Le mouvement souverainiste au Québec

Des partisans du Non la veille du référendum sur l'indépendance du Québec de 1995/Radio Canada

Des partisans du Non la veille du référendum sur l’indépendance du Québec de 1995/Radio Canada

La séparation et l’indépendance du Québec de la fédération canadienne n’ont pris la forme d’un projet politique intégré qu’au milieu du siècle dernier.

Tableau illustrant la bataille des Plaines d'Abraham/Archives Canada

Tableau illustrant la bataille des Plaines d’Abraham/Archives Canada

Pour certains historiens, l’idée de l’indépendance remonte à la bataille des plaines d’Abraham dans la ville de Québec, le 13 septembre 1759. Au cours de cette bataille qui n’a duré que 30 minutes, les troupes britanniques menées par le général Wolfe vainquirent les forces françaises et québécoises dirigées par le général Montcalm.

La chute du dernier bastion des Québécois français les plaça tous sous le joug de l’occupation britannique, créant ainsi un sentiment d’injustice et d’échec.

Pour d’autres, elle remonte aux premières années suivant la proclamation de la confédération canadienne le 1er juillet 1867 issue de la réunion de Charlottetown.

A sa création, la Confédération, était composée de quatre colonies: le Haut-Canada (Ontario), le Bas-Canada (Québec), la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

L’adhésion à la fédération des six autres provinces anglophones a fait perdre aux Québécois francophones leur force démographique. Et ils ne représentaient désormais que le quart de la population.

Ce basculement a poussé certains francophones, après la conférence de Charlottetown, à s’opposer au nouveau système qui menacerait leur existence.

Cette opposition s’est accrue après la conférence de Québec et une première scission a vu le jour dans la camps québécois entre partisans et opposants au fédéralisme.

Cette division inquiéta le premier Premier ministre du Canada, John Macdonald, qui a renoncé à sa promesse d’organiser un référendum sur la fédération par crainte de l’effondrement du projet fédéral à cause de l’opposition au Québec.

Il a finalement imposé la nouvelle constitution sans recours au peuple par un référendum.

La conférence de Charlottetown qui jeta les bases de la Confédération canadienne/Archives Canada

La conférence de Charlottetown qui jeta les bases de la Confédération canadienne/Archives Canada

La situation est demeurée stable sur les plans politique et constitutionnel pendant les 100 ans qui ont suivi la création de la fédération canadienne.

Les gouvernements fédéraux successifs ont cherché à consolider l’unité canadienne à travers divers projets, notamment la création du premier chemin de fer reliant l’extrême est du Canada à son extrême ouest.

La création de la Société Radio-Canada et le recours à l’immigration, européenne notamment et l’édification de nouvelles villes rendue possible grâce au développement du transport ferroviaire qui a réduit les distances.

Pierre Bourgault/Radio Canada

Pierre Bourgault/Radio Canada

La tendance indépendantiste chez les Québécois francophones n’a pas reculé mais elle a été portée par des individus non « organisés »

Des responsables politiques ont promu des slogans tels que « Maîtres chez nous » ou « Egalité ou indépendance. Ceci jusqu’en 1960, une année charnière sur le chemin de la souveraineté et de l’indépendance en cette période connue par la « Révolution tranquille. »

La Rassemblement pour l’indépendance nationale

L’année 1960 a vu naître le premier rassemblement politique qui est devenu un parti appelé le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) dont la mission était « d’accélérer l’accession à l’indépendance. »

Le parti a été fondé par une vingtaine d’enseignants universitaires, d’artistes et d’écrivains, menés par le professeur d’université, écrivain, journaliste et grand orateur de gauche Pierre Bourgault. Il est connu pour avoir lancé plusieurs formules chocs  »Une seule solution : l’indépendance », « cent ans d’injustice, ça suffit » ou « On est capables ». Il a prononcé plus de 4000 discours au cours de sa vie.

« Comment voulez-vous qu’on ait des aspirations ? Comment voulez-vous qu’on ait envie de se battre quand on sait, depuis deux cents ans, qu’on perd et qu’on perd ? C’est ça être profondément colonisé. »

Écoutez

Un autre parti indépendantiste a vu le jour, à droite cette fois » : le « Ralliement national » dirigé par Gilles Grégoire.

