Le Parti populaire cambodgien du premier ministre Hun Sen a remporté les élections générales de dimanche. Mais tant la diaspora cambodgienne que les principales capitales occidentales dénonce un scrutin antidémocratique (REUTERS / Darren Whiteside)

Législatives au Cambodge : Ottawa et l’UE déçus, Pékin satisfait

Les élections législatives de dimanche au Cambodge n’ont pas été justes, libres et équitables, selon le gouvernement canadien. Un point de vue qui conforte les dénonciations préélectorales de la diaspora cambodgienne au pays.

Le Parti du peuple cambodgien (PPC), au pouvoir à Phnom Penh, dit avoir remporté l’ensemble des 125 sièges au Parlement au scrutin législatif de dimanche. Ce qui n’est vraiment pas une surprise puisque le parti de Hun Sen n’avait pas de véritable adversaire. La principale force d’opposition avait été dissoute l’année dernière.

Ottawa dénonce le résultat

Les résultats définitifs seront officialisés le 15 août. Mais d’ores et déjà, les grandes capitales du monde ont commencé à réagir à cette élection. Peu impressionné par l’issue du scrutin, le gouvernement canadien a relevé le fait que la campagne électorale a été assombrie par l’intimidation des électeurs et la manipulation des urnes.

Dans un communiqué, Ottawa a en outre dénoncé «  l’utilisation du pouvoir judiciaire pour harceler, intimider et éliminer l’opposition – y compris le dirigeant du Parti du salut national du Cambodge, M. Kem Sokha, qui reste emprisonné – et pour réprimer la société civile et la presse, n’est pas un signe d’élections libres, justes et équitables ».

Le gouvernement canadien a appelé son homologue cambodgien à reconnaître les droits civils fondamentaux du peuple, à rétablir les libertés d’expression et de participation politique ainsi qu’à  libérer Kem Sokha, détenu sans caution depuis près de 11 mois. Réaction similaire à Washington où la Maison-Blanche a dénoncé des élections « ni libres ni équitables [qui constituent] le revers le plus cinglant au système démocratique défini par la Constitution cambodgienne ». Washington va réfléchir à  « un accroissement significatif » des restrictions de visas introduites l’an dernier à l’encontre de certains responsables cambodgiens.

L’UE menace

De son côté, l’Union européenne a qualifié de « non crédibles » les résultats du scrutin de dimanche, organisées selon elle dans un « climat politique très restrictif » et a demandé aux autorités de rétablir la démocratie. La porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a dénoncé « l’absence d’une véritable compétition électorale et l’absence d’un processus politique inclusif font que l’élection du 29 juillet n’est pas représentative de la volonté démocratique de l’électorat cambodgien et, par conséquent, ses résultats manquent de crédibilité ».

À l’instar du Canada, l’UE considère que « les élections se sont déroulées dans un climat politique très restrictif ». Elle constate notamment qu’au cours des mois précédant l’élection, les autorités cambodgiennes ont utilisé le système judiciaire du pays et d’autres formes de pression pour restreindre l’espace réservé à l’opposition politique, à la critique et à la dissidence, y compris de la société civile.

L’Union européenne dit attendre des autorités cambodgiennes qu’elles rétablissent la démocratie, qu’elles engagent un dialogue avec l’opposition et qu’elles créent des conditions propices au libre débat politique et à la concurrence, dans lesquelles les médias et la société civile, y compris les défenseurs des droits de l’homme et des droits des travailleurs, peuvent exercer librement leurs droits sans restrictions injustifiées.

En décembre 2017, après la dissolution du CNRP, l’UE avait suspendu son assistance financière à la commission électorale chargée de l’organisation des législatives.

La veille du scrutin, des membres de la diaspora cambodgienne à Montréal qualifiaient l’élection d’« antidémocratique » et de « frauduleuse ». L’un des organisateurs de la manifestation de Montréal, Sokha Ly, estimait que « la situation au Cambodge est dramatique, les gens sont opprimés, c’est le silence total. Les gens au Cambodge ne peuvent pas parler et les rassemblements de 10 personnes ou plus sont interdits ».

Ces réactions négatives font dire à Sam Rainsy, fondateur du Cambodge National Rescue Party (CNRP), le seul parti d’opposition du pays dissous en novembre 2017 que « pour la première fois depuis les élections organisées par l’ONU en 1993, le Cambodge n’a plus de gouvernement légitime reconnu comme tel par la communauté internationale ».

Pour l’ancien mouvement, qui avait remporté plus de 44 % des voix aux législatives de 2013, le scrutin de dimanche était un nouveau jour sombre dans l’histoire du pays et on assiste tout simplement à la mort de la démocratie cambodgienne.

Pékin aux côtés de Phnom Penh

Seule voix divergente dans ce concert de critiques : celle de Pékin. La Chine, fidèle alliée du régime communiste au pouvoir, a adressé ses « sincères félicitations » au gouvernement d’Hun Sen. « Nous espérons que […] le peuple cambodgien pourra accomplir de grandes réalisations dans son développement  », a déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang.

Le premier ministre Hun Sen dirige le Cambodge d’une main de fer depuis 1985. (Minh Hoang / Pool via REUTERS)

Quelque 80 000 policiers étaient mobilisés pour les élections de dimanche. Leur mission : s’assurer que les 8,3 millions cambodgiens inscrits sur les listes électorales votent dans le calme. Pendant la campagne, l’homme fort du royaume, Hun Sen, avait mis en garde contre la contestation des résultats, faisant planer le spectre d’une ère de chaos dans un pays toujours traumatisé par le régime des Khmers rouges. Un régime qui, on s’en souvient, avait commis un génocide de près de deux millions de morts dans les années 1970.

L’ex-Hhmer rouge Hun Sen, devenu premier ministre en 1985, à 32 ans, a toujours minimisé son rôle au sein du mouvement maoïste. Mais il dirige son pays d’une main de fer, verrouillant tous les centres de pouvoir. Trois de ses trois fils occupent des postes sensibles au sein de l’armée et du parti. Son parti a remporté toutes les élections depuis 1998.

(Avec l’AFP, La Presse canadienne, Gouvernement du Canada)

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