La vague des « selfies », ces photos autoportraits, gagne les électeurs qui immortalisent leur vote lorsqu’ils sont dans l’isoloir. Mais, ont-ils le droit de rendre public un acte censé être secret? Est-ce que ces « selfisoloirs » pervertissent un principe fondateur de la démocratie?
Les électeurs néerlandais ont initié la mode de faire des autoportraits dans des isoloirs lorsqu’ils votaient, les partageant ensuite sur les réseaux sociaux, que ce soit Facebook, Instagram et Twitter. Cette pratique a traversé les frontières et a été largement reprise en France pendant les dernières élections municipales.
Violation du secret de vote?
Selon les articles 355 et 356 de la Loi électorale, « le vote est secret. Aucun électeur ne peut, sur les lieux d’un bureau de vote, faire savoir de quelque façon que ce soit le nom du candidat en faveur duquel il se propose de voter ou a voté ».
Même si ce geste n’est pas illégal, car l’esprit de la loi a été respecté (l’électeur n’a ni publicisé, ni fait savoir son vote aux personnes présentes dans le bureau de scrutin), il demeure toutefois interdit. L’usage des appareils photo dans les bureaux de vote est défendu. (À l’exception des journalistes. Les photos que ceux-ci prennent sont très balisées. Ils ne peuvent pas photographier un électeur dans l’isoloir en train de voter).
À l’ère des téléphones intelligents, cette interdiction reste théorique à moins d’exiger des électeurs qu’ils se débarrassent de leur téléphone ou appareil photo compact avant d’entrer dans l’isoloir!
La publication des « selfies » peut susciter des soupçons sur l’indépendance du vote : Est-ce que l’électeur a été contraint par une personne ou une organisation de publier son vote en guise de preuve de son respect d’une possible entente (ex : achat de vote)?
S’agit-il d’une tactique subtile de marketing politique préparée par des partis politiques afin d’influencer le vote en leur faveur?
Les « selfisoloirs », l’anti abstention
Le taux d’abstention aux élections dans les pays démocratiques a atteint un niveau inquiétant (au Canada, près de 40 % aux dernières élections fédérales, au Québec, il frôlait les 43 % aux élections de 2008). Les protagonistes des « selfisoloirs » voient dans ces autoportraits pris dans l’isoloir un moyen efficace de persuader leurs compatriotes de voter et d’assumer leurs responsabilités citoyennes.
Un baptême de feu
Pour certains électeurs, notamment les jeunes, faire des autoportraits dans un isoloir au moment de choisir son candidat n’est qu’un simple geste visant à immortaliser son premier vote, un baptême de feu d’un citoyen à la société civile.
Des électeurs ivres « d’exhibitionnismes »?
Certains croient que « l’exhibitionnisme » des électeurs qui font des égo-portraits dans un espace très discret où la confidentialité est garantie par la constitution désacralise et banalise le vote, un pilier fondamental des systèmes démocratiques.
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Zoubeir Jazi
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