Une rivalité opposa les deux partis jusqu’en 1967, qui marqua un tournant historique pour les souveranistes québécois, quand René Lévesque lance le Mouvemement souveraineté-association.

Après des négociations en vue de l’unification des forces indépendantistes, l’Alliance nationale rejoint le Mouvemement souveraineté-association. Le parti québécois est né.

Mais le Rassemblement pour l’indépendance nationale qui en est exclu s’autodissout après quelques semaines, à la suite d’un référendum interne, et ont rejoint, sur proposition de Pierre Bourgault, le parti nouvellement créé.

Bourgault déclara : « Pour la dernière fois de ma vie, je dis : Vive le RIN ! Et pour la première fois de ma vie, je dis aussi : Vive le Parti québécois ! »

La crise d’octobre – Le Front de libération du Québec

Une voiture de police en feu lors de la crise d'octobre/Radio Canada

Une voiture de police en feu lors de la crise d’octobre/Radio Canada

Bien que le mouvement souveranisite ait été pacifique et démocratique, il a été traversé par une série d’événements violents connu par la « crise d’octobre ».

Le 5 octobre 1970, une cellule du Front de libération du Québec (FLQ) enleva à sa maison de Westmount (Montréal) l’attaché commercial britannique James Richard Cross.

La crise s’aggrave avec un deuxième enlèvement, celui du ministre du travail et de l’Immigration du Québec, Pierre Laporte.

Le FLQ exigea la lecture de son manifeste à la télévision de Radio-Canada.

La crise a été marquée par la proclamation de l’état d’urgence et de la suspension des libertés publiques par le Premier ministre canadien Pierre-elliott Trudeau.

Plus de 500 citoyens québécois accusés de vouloir subversion sont arrêtés. La plupart ont été libérés après enquête.

Le 17 octobre, le corps du ministre Pierre Laporte a été retrouvé dans le coffre d’une voiture.

Début décembre, la police découvre le lieu où était détenu le diplomate britannique et des négociations ont eu lieu pour le relâcher en échange d’un sauf-conduit pour Cuba pour les membres du FLQ et leurs familles.

Le FLQ qui avait posé des bombes et des explosifs devant les bureaux du gouvernement fédéral à Montréal est finalement démantelé.

La Parti québécois – René Lévesque

René Lévesque, le journaliste/Radio Canada

René Lévesque, le journaliste/Radio Canada

Né le 24 août 1922 à New Carlisle, une municipalité à majorité anglophone.

À l’âge de 13 ans, il commence à travailler comme traducteur et lecteur de nouvelles dans une radio de New Carlisle.

Il s’inscrit à l’Université Laval à Québec où il poursuivit des études de droit sans obtenir de diplôme.

En 1944, il est engagé en tant que correspondant de guerre pour les troupes américaines qui étaient à la recherche de journalistes parlant couramment plusieurs langues, en prévision du débarquement en Normandie.

En 1945, il rejoint Radio Canada International de la Société Radio-Canada », Il y a travailla en tant que journaliste pendant cinq ans.

En 1951, il redevient correspondant de guerre pour couvrir la guerre de Corée. Juste après, il rejoint Radio Canada où il animera plusieurs émissions.

René Levesque a décidé d’entrer dans l’arène politique en 1960 où il s’est présenté aux élections générales.

Il remporte un siège à l’Assemblée nationale sous les couleurs du Parti libéral, vainqueur de cette élection, que dirigeait Jean Lesage.

Ce dernier le nomme ministre des Ressources hydrauliques et des travaux publics puis ministre des Ressources naturelles jusqu’en 1966. A ce poste, il présente un projet de nationalisation des compagnies d’électricité٫

Il maintiendra son siège de député après une élection anticipée en 1964٫ Nommé ministre de la Famille et du Bien-être social, il marquera son passage par un régime d’adoption et une aide aux familles monoparentales, entre autres.

Il enregistre une troisième victoire aux élections de 1966 mais le parti libéral perd la majorité et passe à l’opposition. Ces élections ont vu la participation pour la premières fois du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) et du Ralliement national.

A cette occasion, , au cours desquelles les premiers membres indépendants du Rassemblement pour l’indépendance nationale et du Rassemblement national sont présentés. Mais le Parti libéral a perdu la majorité et est passé à l’opposition.

