Photo Credit: © PC / FRED CHARTRAND

Plus d’aide aux réfugiés qu’aux retraités? Une légende urbaine qui persiste

Vous souvenez-vous des chaînes de courriels? Il fut un temps (pas si lointain) où c’était ainsi que circulaient les informations « virales » sur internet. Avant Facebook et Twitter, la majorité des photos humoristiques, bonne blagues, montages photos ou vidéos et pétitions étaient envoyées par courriel. Et c’est ainsi que la fausse information suivante a initialement été partagée:

Seulement au Canada

Il est intéressant de savoir que le gouvernement fédéral du Canada donne :

Une pension mensuelle de 1890 $ à un simple réfugié plus 580 $ en aide sociale Un total de 2470 $ mensuels x 12 mois = 28 920 $ revenu annuel

En comparaison, la pension de vieillesse d’un citoyen âgé qui a contribué au développement de Notre Beau Grand Pays pendant 40 ou 50 ans, ne PEUT recevoir (sic) plus que:Montant/mois 1012 $ Pension de Vieillesse et Supplément de revenu garanti x 12 mois = 12 144 $ revenu annuel. 

Une différence de 16 776 $ par année. 

* Peut-être que les personnes âgées devraient demander le statut de réfugiés plutôt que demander la Pension de vieillesse. 

* Envoyons ce message au maximum de Canadiens possible et peut-être l’allocation aux réfugiés pourrait être réduite à 1012 et celle de nos retraités canadiens passée à 2470 $ par mois (ils le méritent) l’argent qu’ils ont payé en impôts sur le revenu pendant 40 ou 50 ans.

UNE ABSURDITÉ INCROYABLE

NOS PERSONNES ÂGÉES CANADIENNES MÉRITENT MIEUX

S’il vous plait, partagez ce texte pour voir la réaction de vos contacts 

Cette légende urbaine a pour origine la lettre d’un lecteur publiée par le Toronto Star en 2004. L’ombudsman du Toronto Star de l’époque avait par la suite réfuté cette information, mais le mal était déjà fait.

Encore une fois et cette fois-ci le 1er décembre 2015, le Toronto Star publie la lettre d’un lecteur intitulée « Aidons-nous nous-même d’abord » (Let’s help ourselves first) qui reprend la fausse information selon laquelle l’aide aux réfugiés serait supérieure aux pensions de vieillesse au Canada et commente la décision du nouveau gouvernement libéral du Canada de verser plus de 15,3 millions de dollars sur quatre ans pour aider à la formation et l’emploi de jeunes dans huit pays africains. Dans sa lettre, la lectrice Patricia Starr dit ceci:

15 millions $ pour former des jeunes dans les pays pauvres, 29 nov.(sic)

C’est gentil. Qu’en est-il des jeunes du Canada? Et le premier ministre a promis 2,5 milliards de dollars pour aider les pays pauvres avec les changements climatiques. Aucun éditorial du Star sur les besoins des Canadiens? Les aînés canadiens qui ont travaillé et payé des impôts toute leur vie ne valent que 550 $ par mois, mais les réfugiés, bientôt électeurs, recevront 2500 $ par mois plus les avantages sociaux. C’est équitable – ou pas?  (Traduction libre – Source thestar.com)

Un mythe urbain persistant

Cette seconde lettre publiée par le Toronto Star pousse la rédactrice publique du quotidien, Kathy English,  à tenter encore une fois, de dissiper ce mythe urbain dans un édito en date du 11 décembre 2015. Ce qu’on comprend, à la lecture de l’édito de Kathy English, c’est que ce mythe urbain est persistant.

Elle le mentionne dans son texte: même une entrée de Wikipedia est dédiée à cette légende urbaine. On y apprend que cette fausse information est née au Canada, mais qu’elle a par la suite été reprise et adaptée au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie.

Le site américain Snopes.com a en effet réfuté la version américaine de ce mythe et reproduit un extrait de la lettre de l’Ombudsman du Toronto Star de l’époque qui nous donne plus d’informations sur l’origine canadienne de la fausse information:

Au paragraphe 16, l’article dit que les réfugiés individuels ont droit à une somme de 1890 $ d’Ottawa comme une «allocation de démarrage, avec une aide sociale mensuelle de 580 $, en fonction du temps nécessaire à la personne pour trouver un emploi. » […] En fait, «l’allocation de démarrage » de 1890 $ – incluant un chèque mensuel de 580 $ de l’aide sociale d’Ottawa – était un paiement ponctuel pour les besoins domestiques de base tels que l’ameublement, des chaudrons et des draps. (Traduction libre – Source snopes.com)

Snopes, le Toronto Star et Wikipedia ne sont pas les seuls à tenter de mettre fin à la circulation de cette fausse information. Des versions corrigées de l’image originellement partagée ont été publiées sur les réseaux sociaux: 

hoax-correctionYou are totally entitled to your opinion about how welcoming our country ought to be for refugees. BUT please make sure that your opinion is formed on facts and not lies…

Posted by Silvia D’Addario on Saturday, October 17, 2015

Le Gouvernement du Canada s’est également prononcé sur la question en déclarant que l’auteur du courriel à l’origine du mythe a calculé, par erreur, le versement initial unique comme faisant partie du versement mensuel. Le Conseil canadien pour les réfugiés a également tenté de mettre fin à ce mythe mais rien n’y fait. La fausse information persiste.

© Radio-Canada

Est-ce que démentir les fausses informations est inutile?

En décembre 2015 la journaliste Caitlin Dewey a décidé de mettre fin à sa chronique intitulée « What Was Fake On The Internet This Week? » Cette chronique, qu’elle a maintenue pendant 82 semaines sur le Washington Post, commentait les fausses informations, photos et études partagées à travers le web. Elle a parlé des raisons de sa décision sur les ondes de NPR en ces termes:

Les fausses informations étaient, à l’origine, juste ridicules ou sensationnalistes; le but était simplement de pousser les gens à cliquer, elles ont maintenant des fins partisanes. Elles semblent destinées à tirer profit des préjugés ou idées pré-existantes des internautes. Et nous constatons que c’est quelque chose qui est un peu plus difficile à combattre dans le format d’une chronique hebdomadaire […] Au sein de ces communautés très cloisonnés, les gens ont davantage tendance à croire à un complot ou à de la désinformation quand une information est réfutée qu’auparavant, c’est troublant.(Traduction libre – Source npr.org)

Le cas qui nous occupe ici tend à confirmer l’hypothèse de Caitlin Dewey. Cette fausse information a beau être réfutée, démentie et infirmée par les plus hauts niveaux du Gouvernement comme par des médias d’envergures ou de simples citoyens; elle continue néanmoins d’être partagée. Pour quelle raison cette fausse information résiste-t-elle à tant de tentatives d’y mettre fin?

Ce type de fausses informations fournit des arguments faciles qui viennent s’accrocher aux émotions de ceux qui les lisent. Comment ne pas être outré par l’injustice qui pourrait être subie par un groupe aussi vulnérable que les personnes âgées? Ceux qui sont contre le soutien aux réfugiés (une autre groupe extrêmement vulnérable s’il en est!) ne peuvent que trouver attrayant un argument de la sorte, malgré sa totale et absolue fausseté, et ne prennent pas la peine d’en vérifier les informations.

Nous verrons si cette fausse information continuera d’être partagée ou si elle finira par succomber aux nombreux démentis dont elle fait l’objet.

Catégories : Non classé
Mots-clés : , , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.