L’avortement était carrément illégal au Canada jusqu’en 1969, il y a donc tout près de 50 ans, lorsque le Parlement du Canada a adopté une loi qui modifiait le Code criminel du Canada pour permettre l’avortement, mais uniquement dans certaines circonstances très restreintes pour protéger la « santé » de la mère.
La nouvelle loi précisait aussi que les avortements ne pouvaient être pratiqués que dans des hôpitaux agréés par des médecins habilités. Du coup, l’accès à l’avortement demeurait inégal au pays. On n’a pas pensé au sort des femmes vivant en région rurale notamment. La loi ne prévoyait aussi aucune mesure pour forcer les provinces à ouvrir leurs hôpitaux à la pratique de l’avortement.
Enfin, tous les autres types d’avortements demeuraient toujours passibles de sanctions en vertu du Code criminel. En clair, l’avortement était encore une infraction criminelle, sauf dans les circonstances très strictes prescrites dans le Code criminel.
La Cour suprême vient élargir la zone non illégale de la pratique de l’avortement
En janvier 1988, la Cour suprême du Canada, à la suite d’une poursuite intentée par le Dr Henry Morgentaler, a aboli l’article 251 du Code criminel adopté par le Parlement canadien en 1969 en raison des inégalités de son application au pays.
Le Dr Henry Morgentaler était un médecin qui offrait des avortements aux femmes alors que le Code criminel l’interdisait. Lui et deux autres médecins de sa clinique avaient été accusés de contrevenir au Code criminel. Ils se sont défendus en affirmant que l’article du Code criminel qui criminalisait l’avortement était inconstitutionnel. La Cour suprême leur a donc donné raison.
Les juges concluaient aussi que la loi n’était pas appliquée de façon égale dans l’ensemble du pays, ce qui allait à l’encontre de la garantie de sécurité de la personne prévue à l’article 7 de la fameuse Charte canadienne des droits et libertés et qui avait préséance dans cette affaire.
La Cour suprême jugeait très sévèrement aussi le fait que beaucoup d’hôpitaux au pays n’avaient pas formé comme prévu des comités d’avortement thérapeutique.
L’invitation de la Cour suprême est restée lettre morte
La Cour suprême avait reconnu dans son jugement de 1988 que l’État canadien avait un intérêt légitime à protéger le fœtus et elle invitait le Parlement à rédiger une autre loi restreignant l’avortement.
Toutes les tentatives législatives présentées au Parlement canadien depuis 1988 pour limiter l’accès ou pour ouvrir l’accès à l’avortement ont toutefois échouées, car cette question est l’une des plus grandes sources de division politique au Canada.
Au Canada, l’avortement est ainsi un droit protégé par la Charte
Des chiffres… – Il y aurait aujourd’hui près de 100 000 avortements par année au Canada. – 50 % des Canadiennes aux prises avec une grossesse non planifiée choisissent de se faire avorter. – On compte environ 31 avortements pour 100 naissances. – La moitié des avortements ont lieu en hôpital, l’autre moitié en clinique. – Plus de 90 % des avortements au Canada sont pratiqués durant le premier trimestre de la grossesse, seulement 2 % à 3 % sont pratiqués après 16 semaines, et aucun médecin ne pratique d’avortement à plus de 20 ou 21 semaines, à moins de motifs impérieux relatifs à la santé de la mère.
Un fossé légal qui continue de créer aujourd’hui des disparités pour les Canadiennes
Les 10 provinces canadiennes disposent d’une large autonomie. Au Canada aujourd’hui, il n’y a plus qu’à l’Île-du-Prince-Édouard où l’avortement légal n’est pas pratiqué. Mais la province voisine du Nouveau-Brunswick par exemple est l’un des endroits au pays où l’accès à l’avortement est le plus restreint au pays.
D’autres provinces font peu ou pas de publicité au sujet des services d’avortement disponibles et l’accès peut y être très limité.
Nous avons parlé à un auditeur de Radio Canada International au Cameroun qui a perdu sa soeur lors d’un avortement de ruelle et qui décrit le flou médical entourant la pratique des avortements dans son propre pays.
Aide-mémoire… Décès il y a trois ans de celui qui a rendu possibles les avortements sur demande au Canada – Le Dr Henry Morgentaler, qui a mené une longue lutte pour la légalisation de l’avortement au Canada, est décédé à l’âge de 90 ans, en mai 2013. – Ce médecin d’origine polonaise avait été emprisonné pour ses convictions pendant près d’un an pour avoir pratiqué des avortements, mais malgré les embûches juridiques et les menaces, il est toujours resté fidèle à son choix. – L’avortement avait été décriminalisé au Canada le 28 janvier 1988, suite au procès du Dr Henry Morgentaler, quand la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelle l’ancienne section du Code criminel qui traitait d’avortement. – Vers la fin de sa vie, le Dr Morgentaler a été fait membre de l’Ordre du Canada « pour avoir donné aux femmes diverses options concernant leurs soins de santé, pour sa détermination à influencer les politiques publiques canadiennes et pour son rôle de chef de file au sein d’organisations humanistes et civiles ». Cette nomination avait provoqué une très vive controverse au Canada.
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