A l’été 1967, il présente au parti libéral sa proposition « Option Québec » qui fut rejeté par le congrès du Parti,

René Lévesque démissionne du Parti libéral. Il est rejoint par des députés proches de lui.

René Lévesque, le politicien/Radio Canada

René Lévesque, le politicien/Radio Canada

Le 19 novembre 1967, il fonde le « Mouvement Souveraineté-Association » pour promouvoir son projet de souveraineté du Québec la séparation du Canada à l’image de l’Union européenne.

Il crée le Parti québécois en 1968 mais il va demeurer député indépendant jusqu’aux élections de 1970. Le parti québécois remporte sept sièges, mais René Lévesque n’est pas réélu.

Il revient au journalisme comme chroniqueur au sein du Journal de Montréal et du Journal de Québec. Il y restera jusqu’à l’élection de 1976 remportée par le Parti québécois. René Lévesque devient Premier ministre.

Le gouvernement du Parti québécois met en chantier plusieurs projets et réalisations à à caractère social et politique, notamment l’adoption de la Charte de la langue française connue par la Loi 101.

La France et l’indépendance du Québec

L'arc de triomphe construit spécialement pour la venue de Charles de Gaulle au Québec Photo : Jean-Claude Labrecque

L’arc de triomphe construit spécialement pour la venue de Charles de Gaulle au Québec Photo : Jean-Claude Labrecque

Le 24 juillet 1967, le président français Charles de Gaulle est arrivé à Montréal pour une visite officielle.

Il a prononcé un discours du balcon de l’hôtel de ville de Montréal où il annonce sa position sur la question de la souveraineté et de l’indépendance du Québec dans sa célèbre phrase qui fait désormais partie de l’histoire canadienne moderne: « Vive le Québec gratuitement »

Cette position provoqua des tensions entre le Canada et la France٫ En représailles, le gouvernement canadien refusa de recevoir De Gaulle qui fut contraint d’écourter sa visite et rentrer.

Le référendum de 1980

Écoutez

« Il faut nous débarrasser d’abord en priorité de ce régime, dans lequel pas seulement nous, nous n’avançons pas comme nous devrions, mais on se paralyse tous mutuellement. Sortir de ce vieux régime fédéral qui est fini »

René Lévesque le soir de la défaite au référendum de 1980 - Radio Canada

René Lévesque le soir de la défaite au référendum de 1980 – Radio Canada

Le 20 décembre 1979, après la publication du Livre blanc sur la souveraineté-association, le gouvernement du Québec a annoncé sa question référendaire du 20 mai 1980 :

« Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d’acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre le Québec et le Canada ? »

Selon des observateurs de l’époque, la situation politique était propice à une victoire du oui au référendum car le Premier ministre conservateur Joe Clark qui dirigeait un gouvernement minoritaire n’était pas très populaire au Québec.

Mais la donne a changé avec avec la chute du gouvernement conservateur de Joe Clarke et la démission forcée de ce dernier et la tenue d’élections législatives.

Elles furent remportées à une large majorité par les libéraux dirigés par Pierre Elliott Trudeau.

Doté d’une personnalité charismatique et forte, il était populaire aussi bien Canada qu’au Québec.

Son parti a remporté soixante-sept des soixante-quinze sièges du Québec à la chambre des communes.

Bien qu’il soit québécois francophone au Québec, Pierre-Elliott Trudeau est connu pour son opposition à la sécession et sa défense du système fédéral.

Écoutez

 »٫٫٫Au moment où l’Europe essaie d’accéder à une sorte d’union politique, Ces gens-là au Québec et au Canada veulent diviser [le Canada]. Ils veulent l’enlever à leurs enfants. Ils veulent le casser. Nous leur répondons : NON »

La déception des indépendantistes québécois était à la hauteur de leurs aspirations. Ils ont perdu le référendum. Le camp fédéraliste qui veut maintenir le Québec dans la fédération canadienne est sorti vainqueur avec 59٫56% des votes.

Le soir de l’annonce du résultat et face à ses partisans déçus, René Lévesque fit cette déclaration :

Écoutez

 »Mes chers amis, si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire: à la prochaine fois.’

