Le ministre Bernard Drainville lors du dépôt du projet de loi sur la charte des valeurs à l'Assemblée nationale du Québec, le 7 novembre 2013.
Photo Credit: PC/Jacques Boissinot

Maintien de l’interdiction des signes religieux pour les employés de l’État au Québec

Après des mois d’échanges et de déchirements au Québec, le gouvernement de la première ministre, Pauline Marois, a déposé jeudi son projet de loi sur la « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodements ».

La charte a changé de nom, mais son contenu a subi peu de modifications :

  • L’élément le plus controversé, celui de l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, est maintenu dans le projet de loi. Le texte stipule qu’« un membre du personnel d’un organisme public ne doit pas porter, dans l’exercice de ses fonctions, un objet, tel un couvre-chef, un vêtement, un bijou ou une autre parure, marquant ostensiblement, par son caractère démonstratif, une appartenance religieuse. »
  • Crucifix à l’Assemblée nationale : le projet de loi donne à l’Assemblée nationale le pouvoir d’approuver ou non la présence d’un symbole religieux dans ses locaux.
  • Période de transition pour certaines organisations avant de se conformer à l’interdiction de port de signes religieux : elle est d’une année pour tous les employés de la fonction publique, mais les établissements de santé, les cégeps, les universités et les municipalités peuvent bénéficier d’une période supplémentaire de quatre ans. Les établissements de santé peuvent renouveler une fois cette période de quatre ans, ce qui leur donnerait, au total, un délai de transition de neuf ans. Les employés recrutés après l’adoption du projet de loi ne bénéficieront pas de ces exceptions.
  • Accommodements raisonnables : ils doivent être accordés s’ils ne posent pas de contrainte excessive et selon une grille et des critères préétablis, qui respecteraient les principes d’égalité homme-femme, de laïcité et de neutralité de l’État.

Bernard Drainville persiste et signe

Sans aborder le débat houleux ou l’opposition qu’a générée dans la population le projet de charte de son gouvernement, le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a réitéré à l’Assemblée nationale que ce projet de loi avait pour but premier d’instituer les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État.

« La diversité du Québec est une richesse. Aujourd’hui nous posons des gestes pour bâtir une diversité qui va durer longtemps. »— Pauline Marois, première ministre du Québec

Le projet de loi, qui portera le numéro 60, doit aussi préciser dans la Charte des droits et libertés de la personne que l’exercice des droits et libertés qu’elle contient doit se faire dans le respect de l’égalité homme/femme, de la primauté du français et de la séparation de la religion et de l’État.

Le tout devant se faire en tenant compte « des éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec qui témoignent de son parcours historique », selon le ministre Drainville.

Dans son discours, le ministre Drainville a présenté un projet de loi qui reprend à quelques détails près l’ensemble des propositions de son projet de charte des valeurs québécoises.

« Cette charte marque un jalon important de notre histoire, parce qu’avec elle nous affirmons ce que nous sommes et définissons le Québec dans lequel nous voulons vivre ensemble, peu importe notre origine ou notre religion. »— Bernard Drainville, ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne

En conférence de presse, Bernard Drainville s’est dit convaincu qu’une fois adoptée, la charte deviendra une « source d’harmonie et de cohésion pour le Québec », qu’elle permettra aux Québécois de se rapprocher et de se connaître davantage « en créant un espace sans distinction de religion ou de croyances ».

« C’est simple, l’objectif que nous visons c’est la neutralité religieuse de l’État, parce qu’elle est garante d’égalité pour toutes les Québécoises et les Québécois », a précisé le ministre Drainville.

Sur les exceptions prévues dans le projet de loi

En ce qui a trait à la possibilité pour certains établissements, de santé notamment, d’obtenir une prolongation de la période de transition prévue par la loi, Bernard Drainville a expliqué qu’elle ne s’adressait pas qu’à l’Hôpital juif de Montréal, comme le suggérait un journaliste­.

Toutes les institutions de santé pourront se prévaloir de la possibilité de demander une prolongation de la période de transition, a assuré le ministre. Elles devront le faire dans le cadre et selon les critères prévus par la loi.

Mais l’établissement devra toutefois faire la démonstration qu’il poursuit des efforts vers l’atteinte de la neutralité religieuse dans ses murs, prévient Bernard Drainville.

La durée de la prolongation sera déterminée en conséquence par le gouvernement.

Un vote de confiance

Fait à noter, avant le dépôt du projet de loi 60, le gouvernement Marois a déclaré que le vote de l’Assemblée sur le dépôt du projet de loi serait un vote de confiance. Ce qui implique qui si le dépôt du projet de loi avait été refusé, le gouvernement tombait et la province se retrouvait en élection.

Questionné par les journalistes sur cette manoeuvre qui aurait pu précipiter le Québec en élection, Bernard Drainville a expliqué que le leader parlementaire, Stéphane Bédard, avait pris cette décision afin de s’assurer que le gouvernement puisse déposer et présenter aux citoyens son projet de loi.

Selon le ministre Drainville, une rumeur circulait en matinée voulant que l’opposition, qui est majoritaire en Chambre, s’opposerait au dépôt du projet de loi 60, ce qui aurait empêché le gouvernement Marois de présenter officiellement son projet de loi.

Donc, en faisait du vote sur le dépôt une question de confiance, le Parti québécois mettait au défi l’opposition de déclencher des élections immédiatement, ce qu’elle n’a pas fait.

Deux mois de débats

Les débats autour de la charte québécoise ont commencé le 10 septembre, lorsque le gouvernement du Parti québécois en a donné le coup d’envoi. Avec son projet, le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, veut réaffirmer la neutralité religieuse de l’État, tout en conservant le crucifix à l’Assemblée nationale.

À peine ses propositions dévoilées, les réactions fusent. « C’est ostentatoire, ce ne l’est pas. Est-ce qu’on va avoir une police religieuse pour aller voir dans le cou des fonctionnaires ce qui est permis et ce qui ne l’est pas? », a dénoncé Nathalie Roy, députée de la CAQ. 

De leur côté, les libéraux s’y sont opposés complètement. « Ce qui est devant nous, c’est la charte de la chicane et il est également clair que le Parti québécois tourne le dos à l’héritage de René Lévesque », a dit le chef Philippe Couillard.

Un mois plus tard, Québec solidaire a carrément déposé son propre projet de charte, qui est passé dans l’indifférence.

À chacun son opinion

En l’espace de quelques jours, au début octobre, trois anciens premiers ministres péquistes se sont prononcés sur la question.

« On n’a jamais passé une loi ou des règlements pour interdire quoi que ce soit de religieux », a plaidé Jacques Parizeau, en faveur de compromis. Lucien Bouchard a aussi milité pour la tolérance et l’ouverture.

De son côté, Bernard Landry a approuvé l’essentiel des propos de ses ex-collègues. Il s’est aussi prononcé en faveur d’une interdiction des signes religieux ostentatoires, mais seulement pour les employés qui occupent des postes d’autorité, comme les juges, les procureurs et les policiers.

RCI avec Radio-Canada

Catégories : Politique, Société
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