Les diamants, moteur de l’économie des Territoires du Nord-Ouest

Haul_Truck_driver_Trudy_BeaulieuSOMBA K’E/YELLOWKNIFE, Territoires du Nord-Ouest – Le concessionnaire Kingland Ford de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, fait des affaires d’or.

Franky Nitsiza, qui vit dans la collectivité dénée de Whatì, à quelque 180 km au nord-ouest de Yellowknife, jette un œil sur les camionnettes neuves tandis qu’il fait faire l’entretien de sa camionnette Ford F-150.

Franky travaille depuis 14 ans à la mine Ekati de BHP Billiton. C’est grâce à son emploi à la mine qu’il jouit aujourd’hui d’une certaine prospérité.

« J’ai dû apprendre beaucoup de choses, mais j’ai réussi à me hisser au poste de chef d’équipe », dit-il tandis que les membres de sa famille font le tour de la salle d’exposition.

Brent Stevens, directeur général de Kingland Ford, affirme que les nombreux emplois rémunérateurs créés par les mines de diamant dans la région ont eu pour effet de multiplier sa clientèle et de le propulser parmi les 100 premiers concessionnaires Ford au Canada. Un véritable exploit dans un territoire qui compte environ 44 000 habitants.

« Évidemment, plus il y a de gens qui gagnent bien leur vie, plus nous vendons de voitures et de camionnettes », résume-t-il.

Tout comme Franky Nitsiza, bon nombre des clients de Brent Stevens sont prêts à mettre de 40 000 $ à 70 000 $ pour une camionnette.

« Dans le Nord, une camionnette F-150 équivaut à une berline familiale; pour beaucoup de gens, c’est leur principal moyen de transport, explique Brent Stevens. Les camionnettes comptent pour 75 % de nos ventes. »

Il en va de même un peu plus loin, chez le concessionnaire GM de Yellowknife, où plusieurs clients déambulent dans la salle d’exposition – la plupart portent des casquettes ou des vestes arborant les logos des mines de diamants.

« La présence des mines de diamants, qui emploient des travailleurs qualifiés de Yellowknife, a des retombées sur l’ensemble de la collectivité, soutient Greg Boucher, propriétaire de Yellowknife Motors. Ces travailleurs stimulent l’économie de différentes façons : ils achètent des maisons, des véhicules, des biens de consommation, et c’est tout Yellowknife qui en profite. »

Juste au bon moment

Heavy_haul_trucks_at_Diavik_MinePour Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, l’exploitation des mines de diamants ne pouvait mieux tomber.

En 1991, lorsqu’on a découvert des diamants dans cette région éloignée du Canada, les Territoires du Nord-Ouest traversaient une récession. L’exploitation aurifère, qui avait alimenté l’économie du territoire durant 60 ans, s’essoufflait. Pour couronner le tout, la scission des Territoires du Nord-Ouest était sur le point de s’opérer. La partie occidentale a gardé son nom original, tandis que le nouveau territoire du Nunavut a été créé dans l’est de l’Arctique canadien. De nombreux postes de fonctionnaires ont été transférés de Yellowknife à Iqaluit, la capitale du Nunavut.

L’essor de l’exploration et de l’exploitation minières résultant de la découverte de diamants dans la région du lac de Gras, à 310 km au nord-est de Yellowknife, a injecté des milliards de dollars dans l’économie du territoire.

À l’heure actuelle, trois mines de diamants sont en exploitation dans les Territoires du Nord-Ouest, et une quatrième, située à quelque 280 km au nord-est de Yellowknife, se trouve à un stade avancé des travaux préparatoires.

Le géant minier britannico-australien BHP Billiton a investi plus de 4,8 milliards de dollars dans la mine de diamants Ekati, la plus importante au Canada. De cette somme, 3,8 milliards de dollars sont allés dans les coffres d’entreprises du Nord et des Premières nations depuis 1999, indique Deana Twissell, directrice des Affaires communautaires et externes à la mine Ekati.

La mine de diamants Diavik, une coentreprise entre Rio Tinto, un autre conglomérat minier britannico-australien, et Harry Winston Diamond, société en commandite, a investi plus de 5,2 milliards de dollars depuis le début de la construction de la mine, en 2000. Plus de 3,8 milliards de dollars ont été versés à des entreprises du Nord, et environ 2 milliards à des entreprises autochtones.

Enfin, De Beers, le premier producteur de diamants dans le monde, a dépensé 1,89 milliards de dollars pour la mine du lac Snap, située à 220 km au nord-est de Yellowknife. De cet investissement, environ 1,2 milliards de dollars ont profité à des entreprises des Territoires du Nord-Ouest.

« Le passage de l’extraction de l’or à l’extraction des diamants s’est fait relativement en douceur, déclare le premier ministre McLeod depuis son spacieux bureau de l’Assemblée législative territoriale. L’industrie a été très rentable pour les Territoires du Nord-Ouest, plus particulièrement pour Yellowknife. »

Des emplois et des retombées pour les habitants du Nord

Dene_Hand_Games_2012Pourtant, mesurant l’importance de cette nouvelle industrie au Canada, le gouvernement territorial a dû mener des négociations difficiles en vue d’obtenir les meilleures conditions possibles pour les Territoires du Nord-Ouest, rappelle monsieur McLeod.