Signature de la Constitution canadienne par la reine Elizabeth II à Ottawa, le 17 avril 1982, en présence du premier ministre Pierre Trudeau Photo: La Presse canadienne / Stf-Ron Poling

Signature de la Constitution canadienne par la reine Elizabeth II à Ottawa, le 17 avril 1982, en présence du premier ministre Pierre Trudeau Photo: La Presse canadienne / Stf-Ron Poling

Malgré la perte du référendum, le Parti québécois toujours dirigé par René Lévesque remporte les élections de 1981.

Pierre-Elliott Trudeau entame les négociations contitutionelles promises avec les provinces y compris le Québec.

Malgré l’échec des négociations, le Premier ministre canadien rappatrie la Constitution canadienne du Royaume-Uni en y ajoutant la Charte des droits et libertés. Toutes les provinces la signent sauf le Québec qui ne l’a jamais signée jusqu’à nos jours.

Les négociations constitutionnelles entre le Canada et le Québec reprennent avec l’élection en 1984 d’un gouvernement conservateur dirigé par Brian Mulroney.

Le Québec pose ses conditions pour la signature de la constitution qui comprennent la reconnaissance du Québec comme société distincte et un droit de véto pour la province.

Les négociations se poursuivent sans le Parti québécois après sa défaite et le retour au pouvoir des libéraux conduits par Robert Bourassa.

Les deux parties parviennent à un accord en 1987, l’accord du Lac Meech. Mais il n’a pas été adopté par tous les parlements provinciaux. Et il fut abandonné.

En 1992, le gouvernement fédéral organise un référendum sur l’accord de Charlottetown, qui a été rejeté par 54٫3% des électeurs.

Au début des années 1990, un groupe de députés fédéraux conservateurs et libéraux fondent un nouvreau parti fédéral indépendiste, le Bloc québécois. Plus tard, son chef Lucien Bouchard deviendra Premier ministre du Québec.

Le référendum de 1995

Jacques Parizeau - Radio Canada

Jacques Parizeau – Radio Canada

Confronté à l’échec répété des prjets de réalisation de l’indépendance, le gouvernement québécois de Jacques Parizeau annonce la tenue d’un référendum sur l’indépendance le 30 octobre 1995. René Lévesque n’y prendra pas part. Il est décédé 8 ans plus tôt, le 1er novembre 1987.

Cette fois, la question est claire et brève : « « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l’avenir du Québec et de l’entente signée le 12 juin 1995 ? »

Le Non l’emporte avec un très petite avance. Les défenseurs de l’unité canadienne arrivent en tête avec 50٫58% des voix exprimées. Le taux de participation était de 93%. Les souverainistes québécois ont perdu par 54٫288 voix.

Jacques Parizeau exprimera sa profonde déception devant ses partisans le soir de l’annonce des résulats :

Écoutez

 »J’aurais tellement voulu comme vous tous que ça passe. On était si proches du pays. Mais c’est retardé un peu, pas longtemps. On n’attendra pas quinze ans cette fois-là. »

Et il ajouta sa fameuse phrase :

Écoutez

‘C’est vrai qu’on a été battus, au fond, par quoi ? Par l’argent puis des votes ethniques, essentiellement. »

Le lendemain, il présenta sa démission.

Plusieurs Premiers ministres québécois souverainistes se sont succédés : Lucien Bouchard, Bernard Landry et Pauline Marois.

La question d’un troisième référendum a divisé le camp souverainiste entre ceux qui le veulent coûte que coûte et ceux qui attendent que les conditions gagnantes soient réunies.

En attendant que ces conditions soient réunies, le parti québécois perd tu terrain et son allié au Parlement fédéral, le Bloc québécois, traverse une crise profonde.

La première génération des souverainistes idéologiques est en train de partir. Et la jeune génération qui a été le moteur de la mouvance indépendantiste s’ouvre de plus en plus sur le monde à travers les nouveaux moyens de communication dans un monde qui ressemble de plus en plus à un village.

Une question reste posée : l’indépendance sera-t-elle victime de la mondialisation et se transformerait-elle en ce rêve qui n’adviendra pas et ne se rélisera jamais ?

Catégories : Politique, Société
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