Les trains à la dérive beaucoup plus nombreux qu’on le croit au Canada

Une analyse exhaustive des bases de données du Bureau de la sécurité dans les transports (BST) par CBC News (les nouvelles anglaises de Radio-Canada) révèle que plus de 450 incidents impliquant des trains partis à la dérive ont été répertoriés au Canada entre 2000 et 2012. Soit 300 de plus que ce qui figure dans les rapports annuels du BST.

Selon CBC News, qui a obtenu un accès aux bases de données du BST en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, il y aurait eu, durant cette période, beaucoup plus que les 158 incidents de wagons ou de trains partis à la dérive signalés dans les rapports annuels du Bureau de la sécurité dans les transports..

L’équipe de CBC a découvert en effet des dizaines d’incidents supplémentaires de trains perdant des wagons ou se mettant seuls en mouvement.

Selon la base de données du BST, des incidents et accidents impliquant des wagons perdus ou des trains partis à la dérive se sont produits environ 35 fois par année au cours de la période étudiée.

Des incidents dont on ne parle pas

Sur la Côte-Nord du Québec, il y a deux ans, des wagons perdus se sont déplacés seuls sur 24 kilomètres, atteignant 100 kilomètres à l’heure, avant de s’immobiliser enfin près de la ville de Sept-Îles. Cinq mois plus tôt, 33 wagons contenant des résidus de pétrole, stationnés dans une gare de triage près d’Edmonton en Alberta, se sont soudainement mis en mouvement et ont parcouru 5 kilomètres à la dérive.

CBC explique cet écart entre ses chiffres et les bilans annuels du BST par le fait que l’organisme fédéral ne répertorie dans la catégorie « train parti à la dérive » que les événements où l’emballement d’un train a été signalé aux inspecteurs de sécurité comme étant la cause principale de l’incident.

De fait, les trains ou wagons partis à la dérive seraient impliqués dans un nombre beaucoup plus grand d’incidents et d’accidents, même s’ils ne sont pas considérés comme en étant la cause principale.

C’est ainsi que de nombreux incidents qualifiés de « déraillement » ou de « collision » dans les registres du BST ont en fait été à l’origine causés par des wagons perdus ou des trains partis à la dérive.

« Si un train parti à la dérive provoque un déraillement ou une collision, il sera rapporté selon sa conséquence la plus importante », explique Rox-Anne Daoust, porte-parole du BST.

Suivant cette logique, la tragédie de Lac-Mégantic au Québec , où un train de 74 wagons chargés de pétrole a déraillé au centre-ville de la petite ville de 6000 habitants, en juillet dernier, ne serait pas comptabilisée comme un cas de train parti à la dérive dans la base de données du BST.

La majeure partie du temps, révèle l’équipe de CBC, les incidents répertoriés comme « trains ou wagons partis à la dérive » sont sans conséquence grave, mais pas toujours. Au moins 5 travailleurs ont perdu la vie au cours des 13 dernières années dans ce type d’incident. Leur nombre élevé soulève par ailleurs plusieurs questions sur la sécurité des opérations et des convois ferroviaires au Canada.

L’étude des bases de données a également permis de constater que seulement 2 % environ de ces incidents consignés font l’objet d’une enquête du Bureau de la sécurité dans les transports, un organisme indépendant chargé d’améliorer la sécurité des moyens de transport au pays.

Des cas préoccupants

  • En août 2009, le conducteur d’un train de passagers de Via Rail a dû immobiliser son train d’urgence pour ne pas entrer en collision avec un wagon échappé sur la voie près de Breslau, en Ontario.
  • En janvier 2005, deux wagons du CN, dont l’un contenait des produits chimiques hautement inflammables, ont roulé librement sur une distance de 10 kilomètres sur une voie principale très fréquentée, près de Longueuil, au Québec.
  • En janvier 2004, un convoi du CN perd un groupe de wagons de 300 mètres de long, qui a fini par s’immobiliser près de la ville de Huntsville, en Ontario.
  • En août 2001, deux wagons contenant de l’ammoniac ont roulé librement sur la voie principale de Port Robinson, reliant Niagara Falls, en Ontario. C’est un citoyen qui a aperçu les deux wagons seuls sur la voie qui a averti les autorités de leur présence.
  • Dans les années 2010, un wagon chargé de papier s’est mis en mouvement dans l’État du Vermont. Il a roulé sur une distance de 50 kilomètres, traversant la frontière canado-américaine à grande vitesse sans être détecté par les autorités frontalières. Le wagon a été retrouvé sur une voie près de Lennoxville, au Québec.

La porte-parole du BST, Rox-Anne Daoust, n’a pas voulu commenter les raisons pour lesquelles si peu d’incidents ont fait l’objet d’une enquête. Mme Daoust a expliqué que les 18 enquêteurs du BST répartis à travers le pays choisissent d’enquêter sur les accidents qui donneront lieu aux recommandations les plus utiles pour améliorer la sécurité.

Rappelons qu’en juillet dernier, 47 personnes ont été tuées dans l’explosion d’un train transportant du pétrole qui a déraillé au centre-ville de Lac-Mégantic, au Québec.

RCI avec Radio-Canada et CBC News

Catégories : Politique, Société
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