Ces francophones qui choisissent de s’installer dans le Grand Nord canadien

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Une vue du centre-ville de Yellowknife, aux Territoires du Nord-Ouest. (Emilio Avalos/Radio-Canada)
Si une chose distingue la francophonie des territoires, c’est la dimension essentiellement migrante de cette communauté, contrairement au « sud » du Canada. Le passage de ses membres dans le Grand Nord canadien est souvent temporaire, mais certains, conquis par la vie en plein air et les possibilités d’emploi, s’installent pour de bon dans ce coin de pays.

Mariia Souchko, une Franco-Ukrainienne, a quitté la France le 17 août 2016 avec son mari, leur fillette de 4 ans et leur chien husky, pour s’installer dans les Territoires du Nord-Ouest, où elle est chargée de marketing pour une entreprise de logiciels à Yellowknife.

C’est un changement de vie radical qui n’est pas pour déplaire au couple. « Ce qui nous a attirés, c’était cette proximité avec la nature », dit-elle.

Le Canada, pour eux, c’était un vieux rêve, « un peu une terre promise », plaisante Mariia. Mais pas n’importe où. Son mari et elle voulaient être dépaysés, et, surtout, ne pas se retrouver dans une grande ville « qui ressemble à toutes les autres ailleurs dans le monde ».

Yellowknife leur apporte son lot d’aventures, tout en les intégrant dans une communauté franco-ténoise très dynamique, selon Mariia. « Les quatre premiers mois, on a tellement parlé français qu’on s’est dit, mon mari et moi, que nous n’allions jamais améliorer notre anglais », se rappelle-t-elle.

Portrait de la population francophone des Territoires du Nord-Ouest

Il existe 11 langues officielles dans les Territoires. : le français, l’anglais et 9 langues autochtones.

Selon l’Étude du profil des migrants et immigrants francophones dans les Territoires du Nord canadien du professeur de l’Université de Moncton Christophe Traisnel, publié en avril 2016, les Territoires du Nord-Ouest comptent environ 40 800 habitants. Environ 1090 personnes ont pour langue maternelle le français, soit 2,7 % de la population environ.

Les francophones sont jeunes, l’âge médian étant de 37,3 ans. Celui-ci est toutefois un peu plus élevé que celui de la population globale des Territoires du Nord-Ouest, qui est de 32,1 ans.

C’est d’ailleurs dans la tranche d’âge de 25 à 29 ans qu’il y a le plus de francophones. Ils sont éduqués : 73,5 % d’entre eux ont terminé des études postsecondaires, alors que le taux est de 48,4 % dans le reste des Territoires.

Selon l’agente en immigration, en recrutement et en employabilité pour le Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest, Audrey Marceau, la plupart des nouveaux arrivants choisissent cette région pour les possibilités d’emploi, d’autant qu’il est possible d’y acquérir rapidement de l’expérience.

L’avancement professionnel est très rapide ici.

Audrey Marceau, agente en immigration, recrutement et employabilité CDÉTNO

Les francophones n’ont d’ailleurs pas de problèmes de chômage, puisque 83,1 % ont un emploi que et le taux de chômage atteint 1,9 %, selon l’étude. Par contre, la population du territoire connaît plutôt un taux d’emploi de 66,8 %, pour un chômage de 11,4 %.

Serge, 37 ans, Territoires du Nord-Ouest
Le Grand lac de l’Ours vu de Deline, aux Territoires du Nord-Ouest. La plupart des habitants installent des tipis dénés dans leur jardin pour fumer la viande et tanner les peaux. (Eilís Quinn/Regard sur l’Arctique)

Serge Levavasseur fait exception aux statistiques : il lui aura fallu 24 ans pour trouver un emploi gouvernemental dans le village autochtone de Fort Providence, à quelque 320 kilomètres de Yellowknife, village dont est originaire sa femme.

Étant un Blanc dans un village indien, pour trouver du travail, ça n’a pas été facile. La priorité était donnée à ceux qui vivaient là depuis toujours, ce que je comprends.

