Les sénateurs libéraux siégeront dorénavant comme indépendants, a annoncé le chef du Parti libéral du Canada (PLC), Justin Trudeau.
« Le Sénat est brisé et a besoin d’être réparé », a-t-il dit lors d’un point de presse à Ottawa mercredi, ajoutant que cette institution était devenue un problème pour les citoyens. Pour cette raison, les 32 sénateurs nommés par les anciens gouvernements libéraux ne sont plus membres du caucus du PLC, a-t-il décidé.
« Seuls les députés élus seront membres du caucus libéral. Il n’y aura plus de sénateurs libéraux. »— Justin Trudeau
À son avis, le Sénat souffre de deux problèmes : la partisanerie et le favoritisme politique. S’il est élu premier ministre, il s’engage donc également à réformer le mode de nomination des sénateurs pour s’assurer que le Sénat retrouve son indépendance et son rôle de lieu de réflexion sur les politiques publiques. Ce processus devra être ouvert, transparent et non partisan, a-t-il expliqué.
« Il est devenu évident que la structure de parti au sein du Sénat interfère avec ses responsabilités », a-t-il expliqué, mettant au défi le premier ministre Stephen Harper de faire de même. « Sous le régime conservateur, la ligne de parti a amplifié les pouvoirs du premier ministre », s’est désolé Justin Trudeau.
« Il y a huit ans, alors qu’il était le chef de l’opposition, M. Harper dénonçait cette convention et s’était engagé à la changer. Comme nous le savons tous : il n’a rien fait. En fait, il a plutôt choisi d’adhérer complètement à ce processus archaïque. »
Les anciens sénateurs libéraux ne pourront par ailleurs plus faire de levées de fonds pour le parti. Leur budget alloué par le PLC sera aussi éliminé.
Des sénateurs « libéraux indépendants »
La plupart des sénateurs libéraux, désormais indépendants, sont sortis en bloc parler aux médias, afin de montrer un front uni. « Nous sommes libérés », ont-ils dit d’une même voix. Mais ils semblaient résister aux changements et s’accrocher à l’étiquette libérale.
Certains ont d’abord avancé qu’ils étaient toujours des sénateurs libéraux, bien qu’indépendants, et qu’ils étaient toujours membres du caucus libéral. Mais alors qu’ils se sont fait souligner par les journalistes que leur chef avait mentionné qu’ils étaient hors du caucus libéral, ils se sont défendus en disant qu’ils seraient membres du « caucus libéral du Sénat ».
James Cowan, le leader libéral au Sénat, a dit que son équipe formait toujours l’opposition officielle à la Chambre haute. « Cela ne changera pas grand-chose », a-t-il même déclaré, semblant ainsi contrecarrer l’ampleur de la réforme du chef.
Une réforme sans toucher à la Constitution
Avec son geste, Justin Trudeau espère réformer le Sénat sans toucher à la Constitution, « que les Canadiens ne veulent pas rouvrir ».
Sur cette question, il s’en est pris au Nouveau Parti démocratique (NPD) et à son chef Thomas Mulcair. « Sa promesse d’abolir le Sénat, comme s’il avait une baguette magique, est délibérément et cyniquement trompeuse ou vide et égoïste », a dit Justin Trudeau. « M. Mulcair veut peut-être passer la prochaine décennie à argumenter au sujet de la Constitution. En ce qui me concerne, j’aimerais passer ce temps à aider les Canadiens à résoudre leurs problèmes. »
« Un Sénat élu n’est pas désirable », a-t-il ajouté.
Le gouvernement Harper propose pour sa part de limiter la durée des mandats à neuf ans. Les conservateurs, qui estiment pouvoir procéder aux changements sans avoir besoin de l’accord des provinces, ont sollicité l’avis de la Cour suprême sur cette question.
Le Sénat est actuellement composé de 105 sénateurs.
« Un écran de fumée »
Le gouvernement a rapidement rejeté les propositions libérales. « Un écran de fumée », a commenté mercredi le ministre d’État à la réforme démocratique, Pierre Poilievre. C’est une stratégie pour se distancer du rapport que le vérificateur général prépare sur les dépenses des sénateurs, a-t-il ajouté.
Les conservateurs croient qu’il doit y avoir un vrai changement pour le Sénat et que les sénateurs doivent être élus, a rappelé M. Poilievre.
« Mieux vaut tard que jamais », a pour sa part réagi Thomas Mulcair, rappelant qu’en octobre dernier les libéraux ont voté contre une motion du NPD qui demandait « précisément ça ». « Je trouve ça pour le moins ironique qu’aujourd’hui il en découvre les mérites. »
« Changer la Constitution pour éliminer le Sénat, c’est pas simple, ça ne se fait pas en criant ciseau. Par contre, ça se fait », a jouté M. Mulcair, leader du NPD, citant en exemple les changements constitutionnels effectués pour permettre de déconfessionnaliser les commissions scolaires québécoises dans les années 90.
Le scandale des dépenses
Le Sénat est au cœur de l’actualité depuis que l’on a appris que quatre sénateurs, trois conservateurs et un libéral, avaient réclamé des remboursements indus.
Les trois sénateurs conservateurs, Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau, ont démissionné du caucus et ont été suspendus sans salaire. Ils se défendent vivement d’avoir réclamé des sommes indues et accusent le bureau du premier ministre de les sacrifier pour étouffer l’affaire. Le sénateur Mac Harb, nommé par les libéraux, a pour sa part pris sa retraite de la Chambre haute dans la foulée d’un scandale similaire.
RCI, Radio-Canada et La Presse Canadienne
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