L’enquête canadienne sur les femmes autochtones disparues ou assassinées prolongée de six mois

Une femme tient des fleurs et une photo représentant Christine Wood, une jeune femme autochtone de Winnipeg portée disparue au printemps 2016. Le gouvernement canadien a annoncé mardi qu’il prolongeait de six mois l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, alors que les commissaires réclamaient deux ans et 50 millions de dollars de plus. (John Woods/La Presse canadienne)
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) a obtenu mardi du gouvernement canadien une prolongation de son mandat jusqu’au 30 avril 2019. Les commissaires demandaient deux ans, ils auront finalement six mois supplémentaires pour terminer leur travail.

L’annonce faite par la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, Carolyn Bennett, précise que les commissaires auront ensuite deux mois pour finaliser leurs travaux, soit jusqu’au 30 juin.

Les besoins budgétaires seront déterminés avec l’équipe de la commission, apprend-on dans les documents d’information fournis par le gouvernement fédéral.

Les commissaires profondément déçues

Rapidement, les commissaires de l’Enquête nationale ont réagi en exprimant leur « profonde déception » devant cette très courte prolongation, qui nuira, disent-ils, à la cause des milliers de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées, des survivantes et des familles.

« Lorsque nous avons demandé une prolongation de deux ans, nous cherchions un équilibre entre l’urgence de remédier à cette tragédie et la nécessité de faire le travail correctement. L’annonce d’aujourd’hui nous porte à croire que des considérations politiques l’ont emporté sur la sécurité des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQ autochtones », a déclaré la commissaire en chef Buller. Les quatre commissaires restants avaient aussi demandé plus de 50 millions de dollars pour mener à bien leurs travaux.

Écoutez les explications de Daniel Thibeault, correspondant parlementaire pour Radio-Canada, au Téléjournal :

 

La commissaire Audette réfléchit à son avenir

Dans une déclaration officielle, la seule commissaire francophone au sein de l’ENFFADA, Michèle Audette, déclare être « habitée par un sentiment d’incompréhension et de profonde déception ».

Elle considère que le gouvernement vient de laisser tomber « les membres des familles, les survivantes de violence et les esprits des êtres chers une fois de plus… »

Elle ajoute qu’elle prendra le temps de réfléchir et d’analyser la décision du gouvernement avant d’émettre son opinion personnelle.

Michèle Audette s’accorde les prochaines semaines pour valider sa « future participation aux travaux de l’Enquête nationale ».

L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en bref
Mandat : identifier les causes systémiques de la violence envers les femmes autochtones.

Début des travaux : 1er septembre 2016.

Budget : 53,8 millions de dollars.

Le gouvernement fédéral indique que sa décision « tient compte du fait que d’autres survivantes et membres de familles souhaitent raconter leur vécu, tout en reconnaissant le caractère urgent, pour le gouvernement, que revêt la présentation de recommandations concrètes par la commission afin de réagir aux enjeux systémiques et institutionnels qui menacent la sécurité des femmes et des familles autochtones ».

Le gouvernement a aussi annoncé une série d’enveloppes pour soutenir les victimes et leurs familles, créer un fonds de commémoration et étudier les pratiques policières.

Depuis les débuts de l’Enquête nationale, plus de 1273 personnes ont témoigné lors de 15 audiences avec des victimes ou leurs familles.

La commissaire Michèle Audette prenant la parole à l’ouverture des audiences de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées à Montréal, le 12 mars 2018. (Radio-Canada)
« Bien entendu, l’Enquête nationale va poursuivre ses travaux par respect pour les familles de celles qui nous ont quittés ainsi que pour les survivantes. »

Marion Buller, commissaire en chef de l’ENFFADA
« Elles ont tant sacrifié »

La prolongation permettra de compléter la consignation des déclarations de plus de 500 membres de famille et survivantes déjà inscrites précises la commissaire Qajaq Robinson tout en affirmant que ce nouvel échéancier « limite fortement la capacité de l’Enquête nationale de collaborer adéquatement avec les femmes et les filles autochtones qui sont marginalisées parce qu’elles ont été incarcérées ou parce qu’elles sont sans abri, parce qu’elles ont été forcées d’entrer dans l’industrie du sexe ou qu’elles ont été victimes de la traite des personnes ainsi qu’avec celles qui subissent présentement de la violence ».

Cette décision est un autre revers, selon les membres du Cercle conseil national des familles (CCNF) qui fournissent des avis à l’Enquête nationale.

Le CCNF estime que « la prolongation souhaitée de deux ans était nécessaire pour honorer véritablement la mémoire des êtres chers disparus et celle des survivantes ». Selon Gladys Radek, membre du CCNF, « cette décision dénote clairement un manque de vision ».

Femmes Autochtones du Québec fait part de sa déception

L’organisme qui représente et défend les intérêts des femmes autochtones au Québec (est du Canada) se dit préoccupé devant la déclaration du gouvernement qui estime avoir assuré la réalisation d’une enquête « alors que dans les faits ce n’est pas ce qui a été réalisé ». Pour Femmes Autochtones du Québec (FAQ), l’ENFFADA n’est pas une enquête, mais plutôt une commission de témoignage des familles.

« C’est décevant de voir qu’un gouvernement qui prétend travailler vers la réconciliation avec les Premières Nations ne fait pas tout en son pouvoir pour assurer le succès de cette commission historique. »

Viviane Michel, présidente de Femmes Autochtones du Québec

À la suite de cette annonce du gouvernement, l’association dit vouloir maintenant revoir sa participation ou même retirer sa participation, particulièrement considérant ses inquiétudes face à l’aspect juridique de l’Enquête.

Anne-Marie Yvon, Espaces autochtones

Pour d’autres nouvelles sur les Autochtones au Canada, visitez le site d’Espaces autochtones.

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