L'aide juridique en Ontario ne sera plus à portée de main pour tous. Photo : Radio-Canada

Ontario : francophones et avocats en droit de l’immigration dénoncent les coupes « abruptes » de l’aide juridique

Dans son budget de la semaine dernière, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford a éliminé le financement de l’aide juridique de la province pour les réfugiés et les cas relevant de l’immigration dans le cadre d’une réduction globale de 30 % de l’organisme Aide juridique Ontario.

Le ministre des Finances de l’Ontario Chris Selley (à droite) dépose le premier budget de son gouvernement aux côtés du premier ministre conservateur Doug Ford (à gauche). Photo : CP

Alors que le gouvernement provincial retire 133 millions de dollars, il déclare que l’organisme d’aide juridique ne peut plus utiliser les fonds provinciaux pour traiter les cas de réfugiés et d’immigration. Le gouvernement insiste sur le fait que si l’organisation se réforme, elle pourra aider plus de gens avec moins de fonds.

Rappelons que le gouvernement de Doug Ford avait récemment exigé d’Ottawa qu’il couvre la totalité des coûts de l’aide juridique apportée aux réfugiés et aux immigrants, soutenant qu’il devait fournir 45 millions de dollars à Aide juridique Ontario pour couvrir ses coûts spécifiques.

Un porte-parole du gouvernement ontarien a déclaré cette semaine que le gouvernement fédéral devrait assumer ses responsabilités envers les nouveaux arrivants en assumant les coûts des nouvelles causes.

Lundi, l’AJO annonçait qu’elle n’acceptait déjà plus la plupart des nouveaux cas venant de cette clientèle.

Un coup de barre rapide et un coup dur

Plusieurs avocats qui représentent des réfugiés et des migrants à Ottawa pressent le gouvernement Ford de revenir sur sa décision de mettre fin au financement de l’aide juridique pour leurs clients.

Me Ronalee Carey (Giacomo Panico/CBC)

« Il n’y a pas eu de délai d’exécution, pas de temps de préparation ou de transition pour que les gens s’y préparent », affirme Me Ronalee Carey, qui est spécialisée en droit des réfugiés et de l’immigration à Ottawa.

Elle affirme que la décision du gouvernement de l’Ontario de réduire le financement de l’aide juridique pour les cas de réfugiés et d’immigrants signifie que l’avenir de plusieurs de ces personnes en difficulté dépendra de sa capacité et de celle d’autres avocats à travailler pro bono.

« Nous avions un peu l’impression que quelque chose allait arriver, mais je suis choquée du niveau et de la soudaineté du changement », ajoute Me Carey, qui enseigne également le droit des réfugiés à l’Université d’Ottawa.

Me Jamie Liew (Twitter)

Me Jamie Liew, avocate spécialisée en droit de l’immigration et de la protection des réfugiés et professeure agrégée à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, estime que 85 % de ses clients lui présentent des bons de financement d’AJO.

« Il n’y a pas eu de délai d’exécution, pas de temps de préparation ou de transition pour que les gens puissent se préparer, dénonce Me Liew.  C’est très insensible. Ça laisse beaucoup de gens dans le pétrin. »

Me Liew et Me Carey ont toutes deux signé une pétition de l’Association canadienne des avocats spécialisés dans le droit des réfugiés et de la Refugee Lawyers Association of Ontario pour demander au gouvernement de l’Ontario d’annuler sa décision.

Le Barreau de l’Ontario proteste

Malcolm M. Mercer (Barreau de l’Ontario)

Le Barreau de l’Ontario s’inquiète lui aussi de cette réduction du budget de l’aide juridique. Son trésorier, Malcolm Mercer, considère qu’une réduction aussi importante sur une si courte période entraînera une augmentation des retards dans les tribunaux et menace de perturber gravement l’administration de la justice.

Globalement, le budget de la justice diminuera en moyenne de 2 %. Le gouvernement assure qu’il s’agira d’une modernisation et d’une transformation de la prestation des services, sans que les services de première ligne soient touchés.

« En ce moment, nous semblons très protectionnistes. Notre pays devrait, d’une façon ou d’une autre, être capable de s’isoler de ce qui se passe dans le monde. Je ne pense pas que ce soit juste. Ce sont des êtres humains. »

Les francophones s’estiment aussi visés

Aissa Nauthoo, directrice des services d’aide juridique au Centre francophone de Toronto. Photo : Radio-Canada

La clinique d’aide juridique du Centre francophone de Toronto est particulièrement préoccupée par la compression des dépenses de 30 % de l’aide juridique parce que plus des trois quarts de sa clientèle sont des immigrants ou des réfugiés francophones, selon la directrice des services d’aide juridique, Aissa Nauthoo.

Elle affirme que l’incertitude plane au moment où l’organisme qui finance ses activités à 100 % envisage les prochaines étapes.

« C’est sûr que s’il y a des coupes, ces services seront touchés et ça voudrait dire qu’on ne pourrait pas desservir les immigrants francophones, les nouveaux arrivants qui viennent ici. Potentiellement, ça pourrait avoir un impact sur l’immigration francophone », dit-elle.

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Crédit photo : Daniel Beauparlant/Radio-Canada

RCI avec avec les informations de Ryan Tumilty et Giacomo Panico de CBC News et la contribution de Philippe de Montigny de Radio-Canada

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Catégories : Immigration et Réfugiés, Politique, Société
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