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Les miniréacteurs nucléaires canadiens devraient-ils pouvoir sauter une étape des évaluations environnementales?

Les représentants de l’industrie nucléaire ont dévoilé mercredi une « feuille de route » qui appuie les projets du gouvernement canadien d’autoriser la construction en série de miniréacteurs au pays, mais dont l’une des 53 recommandations parle de soustraire ces réacteurs à une pré-évaluation environnementale, car ils poseraient « un faible risque d’effets environnementaux néfastes éventuels dans les domaines de compétence fédérale ».

Cette recommandation surgit alors qu’un projet de loi est à l’étude pour créer l’Agence canadienne d’évaluation des impacts (ACEI). Elle aurait pour tache d’évaluer les grands projets, comme les pipelines, les mines ou les barrages électriques.

Or, le ministre des Ressources naturelles Amarjeet Sohi laisse déjà savoir qu’il ne ferme pas la porte à cette exemption pour les petits réacteurs modulaires nucléaires qui font l’objet d’un intérêt grandissant à l’international comme au Canada.

Le gouvernement canadien estime que ces réacteurs permettraient dans les régions nordiques de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre. Les entreprises minières notamment sont souvent établies en forêt où l’énergie est en grande partie produite par des moteurs au diesel. 

Les petits réacteurs modulaires (PRM) seraient moins puissants que les réacteurs traditionnels, mais ils pourraient être produits à la chaîne en usine et assemblés sur place, là où on en aurait besoin.

De plus petits réacteurs et moins de déchets

– Les PRM auraient une puissance maximale de 300 MW (comparativement à une puissance classique de 800 MW).
– Les plus petits PRM pourraient être de la taille du sous-sol d’une maison, et les plus gros, de celle d’un édifice.
– Puisque les PRM seront moins puissants que les réacteurs traditionnels, ils généreront individuellement moins de déchets.

Ce miniréacteur nucléaire pourrait être installé dans un jardin. © Hyperion Power Generation

Laissez la commission canadienne de sûreté nucléaire faire son travail

Selon le président de l’Association nucléaire canadienne (ANC), John Barrett, les projets de miniréacteurs pourraient simplement faire l’objet d’un examen par la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). « Ce que nous, l’industrie, disons au gouvernement fédéral […] c’est que de garder cela entre les mains de la CCSN permettrait de favoriser le développement des projets, sans entraver l’évaluation environnementale et réglementaire », explique-t-il

Cette Commission canadienne de sûreté nucléaire a cependant été prise à parti il y a deux ans par la commissaire canadienne à l’environnement, sorte d’ombudsman du citoyen qui relève du Bureau du vérificateur du gouvernement canadien.

La commissaire à l’environnement du Canada Julie Gelfand Photo : Adrian Wyld

La commissaire affirmait dans son rapport que les inspections dans les centrales nucléaires canadiennes notamment recommandées à la suite du désastre japonais de Fukushima n’avaient pas été adéquatement gérées.

La commissaire Gelfand relevait de nombreuses lacunes et pressait la CCSN de mieux planifier ces exercices d’inspection nécessaires à la sécurité de la population qui, en Ontario notamment, habite à proximité des centrales.

Dans son rapport, la commissaire écrivait : « La CCSN n’a pas pu démontrer qu’elle disposait d’un processus systématique adéquat, fondé sur les risques, pour planifier ses inspections des installations dans les centrales nucléaires. »

Les Canadiens sont-ils prêts à appuyer une exemption aux minicentrales nucléaires? Écoutez pour le savoir…

Photo : Pixababy

Une technologie qui n’a pas encore fait ses preuves?

Dans les faits, les petits réacteurs modulaires n’existent encore nulle part en Occident. Aux Laboratoires nucléaires canadiens de Chalk River, en Ontario, on espère construire un prototype d’ici huit ans.

Le ministre Amarjeet Sohi – Photo : CBC

Le ministre des Ressources naturelles Amarjeet Sohi affirme, dans une entrevue le mois dernier, à Radio-Canada, que ces réacteurs sont prometteurs.

« Nous voyons le potentiel de cette technologie pour réduire les impacts environnementaux », notait le ministre Sohi. Il dit que son rôle est de rapprocher l’industrie, les intervenants du secteur et les provinces pour « voir comment les PRM peuvent jouer un rôle dans l’éventail énergétique du Canada ».

Grincements de dents antinucléaires

Gordon Edwards – YouTube

« Ils n’ont pas de mandat de la population. Il n’y a eu ni consultation ni débat parlementaire. Ils ne devraient pas aller de l’avant, dit Gordon Edwards, fondateur du Regroupement pour la surveillance du nucléaire. Ce qui m’inquiète, c’est que ça va coûter beaucoup d’argent, qui pourrait plutôt être investi dans des solutions viables, comme l’énergie solaire et éolienne. »

À l’instar de M. Edwards, Gilles Provost, porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive, estime que la question de la gestion des déchets est au coeur de l’enjeu du nucléaire. Il craint que le Canada devienne parsemé de lieux radioactifs mal surveillés.

Enquête internationale demandée sur les déchets nucléaires canadiens

Quarante groupes demandaient, le printemps dernier, une enquête internationale sur les sites actuels de déchets nucléaires canadiens et sur trois nouveaux projets d’enfouissement en cours d’évaluation par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, car ils ne correspondraient pas aux normes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Ces groupes environnementaux et des Premières Nations, dont une vingtaine du Québec, ont envoyé en ce sens une lettre à l’AIEA.

La lettre souligne que le Canada ne s’est jamais doté d’une politique de gestion de ses déchets radioactifs et qu’il n’a développé aucun système de classification pour leur élimination.

Salle des commandes d’une centrale nucléaire canadienne
Crédit photo : Radio-Canada/Josée Ducharme

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Florence Ngué-No, Justine Cohendet et Sarah Émilie Bouchard de Radio-Canada

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