L’industrie touristique du Nord canadien à l’épreuve des changements climatiques

Jamie D’Souza étudie l’impact du changement climatique sur l’industrie touristique à Churchill, dans le nord de la province du Manitoba. (Jamie D’Souza)
Le changement climatique se ressent partout au Canada, mais le Nord est particulièrement touché. Une étudiante de l’Université d’Ottawa s’est rendue à Churchill pour évaluer la façon dont cette réalité va forcer l’industrie touristique à s’adapter.

Le but de la recherche de Jamie D’Souza, qui fait une maîtrise en géographie, est de comprendre comment l’industrie touristique de Churchill pourra continuer à être prospère. Dans un contexte de réduction des gaz à effet de serre, comment s’y prendre pour nuire le moins possible aux ours polaires, l’attrait touristique majeur de cette petite bourgade du nord du Manitoba?

Pendant un mois, l’étudiante de l’Université d’Ottawa enquête auprès des touristes en leur distribuant un questionnaire. « Je cherche à savoir ce qu’ils ont fait pendant leur séjour à Churchill, pourquoi ils sont venus ici, ce qu’ils connaissent du changement climatique et s’ils ont des solutions » pour que l’industrie touristique s’adapte au changement climatique, explique-t-elle.

Les ours polaires attirent de nombreux touristes chaque année à Churchill, dans le nord du Manitoba. (Jamie D’Souza)

Ce qui ressort de son enquête, c’est une certaine prise de conscience écologique chez les touristes. « La plupart me disent que leur voyage les a vraiment touchés, dans le sens où, quand ils retournent chez eux, ils vont essayer de faire quelque chose pour l’environnement » raconte l’étudiante.

« C’est un peu bizarre parce qu’on est dans un véhicule qui utilise du diésel pour aller prendre une photo des ours polaires [qui sont eux-mêmes touchés par les rejets de CO2 provenant des transports automobiles]. »

Jamie D’Souza, étudiante à l’Université d’Ottawa
Des voyagistes peu bavards
Étudiante à l’Université d’Ottawa, Jamie D’Souza réalise une enquête sur le tourisme à Churchill. (Jamie D’Souza)

Jamie D’Souza explique avoir cependant du mal à parler aux voyagistes qui organisent les séjours. « Ils ne veulent pas vraiment parler de ce sujet-là », avance-t-elle. Son but est donc de parvenir à déceler quelles peuvent être les demandes et la conscience environnementale des touristes, afin d’aider l’industrie à s’améliorer, en répondant aux exigences environnementales de sa clientèle.

« Churchill n’est qu’une étude de cas », ajoute Jamie D’Souza. Elle espère que celle-ci aura un effet boule de neige. « Les touristes, qui viennent de partout dans le monde et qui voyageront à l’avenir, réfléchiront et proposeront des solutions dans les autres pays, auprès des autres [voyagistes] », espère-t-elle.

Changer le tourisme pour protéger l’environnement?

Pour Dominic Lapointe, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal, l’industrie touristique « a un petit peu plus de difficulté à concevoir l’adaptation aux changements climatiques à long terme ».

« L’aviation internationale est un fort émetteur de gaz à effet de serre, et c’est au cœur même de la croissance touristique internationale », ajoute-t-il.

De gros véhicules sécurisés fonctionnant au diésel emmènent les touristes dans la toundra pour voir les ours polaires à Churchill. (Jamie D’Souza)
« La perception [dans le discours du tourisme] est que les changements climatiques, c’est quelque chose qui se passe loin, dans les Maldives, à Vanuatu […] alors qu’au contraire, ça se passe présentement aussi chez nous. »

Dominic Lapointe, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal

Tout cela tient en partie à une culture ancrée depuis longtemps. « Les représentations touristiques font qu’on va avoir certaines pratiques dans certains espaces de manière récurrente depuis 100 ou 150 ans… Comment ces institutions-là se transforment pour vous amener à avoir de nouvelles pratiques dans l’espace, de nouvelles formes d’aménagement, d’habitudes et d’activités touristiques, ça, c’est beaucoup plus long », explique Dominic Lapointe.

Pour autant, les acteurs touristiques ont une « conscience claire que les changements climatiques vont changer la manière » de faire du tourisme.

Il reste que pour le chercheur, l’atomisation de l’industrie touristique fait qu’il est impossible d’avoir une impulsion provenant de quelques grands acteurs qui investissent et transforment tout le secteur d’activité, comme on peut le voir dans d’autres secteurs économiques.

Quelle serait une des premières mesures qui pourraient aider l’industrie touristique à s’adapter aux changements climatiques, selon Dominic Lapointe? « Commencer à repenser ce statut et cette hypermobilité qui est associée au tourisme présentement, à laquelle on accorde beaucoup de valeur. Il faut peut-être commencer à valoriser d’autres formes de mobilité touristique que le grand voyage international », suggère-t-il.

Thibault Jourdan, Radio-Canada

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