Développement minier au Yukon : Le gouvernement a outrepassé ses droits, selon la Cour suprême

La Cour suprême du Canada siège à Ottawa, dans la capitale du Canada. (Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne)
La Cour suprême du Canada demande l’annulation du plan d’aménagement du bassin Peel selon ses termes actuels. Un jugement rendu vendredi matin indique que le Yukon, lorsqu’il a adopté ce plan, n’a pas assez concerté son projet avec les Premières Nations. Il s’agit d’une victoire pour les groupes environnementaux et les Premières Nations concernées.

Dans cette affaire, qui s’étire sur une décennie, deux logiques s’opposent. D’un côté, les Premières Nations de Tr’ondëk Hwëch’in, de Na-Cho Nyäk Dün et de Vuntut Gwitchin, ainsi que les groupes environnementaux Société pour la nature et les parcs du Canada et la Yukon Conservation Society, souhaitent protéger le territoire. De l’autre, le gouvernement du Yukon cherche à ouvrir le bassin au développement minier et à avoir le dernier mot sur l’aménagement des terres de la Couronne.

Retour à l’étape antérieure

Une commission chargée d’étudier l’aménagement des terres a consulté les Yukonnais et les groupes de pression pendant sept ans, proposant un plan final en 2011, qui prévoit la protection de 80 % de la région.

Le gouvernement du Yukon, insatisfait des conclusions du rapport, avait refusé ce plan et en avait proposé un nouveau, sans toutefois suivre les étapes prévues. Ce nouveau plan prévoyait la protection de 30 % de la région.

La Cour suprême du Canada, dans le jugement rendu vendredi, condamne le comportement du gouvernement yukonnais.

«En l’espèce, le Yukon n’avait pas le pouvoir d’apporter les changements qu’il a apportés à la version définitive du plan recommandé […]. Les changements apportés par le Yukon n’étaient ni partiels ni mineurs.» – Jugement de la Cour suprême; Première Nation de Nacho Nyak Dun contre le Yukon

Selon la Cour suprême, les modifications de plan que proposait le Yukon n’avaient pas été apportées pour « réagir à des réalités nouvelles » et ne respectaient pas les mécanismes d’approbation du plan. Selon le jugement, la conduite du gouvernement du Yukon a dérogé au principe de l’honneur de la Couronne.

L’annulation de cette décision a pour effet de renvoyer les parties à l’étape du mécanisme d’approbation du plan d’aménagement du territoire du bassin Peel.

Le Yukon peut maintenant accepter, modifier ou rejeter le plan final proposé par la Commission, celui qui propose la protection de 80 % de la région en suivant les étapes prévues.

«Le Yukon a […] entrepris de tenir la deuxième consultation […] Il l’a menée seul, sans la participation concertée des Premières Nations prévue dans le protocole d’entente de 2011.» –
Jugement de la Cour suprême; Première Nation de Nacho Nyak Dun contre le Yukon

Pour Jeff Langlois, avocat d’une des Premières Nations qui a participé de manière consultative à l’élaboration du plan d’aménagement, cette décision crée un précédent en ce qui concerne la relation entre le gouvernement fédéral et les Premières Nations détentrices d’ententes de traités modernes.

Ces traités sont des revendications territoriales globales accordées à des Autochtones venant de régions du Canada dans lesquelles les droits ancestraux revendiqués n’ont pas été reconnus au moyen d’un traité ancestral.

Une assemblée émue
Des membres des Premières Nations et des groupes environnementaux réunis à Whitehorse écoutent une retransmission d’une rencontre à Ottawa avec les porte-parole du dossier du bassin de la rivière Peel.(Claudiane Samson/Radio-Canada)

La joie ressentie devant cette décision a donné lieu à des embrassades parmi les personnes réunies.

«C’est quelque chose qui aurait dû être fait il y a longtemps. Je suis très contente.» – Geri Lee Buyck, de la nation Nacho Nyak Dun

Selon Geri Lee Buyck, le jugement de la Cour Suprême aide à parfaire la réconciliation entre les peuples autochtones et le gouvernement du Yukon.

Dave Loeks, l’ancien président de la commission d’aménagement du bassin de la rivière Peel, qui avait supervisé le plan visant à protéger 80% de la région, est heureux de ce dénouement : « Nous avions conçu ce plan de bonne foi, basé sur notre vision de ce qu’est une bonne mesure politique ».

Le gouvernement du Yukon précédent était, selon lui, dans l’erreur, et n’avait pas écouté la population du territoire.

Tracy-Anne McPhee, procureure générale et Sandy Silver, premier ministre des territoires du Yukon. (Claudiane Samson/ Radio-Canada)

Le premier ministre yukonnais, Sandy Silver, a tenu un point de presse à Whitehorse avec la ministre de la Justice, Tracy-Anne McPhee. M. Silver a déclaré que c’était une grande victoire pour tout le Yukon. Selon lui, le territoire peut maintenant aller de l’avant et continuer de collaborer avec les Premières Nations.

Inquiétude de l’industrie minière
Le directeur de la Chambre des mines du Yukon, Samson Hartland. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Certaines entreprises minières déjà présentes sur les terres concernées par le plan d’aménagement du bassin de la rivière Peel pourraient être amenées à les quitter. Pour Samson Hartland, directeur de la Chambre des mines du Yukon, il est cependant tôt pour anticiper les développements à venir.

Selon lui, l’exploration minière n’est pas incompatible avec la protection de l’environnement.

Une décennie de conflits

Cette décision est une nouvelle étape dans une décennie de controverses entourant l’aménagement de cette région de 68 000 kilomètres carrés. La décision de la Cour suprême du Canada détermine par ailleurs comment se dérouleront les prochains processus d’aménagement du territoire pour les autres régions qui doivent en faire l’objet.

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