Perry Bellegarde

L’isolement de nombreuses communautés autochtones freine les victimes d’abus sexuel à dénoncer, estime le chef de l’APN, Perry Bellegarde.
Photo Credit: PC / Adrian Wyld

Agressions sexuelles cachées de force dans les réserves autochtones canadiennes

L’isolement de nombreuses communautés autochtones est un des éléments qui découragent les victimes de sévices sexuels ou d’inceste de dénoncer de tels actes, estime le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde.

Ce dernier souhaite que des mesures soient prises pour faire face à ce problème, un appel qui est appuyé par d’autres chefs autochtones. Il note cependant que de nombreuses victimes ont peur de parler puisqu’elles craignent des représailles.

Les communautés tissées serrées dans lesquelles elles vivent, pour la plupart, ne leur offrent pas nécessairement le soutien nécessaire pour dénoncer leurs agresseurs, admet M. Bellegarde.

La culture du silence

L’ancien président de la Commission de vérité et réconciliation, Murray Sinclair, et plusieurs experts et chercheurs tirent la sonnette d’alarme.

Certains jugent que la problématique est possiblement liée à la vague de suicides qui touche les jeunes de plusieurs communautés autochtones.

En mars dernier, le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, sonnait l’alarme, demandant une stratégie nationale en santé mentale pour freiner l’épidémie de suicide qui dévaste d’autres régions du Canada.

Dans le nord de la province de l’Ontario, sur les rives de la baie James, la petite communauté autochtone d’Attawapiskat est en état d’urgence. Entre septembre de l’an dernier et avril de cette année, il y aurait eu entre 86 et 101 tentatives de suicide dans la population, qui ne compte que 2000 personnes.

Un tipi sur la reserve Attawapiskat, Ontario en 2011
Un tipi sur la reserve Attawapiskat, Ontario en 2011 © PC/Adrian Wyld

Les Autochtones trois fois plus victimes d’agressions sexuelles

Les Autochtones sont près de trois fois plus susceptibles d’être victimes d’agressions sexuelles que les non-Autochtones, selon une analyse de données recueillies en 2014 par Statistique Canada.

Les auteurs de l’Enquête sociale générale sur la victimisation ont remarqué que le taux de presque tous les types de victimisation était systématiquement plus élevé chez la population autochtone que chez la population non autochtone.

Le témoignage anonyme d’une victime

Corey (nom fictif), qui a aujourd’hui 55 ans, est l’une des nombreuses femmes autochtones du Canada qui ont été victimes d’agressions sexuelles par des proches ou des membres de leur famille au cours de leur enfance.

Corey dit savoir par expérience qu’il est très difficile d’accorder sa confiance aux autorités locales des communautés autochtones, soutenant que les cas d’agressions sexuelles sont bien souvent balayés sous le tapis.

« Pourquoi cacher quelqu’un derrière un mur quand ce mur peut être si facilement abattu afin que [les autorités] puissent commencer à faire le travail qu’elles doivent faire? », a-t-elle lancé.

Lorsqu’elle a voulu dénoncer les agressions dont elle a été victime de 5 ans à 12 ans, Corey a été découragée par ses proches de porter plainte, ceux-ci lui faisant valoir qu’elle allait « détruire » sa famille.

Elle a mis de nombreuses années à traverser cette période sombre de sa vie, et s’est mise à apaiser la douleur en consommant de la drogue et de l’alcool.

Témoignage
Corey a fait plusieurs fois l’objet d’attouchements, parfois dans des circonstances des plus banales, en plein jour.
Elle se souvient entre autres de la fois où, alors qu’elle mangeait à la cuisine, l’un de ses deux proches agresseurs a retiré sa petite culotte et s’est mis à la caresser.
Enfant, elle sentait sa présence dès qu’il arrivait la nuit dans sa chambre en entrant par la fenêtre qui donnait sur son lit superposé.
Après l’agression l’homme laissait de l’argent sur la table.

Le coupable court toujours

Si Corey a finalement porté plainte à la police, ses agresseurs n’ont jamais été accusés, faute d’éléments de preuve. Quoi qu’il en soit, elle ne regrette pas d’avoir pris les devants.

« Ils ont jeté tous les déchets sur moi pour que je reste silencieuse. Quand j’ai décidé de ne plus être une poubelle, c’est à ce moment que j’ai su que j’avais le pouvoir de me tenir debout » et de dénoncer.

La femme espère que les paroles du chef Bellegarde mèneront à des actions concrètes. Déjà, de plus en plus de politiciens semblent porter attention au problème depuis quelques années.

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Des enquêteurs privés embauchés par le gouvernement canadien estiment avoir découvert l’identité de 5315 individus qui seraient soupçonnés d’avoir abusé physiquement et sexuellement d’élèves dans les pensionnats autochtones du Canada. Mais il semble qu’aucune accusation criminelle ne sera portée contre ces individus.
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Un pensionnat autochtone à Red Deer en Alberta au début du 20e siècle – Archives de l’Église Unie du Canada
Un pensionnat autochtone à Red Deer en Alberta au début du 20e siècle – Archives de l’Église Unie du Canada

 

RCI avec La Presse canadienne et Radio-Canada 

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Catégories : Autochtones, Politique
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