Les poumons d'une personne atteinte de tuberculose. Photo : getty images/istockphoto / stockdevil

Tuberculose : des excuses officielles pour les mauvais traitements infligés aux Inuits

En pleine tempête politique dans l’affaire SNC-Lavalin, le premier ministre Justin Trudeau bravera le temps arctique pour se rendre cette semaine, à Iqaluit, dans le Grand Nord canadien.

Il y présentera des excuses au nom du gouvernement canadien pour les mauvais traitements infligés aux Inuits pendant les épidémies de tuberculose au milieu du 20e siècle.

En plus de ces excuses, le gouvernement fédéral envisage de permettre à des familles inuites d’accéder à une base de données qui contient des informations sur les 9000 Inuits décédés lors d’éclosions de la tuberculose entre les années 1940 et 1960.

L’objectif est d’aider les Inuits à retrouver les lieux de sépulture des membres de leur famille qui ont été transportés au sud du Canada, à des centaines de kilomètres de leurs villages arctiques, pour y être soignés contre la tuberculose. Les corps d’une forte proportion d’entre eux n’ont jamais été rendus à leurs familles.

« Nous savons que nous ne pourrons pas trouver tout le monde », a affirmé une source au fait de l’annonce devant être effectuée cette semaine et s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. Selon cette source, des documents de la base de données pourraient conduire les personnes concernées à une impasse, « mais certains pourraient conduire à de véritables tombes ».

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Un enfant inuit ayant des symptômes de tuberculose en janvier 1946. Le surpeuplement dans les habitations et la malnutrition augmentaient les risques de contracter cette maladie. Photo : Bibliothèque nationale

Des excuses, mais aussi des explications?

En 2017, Stephen Lewis, alors codirecteur d’AIDS-Free World et ancien envoyé spécial des Nations unies pour le VIH/sida, estimait que le gouvernement canadien devait au minimum aux Inuits une explication sur ce qui s’est produit lorsque leurs proches ont été éloignés de leur domicile pour soigner une tuberculose dans les années 1950 et 1960.

L’Association canadienne de santé publique a estimé qu’environ le tiers de la population inuite du Canada a été infecté au cours des éclosions.
PHOTO FRANK TESTER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Des sociologues indiquent que l’un des facteurs qui rendent encore aujourd’hui le combat de la tuberculose dans les communautés du nord si difficile à réaliser est le souvenir de la façon dont les Inuits ont été traités dans le passé.

Des documents du gouvernement canadien indiquent que de 1953 à 1961, un total de 5240 Inuits ont été déplacés vers le sud. La population de l’Arctique de l’Est, à l’époque, était d’environ 11 500 habitants.

Plusieurs Inuits ont perdu leur langue et leur culture après des années passées loin de chez eux. Un grand nombre d’entre eux ne sont jamais retournés dans leur village ou ont perdu contact avec leur famille, une blessure psychologique qui continue de hanter les communautés.

La tuberculose, une maladie du passé encore bien présente chez les Inuits

Quelques heures avant la mort, de Ileen Kooneeliusie, une jeune Inuit de 15 ans atteinte de la tuberculose en 2017. Photo : Fournie par Geela Kooneeliusie et Matthew Kilabuk

Le combat contre la tuberculose doit être plus tenace que la maladie

Le budget fédéral 2018 prévoyait 27,5 millions sur 5 ans pour améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement de la tuberculose au pays des Inuits.

En 2016, le taux déclaré de tuberculose active chez les Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat était plus de 300 fois supérieur au taux déclaré de tuberculose active chez les non-Autochtones nés au Canada.

Dans un triste palmarès de statistiques colligées en 2015 par la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, cette région arrivait en fait en 9e place des endroits dans le monde les plus touchés par l’infection bactérienne ravageuse. Juste après le Bangladesh et les Philippines.

L’incidence de la tuberculose active au Nunavut demeure aujourd’hui la même qu’en Somalie, soit 261 cas pour 100 000 habitants, alors que dans le reste du Canada, elle est de seulement 0,6 cas pour 100 000 habitants, souligne dans une lettre ouverte (Nouvelle fenêtre) la Dre Sarah Giles, qui pratique dans les Territoires du Nord-Ouest.

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En 2016, on dénombrait environ 65 000 Inuits au Canada. Près des trois quarts (72,8 %) vivent dans quatre régions, collectivement appelées l’Inuit Nunangat. Photo Credit: GABRIEL BOUYS/Getty Images

RCI avec La Presse canadienne et CBC News et la contribution de Bernard Barbeau, Frédéric Arnould, Émilie Dubreuil, Isabelle Craig et Isabelle Fleury de Radio-Canada

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Appel à l’aide d’une Inuite pour combattre la tuberculose au Nunavut – Radio-Canada 

La mort d’une jeune Inuite atteinte de tuberculose soulève des questions – Radio-Canada

Qui souffre encore de tuberculose au Canada? La réponse en carte – Radio-Canada 

Catégories : Politique, Santé, Société
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