Un plan de sauvetage pour les langues autochtones dans le Nord canadien

Des mots en inuktitut sur un tableau. (Radio-Canada)
Le Plan d’action sur les langues autochtones des Territoires du Nord-Ouest 2018-2022 suscite enthousiasme et méfiance.

La commissaire aux langues officielles des Territoires du Nord-Ouest Shannon Gullberg s’est déclarée satisfaite du Plan d’action, qui, a-t-elle écrit à L’Aquilon, s’aligne avec certaines de ses recommandations, comme le respect des droits linguistiques prévus dans la Loi sur les langues officielles.

« C’est ce que je préconise depuis des années, ajoute-t-elle. Il enjoint par ailleurs au gouvernement d’établir un plan d’action afin d’accroitre la visibilité des langues autochtones dans la fonction publique. Pour ce faire, il faut que le GTNO (Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest) établisse des lois et des politiques pour augmenter les services linguistiques. […] Encore une fois, il a été clairement dit que la législation est vague et inefficace. »

Mme Gullberg, dont le rapport 2016-2017 sur les langues officielles aux TNO, déposé en février dernier, n’a toujours pas reçu de réponse du gouvernement ténois, s’est dite curieuse de suivre l’évolution du Plan d’action. « L’optimisme affiché lors du dépôt du rapport à l’Assemblée législative vendredi dernier est très encourageant », a-t-elle écrit à L’Aquilon le 1er juin 2018.

Un plan qui fait consensus

La directrice du Secrétariat des langues autochtones Angela James assure qu’outre la commissaire Shannon Gullberg, le nouveau Conseil des langues autochtones, les gouvernements autochtones, les organismes d’enseignement et le Collège Aurora ont été consultés lors de la rédaction du Plan d’action pour les langues autochtones 2018-2022. « Nous avons tenu compte de toutes les voix et les leadeurs autochtones nous appuient », dit-elle.

Le document Plan d’action – sous-titré une responsabilité partagée – présente 17 mesures, les 10 premières concernant la revitalisation des langues autochtones, les autres, l’accès à ces langues dans les services du gouvernement ténois.

La plupart de ces actions sont déjà amorcées, affirme Mme James. « L’apprentissage des langues durant la petite enfance et les directives sur l’éducation adaptée à la langue et la culture sont à la dernière étape », donne-t-elle comme exemple. Un plan triennal, dont le but est de soutenir les organisations et les communautés autochtones dans des initiatives d’apprentissage des langues, est aussi en gestation.

La formation d’interprètes reste encore à développer, prioritairement dans les domaines de la santé, de la justice et des services sociaux. Mais selon le service des communications du Ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation (MECF), des interprètes et traducteurs agréés sont disponibles pour toutes les langues autochtones à travers les TNO.

En outre, chaque ministère serait déjà doté d’un coordinateur des langues officielles autochtones, et ces coordinateurs tiendraient des rencontres trimestrielles pour discuter d’initiatives et de problématiques. Ils ne parlent aucune langue autochtone, mais travaillent de pair avec les coordonnateurs régionaux des langues autochtones.

Répartition démographique

Le poids démographique des locuteurs autochtones aux TNO varie entre deux pôles, de l’inuinnaqtun (195 personnes) au tlicho (2235). Comment ce poids est-il pris en considération dans le partage du budget multiannuel de 21 M$ annoncé par la ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Formation Caroline Cochrane ?

Les gouvernements autochtones, répond Mme James, reçoivent un financement basé sur le nombre de langues autochtones et le nombre de communautés dans leur région, tout en tenant compte du nombre de locuteurs. « Par exemple, écrit-elle, les Premières Nations du Dehcho ont une langue — le Dene Zhatié — et 10 collectivités. Elles sont donc financées en fonction de leurs initiatives sur les langues autochtones. »

Une réponse qui n’est pas entièrement satisfaisante. Est-ce à dire que c’est le gouvernement tlicho qui s’occupe des initiatives pour la revitalisation de l’inuktitut, puisque selon un document du gouvernement ténois émis en mai 2017, les locuteurs de cette langue vivent souvent à Yellowknife?

Quoi qu’il en soit, la directrice du Secrétariat des langues autochtones souligne à plusieurs reprises que les gouvernements autochtones ont des responsabilités à assumer.

« Ce sont eux, écrit-elle, qui sont le mieux placés pour diriger et gérer leurs propres initiatives à travers des Plans régionaux […] »

Mme Cochrane a déclaré, lorsqu’elle a déposé le Plan à l’Assemblée législative le 25 mai dernier, que 4,8 M$ avaient été fournis aux gouvernements autochtones en 2017 pour concevoir et diffuser un enseignement en langues autochtones, incluant la petite enfance.

Traduire les mots en actions

La coordonnatrice régionale de la langue à la Corporation régionale inuvialuite, Beverly Amos, n’avait pas lu le nouveau plan au moment de parler à L’Aquilon. « Le précédent [datant de 2010] était trop général, dit-elle, ce n’était que des mots. »

Mme Amos raconte avoir demandé sans succès un traducteur à l’hôpital Stanton il y a quelques mois. « Le personnel ne savait pas quoi faire », se rappelle-t-elle. Elle déplore que souvent, les traducteurs ne soient pas payés.

L’inuvialuit disparait, dit-elle. « Plusieurs personnes ne veulent pas l’admettre. Ils pensent que ça prend juste du temps pour retrouver [la langue]. »

Un projet pilote intitulé Our languages est actuellement en place dans 19 écoles ténoises et devrait se retrouver dans toutes les écoles à partir de septembre prochain. « Ça signifie que des étudiants de toutes les écoles entendront et utiliseront des langues autochtones durant leur routine scolaire et dans leurs interactions avec le personnel et les étudiants », a assuré Caroline Cochrane le 25 mai.

L’Aquilon a demandé sans succès à plusieurs gouvernements autochtones de commenter le plan d’action du GTNO.

Denis Lord, L'Aquilon

Pour d’autres nouvelles sur le Nord du Canada, visitez le site de L’Aquilon.

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