverse l’une des pires crises diplomatiques de son histoire avec la Chine en raison de l’arrestation en sol canadien d’une responsable de la compagnie Huawei, il y a plusieurs semaines, à la demande des États-Unis. Washington l’accuse de violer les sanctions contre l’Iran par l’intermédiaire d’une filiale du géant chinois des télécommunications.

Un peu plus de 10 jours après l’arrestation de Mme Weng à Vancouver, Michael Kovrig et Michael Spavor ont été arrêtés et emprisonnés en Chine. Les responsables de ce pays ont donné peu de détails sur ce dont on accuse les deux Canadiens, se contentant de dire que les hommes sont accusés de « s’engager dans des activités qui mettent en danger la sécurité nationale ».

Michael Spavor et Michael Kovrig sont tous deux détenus en Chine avec un accès consulaire limité. (Associated Press/International Crisis Group/Canadian Press)

Les propos de l’ex-ambassadeur qui ont suscité la polémique

L’ex-ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, écoute une question après sa participation à la réunion du Cabinet fédéral à Sherbrooke, le mercredi 16 janvier 2019. (La Presse canadienne/Paul Chiasson)

The Star Vancouver rapporte que John McCallum a fait ce commentaire à l’un de ses journalistes lors d’un déjeuner caritatif, dans le centre-ville, vendredi. « Du point de vue du Canada, si [les États-Unis] abandonnaient la demande d’extradition, ce serait bien pour le Canada », a-t-il dit au reporter.

C’était la seconde sortie du genre de l’ambassadeur. La veille, il s’était excusé par voix de communiqué pour ses propos tenus mardi soir dernier à Toronto, où il avait soutenu que Meng Wanzhou avait de bons arguments juridiques à faire valoir contre son extradition aux États-Unis. « Je pense donc qu’elle a des arguments solides qu’elle peut présenter devant un juge », avait dit l’ambassadeur.

Andrew Scheer – Photo : PC

Le chef de l’opposition, le conservateur Andrew Scheer, avait tout de suite appelé à son congédiement, ce que Justin Trudeau avait alors refusé de faire. Samedi, M. Scheer a déploré que cette décision n’ait pas été prise plus tôt.

« Justin Trudeau aurait dû exercer son leadership sur ce dossier et mettre l’ambassadeur à la porte il y a plusieurs jours. Il a continué de [mettre à mal] notre réputation sur ce dossier », a déclaré le chef des conservateurs en entrevue à CBC.

Hélène Laverdière – Photo PC

La porte-parole du NPD en matière de politique étrangère, Hélène Laverdière, a affirmé à La Presse canadienne que les commentaires de M. McCallum « étaient inappropriés pour un ambassadeur » et qu’elles risquaient « d’avoir compliqué les choses plutôt que d’aider à résoudre la situation ».

« Nous croyons que le processus légal doit suivre son cours sans interférence de qui que ce soit », a ajouté Mme Laverdière, évoquant à la fois les déclarations de M. McCallum et les interventions du président Trump, qui s’était aussi permis de commenter l’affaire Huawei.

John McCallum a-t-il fait avancer ou reculer les intérêts du Canada dans cette dispute diplomatique avec la Chine?

John McCallum. Photo: Reuters / Andrew Kelly

Un ambassadeur qui n’était pas assez diplomate dans les circonstances?

Guy Saint-Jacques… (Photo: PC)

Guy Saint-Jacques, le prédécesseur de John McCallum à Pékin, estime que le premier ministre Justin Trudeau « a pris la bonne décision ». Il ne comprend toujours pas les multiples faux pas de M. McCallum, qu’il qualifie d’« erreur de débutant ».

« Il aurait dû faire preuve d’un peu plus de retenue, car une fois qu’il s’est immiscé dans le processus judiciaire, cela a envoyé un message de confusion. On s’est demandé s’il parlait au nom du gouvernement. Après s’être excusé jeudi, je ne comprends pas pourquoi il a renchéri vendredi, alors qu’il s’était déjà fait rabrouer ».

Fred Bild – Photo Radio-Canada

Pourtant, Fred Bild, ambassadeur en Chine de 1990 à 1995 et professeur invité au Centre d’études de l’Asie de l’Est de l’Université de Montréal, se dit « surpris » de cette décision du premier ministre. « Il faisait du bon travail. Tout le monde fait des erreurs et je pense qu’il en a payé un prix un peu cher », a-t-il expliqué.

Selon Alain-G. Gagnon, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes, « M. McCallum ne se serait pas permis une telle déclaration s’il n’avait pas le sentiment qu’il pouvait le faire ».

RCI avec La Presse canadienne, CBC News et la contribution de Michel C.Auger et Madeleine Blais-Morin de Radio-Canada

En complément

L’ambassadeur canadien en Chine efface ses propos minant le bien-fondé de l’arrestation de Meng Wanzhou par le Canada – RCI 

Les États-Unis et le Canada abusent du système d’extradition, dit la Chine – Radio-Canada 

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Catégories : International, Politique
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