Enfant inuit

Enfant inuit
Photo Credit: GABRIEL BOUYS/Getty Images

Après 60 ans de lutte, la tuberculose est toujours 50 fois plus présente chez nos Inuits

L’une des figures mondiales en matière de lutte contre le sida affirme que les politiques de déportation des Inuits du nord vers le sud dans, les années 1950 et 1960, pourraient encore expliquer les taux de transmission de la tuberculose beaucoup plus élevés au sein de ces populations encore aujourd’hui.

© PC/Nathan Denette

Bien que la tuberculose soit quasi inexistante dans le sud du Canada, on la retrouve dans plusieurs réserves du nord et dans 17 des 25 communautés du Nunavut. Les taux d’infection sont environ 50 fois plus élevés chez les Inuits que dans le reste de la population canadienne, selon les données de 2016.

Stephen Lewis, codirecteur d’AIDS-Free World et ancien envoyé spécial des Nations unies pour le VIH/sida, estime que le gouvernement canadien doit au minimum aux Inuits une explication sur ce qui s’est produit lorsque leurs proches ont été éloignés de leur domicile pour soigner une tuberculose dans les années 1950 et 1960.

La pauvreté et les résidences surpeuplées des communautés de l’Arctique sont souvent montrées du doigt pour expliquer la situation. Mais des sociologues ont indiqué dans le passé que l’un des facteurs qui rendent la tuberculose si difficile à maîtriser est le souvenir de la façon dont les Inuits ont été traités dans le passé.

Stephen Lewis estime donc que les gestes de l’époque continuent de compliquer aujourd’hui la façon de répondre efficacement au problème de la tuberculose dans les communautés éloignées du Grand Nord canadien.

Le saviez-vous
Des recherches permettent de croire que la maladie a pris fermement racine dans le Grand Nord lorsque les Inuits ont été déplacés des camps de chasse vers des communautés offrant des maisons d’une pièce, sans salle de bain, fournies par le gouvernement.
D’autres vivaient dans des cabanes construites avec des débris de construction, ce qui a créé les conditions idéales pour la propagation de la maladie.
Des navires hospitaliers comme le C.D. Howe transportaient les Inuits atteints de la maladie vers des centres de traitement, au sud.

Des Inuits dans les années 50 qui souffraient de tuberculose.
Des Inuits dans les années 50 qui souffraient de tuberculose. © Archives

5240 Inuits déplacés

Stephen Lewis, codirecteur de AIDS-Free World
Stephen Lewis, codirecteur de AIDS-Free World © PC/Adrian Wyld

Des documents du gouvernement canadien indiquent que de 1953 à 1961, un total de 5240 Inuits ont été déplacés vers le sud. La population de l’Arctique de l’Est, à l’époque, était d’environ 11 500 habitants.

Plusieurs Inuits ont perdu leur langue et leur culture après des années passées loin de chez eux. Un grand nombre d’entre eux ne sont jamais retournés dans leur village ou ont perdu contact avec leur famille, une blessure psychologique qui continue de hanter les communautés, affirme M. Lewis, qui a rencontré des Inuits à Iqaluit et à Igloolik la semaine dernière.

M. Lewis estime que le gouvernement doit à ces gens des excuses formelles, et lui demande d’accéder à la demande d’organisations inuites d’ouvrir toutes ses archives afin de permettre aux Inuits de retrouver leur famille perdue.

Aide-mémoire
Il y a environ 150 000 Inuits dans le monde
Ils sont unis par un patrimoine culturel commun et une langue commune.
En plus de vivre dans l’Arctique canadien, les Inuits vivent aussi dans le nord de l’Alaska et le Groenland et ont des parents proches en Russie.
Jusqu’à récemment, les étrangers appelaient les Inuits « Eskimos ».
Maintenant, ils préfèrent leur propre terme « Inuit », qui signifie simplement « les gens ». Il y a environ 40 000 Inuits au Canada.

Gravure de 1882 représentant la vie quotidienne des Inuits.
Gravure de 1882 représentant la vie quotidienne des Inuits. © iStockphoto

Réactions du gouvernement canadien

Jane Philpott
Jane Philpott © Sean Kilpatrick / Prensa Canadiense

La ministre canadienne des Services aux Autochtones, Jane Philpott, affirme que le gouvernement est au courant des enjeux passés et présents entourant la tuberculose. Elle explique avoir rencontré des leaders inuits qui vivent aujourd’hui avec la maladie.

« Ce sont des conversations qui ont lieu de façon très active, a-t-elle déclaré lundi. Nous sommes déterminés à nous pencher sur cet enjeu, à la fois dans un contexte de redressement pour des injustices historiques, mais aussi avec un accent mis sur les gens qui vivent aujourd’hui avec la tuberculose. »

Mme Philpott admet que les souvenirs de leurs traitements, dans le passé, ont un impact sur la façon dont les Inuits perçoivent la tuberculose aujourd’hui. Mais elle précise qu’il n’en va pas de la responsabilité de son ministère d’ouvrir l’accès à des informations historiques.

« Ma priorité est de reconnaître les services donnés aujourd’hui, et ce sont des secteurs où il y a un énorme travail à faire, a-t-elle souligné. Il n’y a aucun doute que de terribles injustices ont été commises dans le passé. »

RCI avec La Presse canadienne

En complément

Une page d’histoire des Inuits bientôt révélée – RCI 

Les Inuits et le développement de l’Arctique – RCI 

Enquête de terrain humaine sur les Inuits résistants – RCI 

Catégories : Autochtones, Santé
Mots-clés : , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.