Harcèlement et intimidation : poursuite de 1,1 milliard $ demandée contre la Gendarmerie Royale du Canada

Une demande d’action collective a été déposée contre la GRC pour harcèlement et intimidation. (Chad Hipolito/La Presse canadienne)
La Gendarmerie royale du Canada pourrait devoir affronter une gigantesque poursuite judiciaire de 1,1 milliard de dollars – vraisemblablement la plus importante de l’histoire de la police fédérale – pour harcèlement et intimidation.

Une demande en recours collectif a été déposée vendredi, en Cour fédérale. L’action collective pourrait concerner des milliers d’agents, d’employés civils, d’étudiants et de bénévoles.

Deux agents vétérans de la GRC sont les principaux demandeurs. Dans le document de 44 pages déposé devant la Cour fédérale, ils font état d’histoires d’horreur qui ont eu lieu dans leur milieu de travail et affirment que cela découle d’actes d’intimidation et d’un harcèlement généralisé.

Les faits allégués remontent parfois à plusieurs dizaines d’années.

La demande vise à indemniser potentiellement des dizaines de milliers de personnes. La GRC compte actuellement 29 751 employés.

Si le tribunal autorise le recours collectif, celui-ci pourrait concerner toute personne qui a déjà travaillé pour la GRC et a souffert de ce que l’ancien commissaire Bob Paulson a reconnu en 2016 comme étant une « culture d’intimidation et de harcèlement général ».

Aucune des allégations n’a été examinée par le tribunal. La Cour fédérale vient juste de recevoir la demande.

Le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale a déjà réagi à ce sujet : « Le harcèlement ne peut exister dans l’environnement de travail moderne que les Canadiens veulent voir à la GRC. »

Dans une entrevue exclusive accordée à CBC, l’un des demandeurs, le sergent Geoffrey Greenwood, a rappelé les conséquences qu’il a subies après avoir signalé en 2008 que des collègues avaient reçu des pots-de-vin et été mêlés à de la corruption.

« Cela m’a profondément ébranlé », a déclaré M. Greenwood, qui travaille maintenant au détachement de la GRC à Red Deer, en Alberta.

Une culture d’intimidation

Les ennuis du sergent Greenwood ont commencé en 2007 quand il était basé à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Il dirigeait une importante enquête sur le blanchiment d’argent et le trafic de drogue dans le Nord.

D’après la poursuite, Greenwood a été chargé d’enquêter sur les allégations d’une femme arrêtée pour blanchiment d’argent.

Elle affirmait qu’un agent avait reçu 60 000 $ « en échange d’informations sur l’identité des agents infiltrés de la GRC, des surveillances et des prochaines descentes de drogue », lit-on dans le document.

M. Greenwood a également écouté des bandes de surveillance audio impliquant plusieurs autres agents.

Soutenu par une seconde équipe d’enquêteurs de la GRC qui croyait la femme, Greenwood a tout rapporté à ses supérieurs.

Selon la demande, il a subi des représailles et a reçu l’ordre d’abandonner son enquête.

« Ce directeur voulait enterrer ce problème, mais ce n’est pas dans mon caractère, a déclaré Greenwood dans une entrevue. Je ne peux pas cacher quelque chose comme ça. »

La demande allègue qu’il a fait l’objet d’accusations internes construites de toutes pièces qui constituaient une « forme flagrante d’intimidation » visant à le punir.

M. Greenwood a finalement été transféré en 2010, après avoir été ostracisé et ridiculisé par ses patrons.

« Mis sur la liste noire »

Le sergent Todd Gray, le deuxième demandeur principal, avait ce qui semblait être le travail parfait au milieu des années 1990 en tant que membre du Carrousel de la GRC, une unité de démonstration.

« C’est l’image de la GRC, c’est juste un spectacle. »

Le sergent Todd Gray

« Mais le favoritisme, l’intimidation, être mis sur liste noire pour avoir parlé … ce sont les choses qui ne se savent pas. »

M. Gray rapporte qu’en 1998, au cours de sa dernière année au Carrousel de la GRC, après s’être blessé au dos, il a reçu l’ordre de continuer. Il soutient qu’on lui a intentionnellement assigné un cheval connu pour donner des coups de pied. Lors d’un exercice, le cheval s’est dressé, a basculé et l’a blessé en atterrissant sur sa jambe droite, affirme la demande d’action collective.

Au début des années 2000, M. Gray a été affecté à un petit détachement au Nunavut.

Le sergent allègue à la Cour que l’un de ses supérieurs dans cette région « a fréquemment abusé des populations locales de Premières Nations ».

Il dit qu’il a signalé l’incident à des cadres supérieurs, mais qu’il s’est rapidement retrouvé ostracisé. Il a été privé de sa promotion et a reçu une évaluation de rendement du commandant du détachement qui a conclu qu’il devrait être renvoyé.

Maintenant âgé de 53 ans et en poste à Airdrie, en Alberta, M. Gray envisage de prendre sa retraite.

« Peu importe où j’allais, peu importe la province où j’étais, la division dans laquelle je me trouvais, les mêmes problèmes étaient toujours là », a-t-il déclaré dans un entretien à CBC.

Cette poursuite s’ajoute aux autres affaires de harcèlement portées contre la GRC, y compris le règlement de 100 millions de dollars survenu en 2016 pour les plus de 3100 policières qui ont affirmé être victimes de discrimination et de harcèlement sexuel au travail.

En 2016, face à ces allégations de harcèlement sexuel envers des centaines d’agents féminins, le commissaire de la GRC, Bob Paulson, a témoigné devant le Parlement en reconnaissant que le corps de police avait de graves problèmes.

Bob Paulson, ancien commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). (Adrian Wyld/La Presse canadienne)

« Cela ne peut pas être compris comme un problème de harcèlement sexuel », a déclaré M. Paulson au comité de la sécurité publique de la Chambre des communes.

« Le harcèlement sexuel n’a pas sa place dans l’organisation, ne vous méprenez pas, mais c’est la culture de l’intimidation et du harcèlement général qui, à mon avis, a besoin de l’attention de tout le monde », a-t-il poursuivi.

Personne à qui se plaindre

Un argument clé dans la demande est que, jusqu’en 2015, les employés de la GRC ne pouvaient former un syndicat et n’avaient donc aucune possibilité de se plaindre autrement que devant leurs patrons directement.

« Les plaintes de quelque nature que ce soit ont été traitées comme un affront à la chaîne de commandement de la structure paramilitaire de la GRC, ce qui a mené à des représailles directes et indirectes », affirme le document déposé en Cour.

Les demandeurs réclament 1 milliard de dollars en dommages et intérêts pour perte de revenus en raison de pertes de promotions, de retraites anticipées et de pertes de pensions.

Ils demandent également 100 millions de dollars en dommages et intérêts punitifs et 30 millions de dollars de plus pour indemniser les membres de la famille des employés de la GRC qui ont été lésés.

Avec les informations de Rachel Houlihan et Dave Seglins, de CBC News

Radio-Canada avec CBC

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