La tragédie méconnue du SS Princess Sophia, le pire naufrage de la côte Pacifique
Le 25 octobre 1918, le navire SS Princess Sophia sombre dans les eaux glacés du canal Lynn, dans l’État américain d’Alaska. Cette tragédie maritime, la plus terrible survenue sur la côte du Pacifique Nord-Ouest, aurait décimé 10 % de la population du territoire canadien du Yukon à l’époque.
À bord du paquebot se trouvaient environ 365 passagers dont, selon des historiens, 200 provenaient du Yukon, surtout de la ville de Dawson. Aucun passager n’a survécu.
Chronique du naufrage
Le navire du Canadien Pacifique avait quitté Skagway, en Alaska, à destination de Vancouver avant de poursuivre vers Victoria, le soir du 23 octobre, avec trois heures de retard et une tempête à l’horizon. Les vents ont vite atteint 50 noeuds et la neige soufflait fort. La visibilité était nulle.
Sans équipement moderne de navigation, l’équipage s’orientait en faisant retentir la sirène du bateau puis en comptant le nombre de secondes que l’écho mettait à lui revenir. Une méthode qui, dans de telles circonstances, lui sera fatale, explique David Leverton, directeur du Musée maritime de Colombie-Britannique.
Le navire s’est immobilisé pratiquement d’un coup en pleine nuit sur le dessus du récif, bien installé. Le capitaine, Leonard Locke, a cru plus prudent de laisser les passagers à bord le temps que les conditions s’améliorent et permettent aux bateaux prêts à venir leur porter secours de s’approcher du récif en sécurité.
Le paquebot, chauffé et éclairé, restera en place pendant 40 heures, mais entre-temps, la quille s’abîmait en se balançant sur la roche au rythme des vagues violentes. En fin de journée le 25 octobre, le capitaine lance un S.O.S. par radio, mais la tempête empêche les autres bateaux de s’approcher.
Le matin du 26 octobre, quand les bateaux de secours sont arrivés, il ne restait plus que le mât au-dessus des flots.
Une tragédie pratiquement oubliée
Si le naufrage demeure à ce jour l’accident le plus meurtrier des eaux du Pacifique Nord-Ouest, son histoire demeure encore méconnue. C’est en raison du contexte historique, selon le Yukonnais Ken Coates, historien et auteur d’un livre sur la tragédie.
« Il faut en bonne partie l’attribuer au fait que le SS Princess Sophia a coulé à la fin du mois d’octobre 1918, qu’il a fallu du temps pour trouver les corps, les ramener à Juneau et organiser le transport vers Vancouver », souligne l’historien. « Ce bateau [qui a transporté les corps], le Princess Alice, qui a été appelé le navire de la tristesse, est arrivé dans le port de Vancouver le 11 novembre, et, bien sûr, Vancouver vivait l’une de ses plus grandes célébrations de l’histoire, l’armistice était arrivé, la guerre était terminée, tout le monde fêtait, mis à part les membres des familles venus récupérer les corps de leurs proches. »
Par ailleurs, ce naufrage était à la fois une tragédie canadienne, de par ses passagers et le pavillon du bateau, et américaine, car le bateau avait sombré dans les eaux de l’Alaska. Dans le sud de notre pays ou aux États-Unis, cette histoire était perçue comme lointaine, indique Ken Coates.