Arctique canadien : Le Nunavut sur le long sentier du progrès

L’Assemblée législative du Nunavut. (Nathan Denette/La Presse canadienne)
Le chemin est encore long pour que se concrétise la vision des négociateurs permettant la résolution de la plus importante revendication territoriale autochtone de l’histoire du Canada.

En 20 ans d’existence, le troisième territoire canadien a vécu de grands changements, et cela à une vitesse folle. Sa population a presque doublé, en particulier à Iqaluit. Dans cette capitale, le nombre d’infrastructures a considérablement augmenté et la croissance économique est l’une des plus élevées au Canada. C’est sans compter la transition culturelle que vit la population inuite, passant d’un mode de vie de subsistance en relation étroite avec son environnement naturel à un style sédentaire, qui tend vers l’urbanisation et le développement des technologies.

Reste que le manque de logements sociaux (environ 3000 foyers manquants), le coût élevé des transports, l’accès restreint à la nourriture, le taux de suicide élevé, la délinquance, le recul de l’usage de l’inuktitut et une représentation inuite décevante aux postes de responsabilité au gouvernement et dans le secteur privé sont autant de facteurs qui laissent pour bon nombre de Nunavummiut.e.s (les résidents et résidentes du Nunavut), un sentiment d’amertume envers les promesses faites lors de l’émancipation du territoire.

« Certaines personnes pensaient que dès lors qu’un accord sur la revendication territoriale était signé et que le gouvernement territorial était formé, elles verraient des changements immédiats. En réalité, c’est un processus qui nécessite beaucoup de travail, et du temps [aux Inuits] pour développer les compétences en gouvernance afin de maîtriser les outils législatifs et mettre en place des programmes de développement. On ne doit pas s’attendre à ce que les non-Inuits fassent les changements pour nos communautés », rappelle Madeleine Redfern, diplômée de l’école de droit Akitsiraq, première Inouk à s’être vue offrir un stage à la Cour suprême du Canada, et mairesse actuelle d’Iqaluit.

La masse du Nunavut réalisée par six artistes nunavummiuts à l’aide de matériaux provenant exclusivement du plus jeune territoire canadien. Les animaux gravés sur la masse représentent le lien entre la terre, la mer et les ressources qu’elles apportent. Le support de la masse représente une famille travaillant de concert : l’ainée dirige les autres vers l’avenir; l’homme et la femme symbolisent l’égalité des sexes. (Nicolas Servel/L’Aquilon)

Le chemin est encore long pour que se concrétise la vision des Paul Okalik, David Aglukark ou encore Allen Maghagak, quelques-uns des négociateurs qui ont permis la résolution de la plus importante revendication territoriale autochtone de l’histoire du Canada.

« Il est évident que nous avons encore beaucoup à faire. Cela a pris une quinzaine d’années pour construire le gouvernement. Notre capacité reste encore limitée [avant la finalisation du transfert des responsabilités], mais l’emploi inuit augmente, même s’il reste faible en proportion », précise David Akeeagok, ministre du Développement économique et du Transport.

Le futur est là

« Je pense que notre avenir est juste devant nous, et si les gens veulent investir sur notre territoire, c’est le bon moment pour le faire. Je pense qu’ensemble, nous pouvons faire de l’Arctique une partie du monde très prospère, d’une manière qui soit acceptable pour tous », poursuit M. Akeeagok.

Si tout n’est pas allé aussi vite qu’imaginé, le processus de transfert des pouvoirs devrait être finalisé dans les années à venir, ce qui augmentera considérablement la capacité du gouvernement nunavummiut à résoudre les problèmes sociaux qui touchent sa population grâce à une vision locale.

Cela passera par des investissements majeurs pour permettre un accroissement de l’activité économique des collectivités, grâce, entre autres au processus de décentralisation des services gouvernementaux, mais aussi au développement de nouvelles sources de revenus. Le tourisme, la pêche et bien sûr l’exploitation des ressources naturelles sont dans la mire pour apporter des emplois aux Inuits des communautés du Nunavut. Coïncidence fortuite ou cadeau d’anniversaire planifié, Brian Penney, président et chef de la direction de Baffinland Iron Mines, et David Akeeagok, ont signé un protocole d’entente, le mardi 2 avril pour collaborer à l’augmentation de l’emploi inuit à la mine Mary River, en marge du symposium sur les mines du Nunavut qui avait lieu du 1er au 4 avril à Iqaluit.

Par ailleurs, le projet de construction du port en eaux profondes d’Iqaluit, entamé durant l’été 2018 devrait être opérationnel en 2021, et apportera sans doute de nouveaux débouchés économiques et donc, des possibilités d’emploi.

Sur le plan linguistique et culturel, Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI), l’organisme qui veille à ce que les promesses faites en vertu de l’Accord du Nunavut soient réalisées, a récemment annoncé un investissement de 5,4 millions de dollars sur trois ans dans une formation linguistique accréditée en inuktitut par l’entremise du Centre Pirurvik.

Enfin, le Nunavut dispose d’une population jeune et d’un taux de natalité élevé. L’élaboration de programmes d’éducation sur le développement innovant de compétences spécifiques et locales sera également une des clés pour que le Nunavut et les Inuits réussissent leur émancipation.

Mieux sensibiliser
Madeleine Redfern, mairesse d’Iqaluit, au Nunavut, dans l’est de l’Arctique canadien. (CBC)

D’après Madeleine Redfern, le Nunavut n’en fait pas assez pour ses jeunes. Elle regrette notamment que le seul cours qui couvre en profondeur les détails de l’entente sur les revendications territoriales, l’histoire et les droits inuits, soit offert à Ottawa, ce qui en limite l’accès.

« Si nous valorisons vraiment les jeunes, il faudra beaucoup plus d’efforts et de travail. Il serait important de rapporter le programme Nunavut Sivuniksavut sur le territoire afin d’augmenter la sensibilisation des jeunes à leur propre culture, ce qui accroît généralement leur participation », affirme-t-elle.

L’avenir dira si la mise en œuvre, d’ici 2022, de la vision de la cinquième Assemblée législative du Nunavut, Turaaqtavut, portera ses fruits.

Cette vision s’articule autour de cinq objectifs majeurs : inuusivut, veiller au bien-être et à l’autosuffisance du peuple inuit; pivaallirutivut, le développement des infrastructures et de l’économie du territoire, de ses habitants et leurs communautés; sivummuaqpalliajjutivut, l’éducation et la formation préparant les enfants, les jeunes et les adultes pour des contributions positives à la société; inuunivut, renforcement du Nunavut en tant que territoire distinct au Canada et dans le monde; enfin, katujjiqatigiinnivut, la multiplication des partenariats pour faire progresser les objectifs et les aspirations des Nunavummiut.e.s.

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