« Nous avons subi de fortes pressions, explique-t-il, car nous ne sommes qu’un territoire, alors que l’exploitation minière relève essentiellement de la compétence du gouvernement du Canada, dont le principal souci consistait à délivrer les permis et à encaisser les redevances. »

Les Territoires du Nord-Ouest, quant à eux, voulaient s’assurer que les collectivités autochtones et territoriales soient les premières à bénéficier de l’exploitation des mines de diamants, poursuit-il.

« Nous voulions en tirer un maximum d’avantages, exploiter à fond les occasions d’affaires, protéger l’environnement et créer de nombreux emplois dans les mines pour les habitants du Nord », souligne monsieur McLeod.

Les mines de diamants et leurs divers fournisseurs de services – de la restauration à la sécurité – sont devenus les premiers employeurs du secteur privé dans le territoire. Selon les statistiques de 2011 publiées par les mines, Ekati employait plus de 1 500 personnes, dont environ 650 originaires de collectivités locales et autochtones. La mine de diamants Diavik comptait plus de 1 300 employés, dont plus de 650 habitants des collectivités locales et autochtones. Enfin, De Beers emploie 635 personnes à sa mine du lac Snap, dont environ 230 résidents des Territoires du Nord-Ouest.

La création d’entreprises autochtones

Selon le premier ministre McLeod, le gouvernement territorial s’était fixé une double priorité : garantir aux habitants des Territoires du Nord-Ouest une juste proportion des emplois créés dans les mines et permettre aux entreprises du territoire, notamment les entreprises autochtones, de récolter leur part du gâteau.

Roy_Erasmus_JrRoy Erasmus Jr., président et chef de la direction de la société Det’on Cho, l’antenne commerciale de la Première nation des Dénés Yellowknives, explique que la société a été créée dans le but de faire face à l’évolution continue des collectivités autochtones.

« Les aînés ont fondé la société il y a plus de vingt ans, raconte-t-il, parce que le mode de vie des peuples des Premières nations du Nord changeait et qu’ils ne pouvaient plus compter exclusivement sur la chasse et le trappage pour subvenir à leurs besoins. Pour survivre individuellement et collectivement, il leur fallait travailler, trouver des emplois et participer à l’économie. »

Monsieur Erasmus estime que les mines de diamants représentent pour les entreprises autochtones une occasion en or d’apprendre et de prendre de l’expansion.

L’un des premiers contrats qu’a obtenu la société Det’on Cho était un contrat de transport de minerai de kimberlite, des roches volcaniques contenant des diamants bruts, depuis l’une des mines à ciel ouvert du site Ekati, indique-t-il.

« C’est l’une des sociétés que nous avons démarrées qui a démontré notre capacité à exploiter une entreprise de grande envergure dans une mine à grande échelle, conformément aux normes établies par les sociétés minières, poursuit-il. Et cela nous a prouvé que, si elles unissent leurs efforts, les collectivités des Premières nations peuvent réussir tout ce qu’elles entreprennent ».

La société Det’on Cho compte aujourd’hui 18 entreprises, qui rapportent des recettes annuelles de 40 millions de dollars. Elle emploie environ 100 personnes sur une population de 1 400 Dénés Yellowknives.

« Tous ceux qui veulent travailler, qui en sont capables et qui font preuve d’une bonne éthique professionnelle ont un emploi », affirme monsieur Erasmus.

Il précise que Det’on Cho s’est employée à créer des entreprises durables, capables de survivre à la fermeture des mines.

« Nous pouvons exercer nos activités n’importe où au Canada, assure-t-il, et même n’importe où dans le monde, dans ce secteur. Nous avons fait nos preuves avec succès auprès de trois des plus importantes sociétés minières dans le monde. »

Correction: Ce texte de reportage a été attribué à son auteur original qui est Levon Sevunts et non à Khady Beye comme indiqué précédemment.

Levon Sevunts, Radio Canada International

Originaire d’Arménie, Levon a commencé sa carrière en journalisme en 1990 en couvrant les guerres et les conflits civils au Caucase et en Asie centrale.

En 1992, Levon a immigré au Canada après que le gouvernement arménien eut mis fin au programme télévisé pour lequel il travaillait. Il a appris l'anglais avant de poursuivre sa carrière en journalisme, d'abord dans la presse écrite puis à la télévision et à la radio. Les affectations journalistiques de Levon l'ont mené du Haut-Arctique au Sahara en passant par les champs de la mort du Darfour, des rues de Montréal aux sommets enneigés de Hindu Kush, en Afghanistan.

De son parcours, il dit : « Mais surtout, j’ai eu le privilège de raconter les histoires de centaines de personnes qui m’ont généreusement ouvert la porte de leur maison, de leur refuge et de leur cœur. »

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