Serge Levavasseur, immigré dans les Territoires du Nord-Ouest il y a 37 ans

Tour à tour trappeur, créateur de sa propre entreprise de construction et de transport, ce Normand d’origine est opérateur d’équipements lourds. Il était technicien aéronautique en France, ce qui lui a permis de trouver rapidement un emploi dans une entreprise à Montréal en 1979.

Mais la politique québécoise et les questions nationalistes de cette époque lui déplaisaient. « J’étais immigrant au Canada et non au Québec », raconte-t-il.

En 1981, il remet son sac à dos et part pour l’Ouest où il finit par atterrir à Yellowknife, inspiré par un livre d’aventure de Roger Frison-Roche, un explorateur français qui s’est rendu dans le Grand Nord canadien durant les années 1950. Trente-sept ans plus tard, avec une épouse et deux enfants, le globe-trotter se rappelle encore l’étonnement de ses proches quand il s’est installé dans le coin.

Les gens me demandaient ce que j’allais faire dans ce coin-là, parce que c’est vrai qu’à cette époque il n’y avait pas grand-chose. Je ne parlais pas anglais non plus.

Serge Levavasseur, immigré français aux T.N.-O. depuis 37 ans
Isolés du reste du Canada?
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Des aurores boréales au-dessus de Yellowknife. (Emilio Avalos/Radio-Canada)

« Peut-être parce que c’est tellement loin dans la tête des gens, certains pensent qu’on est isolés, mais ce n’est pas le cas, surtout avec les technologies, et il se passe tellement de choses ici qu’on ne se sent pas isolés du reste du Canada », raconte Mariia.

Selon Audrey Marceau, c’est aussi le style de vie qui attire bon nombre de familles immigrantes, « un équilibre entre le travail et les activités ».

Il faut quand même avoir du courage pour venir vivre ici. On cherche quelque chose de plus que le confort dans la vie, comme une certaine paix pour notre mental.

Mariia Souchko, immigrante francophone, arrivée en août 2016
Une francophonie très mobile

Même si la population francophone demeure stable, celle-ci varie beaucoup. En 2016, 44,6 % des francophones étaient arrivés aux Territoires du Nord-Ouest dans les cinq années précédentes. Parmi eux, 80 % venaient d’Afrique, selon l’étude.

D’après Audrey Marceau, il reste difficile de dessiner le portrait type de l’immigration francophone, car les pays d’origine des nouveaux arrivants sont variés.

« Il y a quand même des prédominances de personnes venant de France, de Belgique et des pays d’Afrique du Nord », estime-t-elle.

Il y a également ce que l’on appelle l’immigration secondaire, les Canadiens arrivant d’autres provinces. « Ils arrivent souvent ici parce que le marché de l’emploi est saturé dans les grandes villes comme Montréal et Toronto », explique Audrey Marceau.

Les Territoires du Nord-Ouest, on les aime, mais on les quitte?

Quant à ceux qui décident de quitter l’aventure du Grand Nord, c’est souvent pour des raisons familiales, que ce soit pour se rapprocher de la famille ou pour les études des enfants, explique Audrey Marceau.

C’est aussi la mission phare du CDETNO : recruter les nouveaux arrivants lors de forums de l’emploi dans l’est, à Québec et à Montréal, dans l’ouest, à Vancouver, mais aussi en France et en Belgique. Là-bas, Audrey explique les conditions de vie dans les Territoires. « Ce n’est pas pour tout le monde de vivre dans le nord », pense-t-elle.

Il faut que ce soient des gens d’aventure, qui aiment la nature, pêcher… On essaie de briser les mythes : il n’y a rien, il fait froid, etc.

Audrey Marceau, agente en immigration, recrutement et employabilité au CDETNO

Pour rester, il faut un goût certain pour l’aventure, ou bien encore trouver l’amour, comme Serge.

Camille Feireisen, Radio-Canada

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2 réflexions sur “Ces francophones qui choisissent de s’installer dans le Grand Nord canadien

  • mardi 10 décembre 2019 à 14:46
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    J’ai 71 ans , une bonne santé , à cet âge peut on aller vivre et terminer sa vie là-bas ?

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