Tout le monde politique de la province de l’Ontario anticipait lundi les excuses officielles de la première ministre de cette province, Kathleen Wynne, pour l’adoption en 1912 du «Règlement 17» qui est venu restreindre pendant de nombreuses années l’usage du français dans le système éducatif de l’Ontario.
Pendant 15 ans, dans la plus grande de nos 10 provinces, il était interdit aux enseignants notamment des écoles catholiques et publiques de l’Ontario d’ouvrir ne serait ce que quelques instants en classe un manuel scolaire en français ou même de parler français en classe dans le but d’enseigner aux élèves.
Le Règlement 17 – adoptée par le gouvernement conservateur de James Whitney en 1912 – n’autorisait les enseignants à utiliser le français que si cela était absolument nécessaire de communiquer avec un enfant de première année qui ne parlait pas anglais.
Le Règlement 17 menaçait de représailles les commissions scolaires, les enseignants et même les élèves récalcitrants. À cette époque, 7 % de la population ontarienne était francophone avec des concentrations importantes de plus de 30 % dans des régions du Nord et de l’Est.

Enseigner en français aux francophones en cachette
Ce règlement a donc forcé de nombreux enseignants francophones à recourir à la furtivité, en cachant par exemple les manuels français, lorsque les inspecteurs scolaires venaient visiter la salle de classe.
En 1927, suite aux protestations des francophones et pressions du clergé, le gouvernement ontarien a fini par établir un système d’écoles primaires bilingues où le français devenait la principale langue d’enseignement.
Mais, le Règlement XVII ne disparaîtra complètement des statuts de la province qu’en 1944.
Témoignage de la fille d’une enseignante

Léonie Gareau, la fille de l’enseignante Dolores Roberge affirme que sa mère qui a enseigné à une soixantaine d’élèves francophones de 1914 à 1916 à Lavigne dans le nord-est de l’Ontario a refusé de se plier au Règlement 17.
« Elle enseignait le français et faisait faire la prière le matin et le soir, mais elle n’avait pas le droit. Quand l’inspecteur arrivait, elle cachait le crucifix et cachait les livres français. »
Léonie Gareau croit que l’inspecteur n’était pas dupe, mais qu’il était sensible à la cause des francophones. Il n’a donc jamais dénoncé sa mère. « Je suis certaine que l’inspecteur le savait, mais elle n’a jamais été punie et elle a continué d’une école à l’autre », dit-elle.

Excuses officielles devant les parlementaires de l’Ontario

Le député libéral de Sudbury, Glenn Thibeault, avait présenté une motion en ce sens en décembre dernier au gouvernement pour qu’il présente des excuses officielles. « Ce règlement déplorable était une attaque contre la communauté franco-ontarienne. » dit-il.
Glenn Thibeault incarne lui-même les conséquences désastreuses qu’a eues le règlement 17 pour la communauté franco-ontarienne. Canadien français de père et mère, M. Thibeault a dû réapprendre la langue de ses ancêtres une fois adulte. Il a toujours beaucoup de difficulté à parler en français.
« C’est pour ça que ces excuses me tiennent particulièrement à cœur. J’ai perdu ma langue à cause de ce règlement, et c’est important qu’il y ait une reconnaissance ».
La première ministre avait dit en décembre dernier : « Je crois que ce serait approprié de présenter ces excuses. Nous nous trouverions, premièrement, à réfléchir sur un passé au cours duquel nos prédécesseurs voyaient la dualité linguistique d’une tout autre manière et, deuxièmement, à le reconnaître officiellement. »

RCI avec CBC et Stéphany Laperrière de Radio-Canada
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