Déclaration commune du Conseil de l’Arctique : les Inuits de quatre pays condamnent le torpillage américain

Dalee Sambo Dorough, présidente du Conseil circumpolaire inuit (CCI), a qualifié d’ « échec moral » le refus des États-Unis d’accepter une mention des changements climatiques dans la déclaration du Conseil de l’Arctique, mardi. (Robert Mesher/Courtoisie de Dalee Sambo Dorough)
Le Conseil circumpolaire inuit (CCI) a condamné le refus des États-Unis de signer la Déclaration de Rovaniemi, qui devait être présentée mardi lors de la rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique, en raison de l’inclusion du terme « changements climatiques ».

Le CCI représente 165 000 Inuits en Alaska, au Canada, au Groenland et au Chukotka, en Russie.

Dalee Sambo Dorough, présidente internationale du CCI, a affirmé que le geste des Américains était la preuve d’un faible leadership et d’un « échec moral ». Le CCI est l’une des six organisations autochtones de l’Arctique désignées comme participants permanents, qui composent le Conseil de l’Arctique en compagnie des huit pays nordiques.

« C’est la première fois que le Conseil de l’Arctique échoue à présenter une déclaration commune au terme d’une présidence de deux ans, et cela met en péril l’avenir de ce qui est censé être une organisation fonctionnant par consensus », a dit Dalee Sambo Dorough dans un communiqué, mardi soir.

« Les Inuits ressentent tous les jours les effets des changements climatiques. Tandis que le gouvernement américain se concentre sur la sémantique et joue avec les mots, notre peuple subit les contrecoups des changements climatiques. Se soucie-t-il de nous et de ce que nous vivons? »

Liubov Taian, présidente du Conseil circumpolaire inuit – Russie, affirme que la situation des communautés inuites de l’Arctique a été ignorée.

« Ce n’est pas seulement une question de mots – il s’agit là de la survie à long terme de notre culture et de nos communautés », a dit Liubov Taian. « Le territoire traditionnel inuit englobe 40 % de la région arctique, et il est primordial pour nos gouvernements de travailler avec nous pour affronter les changements climatiques qui touchent notre territoire, l’Inuit Nunaat. »

Un compromis in extremis

Le Conseil de l’Arctique a pour mandat de discuter de développement durable et de protection de l’environnement dans le Nord. Les pays se rencontrent tous les deux ans pour dresser un bilan, transférer la présidence et signer une déclaration définissant leurs priorités du prochain mandat, d’une durée de deux ans.

Cette année, la rencontre ministérielle se tenait mardi à Rovaniemi, en Finlande. La Finlande a transféré la présidence de l’organisation à l’Islande.

Les ministres des Affaires étrangères et les membres permanents participants autochtones lors de la 11e rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique, à Rovaniemi, en Finlande, mardi. (Vesa Moilanen/Lehtikuva/AP)

Pour la première fois de son histoire, le Conseil de l’Arctique n’est pas parvenu à s’entendre sur une déclaration commune.

La Finlande s’est plutôt empressée de réunir les pays autour d’un compromis de dernière minute entre les États arctiques. Celui-ci a pris la forme d’un communiqué d’une page énonçant un engagement commun pour « […] le bien-être des habitants de l’Arctique, le développement durable et la protection de l’environnement arctique », qui ne faisait aucune mention des changements climatiques ni de l’Accord de Paris sur le climat.

Alors que les déclarations communes sont habituellement rédigées avec la collaboration des organisations autochtones du Conseil de l’Arctique, le communiqué commun des ministres présenté mardi a été préparé sans leur participation.

« Nous craignons que la crédibilité du Conseil de l’Arctique soit mise à mal à un moment où nous avons besoin d’un réel leadership et d’une voix porteuse au sein de l’Arctique », a déclaré Hjalmar Dahl, président du CCI Groenland.

Monica Ell-Kanayuk, présidente du Conseil circumpolaire inuit Canada, a également dénoncé le refus américain d’aborder le sujet des changements climatiques à la rencontre ministérielle à Rovaniemi. (Madeleine Allakariallak/Radio-Canada)

Monica Ell-Kanayuk, présidente du CCI Canada, affirme que les Américains sont allés à l’encontre de leurs propres engagements énoncés durant leur présidence du Conseil de l’Arctique, de 2015 à 2017.

« L’administration américaine adopte cette position en dépit de la Déclaration de Fairbanks de 2017, entérinée à la fin de la présidence des Américains, qui citait clairement les effets des changements climatiques dans l’Arctique et la nécessité de poser des gestes à tous les niveaux », a-t-elle déclaré.

Les États-Unis se retrouvent en porte-à-faux avec le reste de la communauté arctique sur le dossier des changements climatiques depuis l’annonce par le président Trump, en 2017, du retrait américain de l’Accord de Paris sur le climat. Un geste dénoncé par les autres pays membres de l’Arctique et qui demeure une pomme de discorde lors des discussions bilatérales entre ces derniers et les États-Unis.

James Stotts, président du CCI Alaska, croit que le Conseil de l’Arctique établit un dangereux précédent en délaissant la participation et le point de vue des Autochtones. L’organisation internationale se targue depuis sa fondation d’inclure des organisations autochtones de l’Arctique.

« Il est temps de prêter attention aux solutions proposées par le CCI et les autres membres participants permanents », a-t-il dit. « Les dirigeants inuits ont exprimé unanimement la position suivante : vu les défis auxquels la région est confrontée, il faut offrir une réponse unifiée à la menace posée par les changements climatiques et ses retombées. »

« Cette unité est importante pour les Inuits et les peuples de l’Arctique, mais aussi pour le reste du monde. »

Eilís Quinn, Regard sur l'Arctique

Eilís Quinn est une journaliste primée et responsable du site Regard sur l’Arctique/Eye on the Arctic, une coproduction circumpolaire de Radio Canada International. En plus de nouvelles quotidiennes, Eilís produit des documentaires et des séries multimédias qui lui ont permis de se rendre dans les régions arctiques des huit pays circumpolaires.

Son enquête journalistique «Arctique – Au-delà de la tragédie » sur le meurtre de Robert Adams, un Inuk de 19 ans du Nord du Québec, a remporté la médaille d’argent dans la catégorie “Best Investigative Article or Series” aux Canadian Online Publishing Awards en 2019. Le reportage a aussi reçu une mention honorable pour son excellence dans la couverture de la violence et des traumatismes aux prix Dart 2019 à New York.

Son reportage «Un train pour l’Arctique: Bâtir l'avenir au péril d'une culture?» sur l'impact que pourrait avoir un projet d'infrastructure de plusieurs milliards d'euros sur les communautés autochtones de l'Arctique européen a été finaliste dans la catégorie enquête (médias en ligne) aux prix de l'Association canadienne des journalistes pour l'année 2019.

Son documentaire multimedia «Bridging the Divide» sur le système de santé dans l’Arctique canadien a été finaliste aux prix Webby 2012.

En outre, son travail sur les changements climatiques dans l'Arctique canadien a été présenté à l'émission scientifique «Découverte» de la chaîne française de Radio-Canada, de même qu'au «Téléjournal», l'émission phare de nouvelles de Radio-Canada.

Au cours de sa carrière Eilís a travaillé pour des médias au Canada et aux États-Unis, et comme animatrice pour la série «Best in China» de Discovery/BBC Worldwide.

Twitter : @Arctic_EQ

Courriel : eilis.quinn@radio-canada.ca

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