2017 : année de référence pour la biodiversité de l’Arctique

L’océan Arctique n’est pas un monde facile à explorer. « C’est loin, c’est coûteux et ça prend un équipement spécialisé pour échantillonner les fonds marins », détaille Virginie Roy. (Jonathan Hayward/La Presse canadienne)
L’automne dernier, le Canada a participé, avec d’autres pays du cercle polaire, à une première recension internationale de la biodiversité des animaux qui peuplent le fond marin de l’Arctique.

Pendant trois semaines, les prises effectuées dans les eaux canadiennes de la mer de Baffin ont été systématiquement mesurées, photographiées et répertoriées.

Les données recueillies pourront être comparées à celles d’autres pays qui bordent l’océan Arctique ainsi qu’à celles qui seront recueillies dans les années à venir.

Cette recherche ouvre une brèche sur un monde moins connu que la Lune, estime la chercheuse en écologie halieutique et côtière à l’Institut Maurice-Lamontagne, Virginie Roy.

Il est aussi urgent de réaliser cet inventaire, ajoute Mme Roy, puisqu’on sait très bien que les changements climatiques se produisent rapidement, surtout en Arctique, vers le pôle Nord.

Si ces changements semblent moins rapides dans les zones polaires canadiennes, baignées par les eaux froides du courant du Labrador, ils sont déjà perceptibles dans d’autres régions nordiques comme la Norvège, souligne la scientifique qui est membre d’un groupe de travail du Conseil de l’Arctique qui rassemble des scientifiques du Groenland, de la Russie, de la Norvège, de l’Islande, des îles Féroé et de l’Alaska.

Une recherche coûteuse

Cette première recension est l’aboutissement de deux ans de discussions au Conseil de l’Arctique.

L’océan Arctique n’est pas un monde facile à explorer. « C’est loin, c’est coûteux et ça prend un équipement spécialisé pour échantillonner les fonds marins », détaille Virginie Roy. C’est aussi très long, puisque les prélèvements d’une seule station peuvent s’effectuer sur des profondeurs allant jusqu’à plus de 1000 mètres.

Pour parvenir à échantillonner les fonds marins de l’Arctique, les scientifiques sont montés à bord de navires où des équipages évaluent chaque année l’état des stocks commerciaux, comme la crevette nordique et le flétan du Groenland. Chaque pays participant a effectué le même travail dans leurs zones de pêche respectives.

Une méthode éprouvée pour le Saint-Laurent

Au Canada, ce travail a eu lieu dans la baie de Baffin au nord du 66e parallèle.

À la fin octobre, le technicien en taxonomie de l’Institut Maurice-Lamontagne Claude Nozères s’est rendu jusqu’à Nuuk, au Groenland, pour monter à bord du Paamiut, un chalutier groenlandais affrété par Pêches et Océans Canada pour évaluer les stocks de flétan du Groenland au nord d’Iqaluit.

Pendant trois semaines, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, lui et une collègue ont analysé toutes les prises autres que celles du flétan, effectuées sur 78 sites différents à des profondeurs variant entre 400 et 1500 mètres.

Tous les animaux ont été quantifiés, mesurés et surtout photographiés. La photodocumentation s’avère un outil fort utile. « Ça donne un moyen de reculer dans le temps et de réévaluer ce qu’on a capturé sur un trait, de vérifier, de comparer cela avec des experts pour dire si c’est vraiment ça qu’on a capturé », précise M. Nozères.

L’objectif est aussi de bâtir un répertoire des espèces de l’Arctique comme il en existe un pour celles du Saint-Laurent.

C’était la première fois que le taxonomiste se rendait en Arctique.

Le travail d’identification effectué là-bas était toutefois similaire à ce qui avait déjà été fait dans le Saint-Laurent, plus qu’il ne l’aurait imaginé au départ. « J’ai été surpris, dit-il, de voir le flétan du Groenland ou d’autres poissons, comme la plie du Canada, la crevette nordique, capturés à 1200 mètres qui sont capturés ici dans le Saint-Laurent à 200 mètres. »

Plusieurs espèces du Saint-Laurent sont effectivement présentes dans l’Arctique, relève Virginie Roy. « Il ne faudrait pas penser que les fonds de l’océan Arctique sont des déserts. Au contraire. C’est très riche », souligne Mme Roy. Les scientifiques évaluent qu’il y aurait entre 200 et 300 poissons ainsi qu’environ 4000 espèces d’invertébrés.

Des études essentielles pour la suite des choses

Les fonds de l’Arctique sont surtout peuplés d’invertébrés benthiques, des animaux qu’on connaît notamment sous le nom de crevettes, d’éponges, d’étoiles de mer, d’araignées de mer, de plumes et de coraux.

« Il y a, explique Virginie Roy, de grandes espèces, comme les éponges, les plumes de mer, qui, de par leur grandeur ou leur forme, vont créer des habitats où les poissons de fond, où les autres invertébrés vont se cacher. S’il y a des invertébrés et des proies qui se cachent parmi les éponges, leurs prédateurs vont être attirés. »

Il est donc important de les étudier, poursuit la chercheuse, pour voir quelles espèces sont en association avec ces grands animaux.

Connaître ces espèces maintenant, en établir la distribution et en faire la cartographie, permettra donc demain de voir les impacts d’une hausse des températures ou de l’acidité des eaux en raison des changements climatiques sur l’ensemble de la biodiversité de l’océan Arctique.

 

 

 

 

 

Joane Bérubé, Radio-Canada

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