Une femme qui n’arrive pas à dormir

Une femme qui n’arrive pas à dormir
Photo Credit: ©Thinkstock

Willis-Ekbom ou syndrome des jambes sans repos, une maladie que l’on vit seul, la nuit

Le plus difficile c’est de se sentir incompris. On se sent seul, même nos proches ne comprennent pas trop, sans parler de nos collègues de travail. On finit par s’isoler parce qu’on est trop mal vu. Si vous me rencontrez, je n’ai pas l’air malade, au contraire, je suis celle qui quitte les soirées le plus tard.  Je danse, je bouge et c’est justement ça le problème. Je suis incapable de me reposer, de dormir. Le mal commence quand j’arrête, je dois occuper mon esprit et faire bouger mes membres, des orteils jusqu’au cou.Annie Lambert atteinte de la maladie Willis-Ekbom depuis l'âge de 10 ans

Le 23 septembre dernier on a commémoré à travers le monde la Journée internationale du syndrome des jambes sans repos. Cette date-là est la date de naissance du neurologue suédois Karl-Axel Ekbom, qui en 1945, a réalisé la première étude clinique sérieuse sur cette maladie peu connue qui depuis 2012 porte son nom.   

Le changement de nom n’est pas anodin. Comme nous dit Annie Lambert, ce ne sont pas seulement les jambes qui ressentent la douleur et les malaises liées à ce phénomène neurologique, c’est tout le corps qui est sans repos. De plus, c’est une maladie que l’on vit seul puisqu’elle prend de l’ampleur quand tout le monde est couché.

Quand les autres sont au repos, ceux qui sont atteints de la maladie de Willis-Ekbom ne le sont pas.

Écoutez :

Écoutez Annie Lambert, enseignante de formation, expliquer que ces « impatiences » se manifestent par des sensations désagréables, parfois douloureuses, affectant principalement mais non exclusivement les membres inférieurs :
Le syndrome et ses possibles causes

©Annie Lambert

La maladie Willis-Ekbom est un trouble neurologique caractérisé par des sensations désagréables dans les extrémités et une envie incontrôlable de se déplacer et de se promener dans un effort des patients de soulager ces sensations. En raison de cette caractéristique, les personnes vivant avec ce symptome sont appelés parfois « marcheurs de nuit ».

Certains auteurs postulent que ce trouble pourrait affecter 10% de la population mondiale et ses causes sont inconnues. Un faible pourcentage de personnes sont correctement diagnostiquées. Ce n’est pas une maladie grave, qui cause en soi la mort, mais des malaises qui diminuent la qualité de vie du patient et ceux qui l’entourent. Si elles ne sont pas traitées, les personnes atteintes peuvent entraîner des crises nerveuses et de la dépression. Pour atténuer, partager et améliorer la coexistence, des associations spécifiques ont été créées dans chaque pays. Au Québec, il existe le Regroupement québécois du syndrome des jambes sans repos. 

Histoire 

Les premières descriptions médicales du désordre sont connues dans la seconde moitié du dix-septième siècle, du docteur anglais Thomas Willis (docteur de chambre de Charles II). Willis décrit un cas en 1672 d’un fermier londonien. En 1861, le célèbre clinicien allemand Theodor Wittmaack l’a inclus pour la première fois dans sa liste de maladies décrivant comme une agitation de membres inférieurs: Anxietas tibiarum.

La description internationale des Jambes sans repos, Restless Legs en anglais, a été officialisée en 1945 grâce à la description du neurologue de Stockholm Karl Ekbom. Dans sa publication, il montre les symptômes et décrit huit cas. Après la description, le mot syndrome a été ajouté pour décrire la maladie. Au cours des années 1950, des tentatives ont été faites pour relier les causes de la maladie à la période de gestation, la carence en fer et l’insuffisance rénale chronique. Des études ultérieures ont rapporté certaines causes à une défaillance dans le système limbique du cerveau humain.

Recherches récentes

L’apparition de la maladie dans certains endroits témoigne de l’existence de facteurs raciaux ou ethniques particuliers. En effet, selon l’article « Family Study of Restless Legs Syndrome in Quebec, Canada », publié dans Archives of Neurology, les canadiennes-françaises seraient davantage affectés.

Cette recherche, qui prend appui sur les résultats d’études antérieures, suggère que cette maladie présente un tropisme familial. L’investigation est une collaboration entre des chercheurs de l’Université de Montréal, du CHU-Sainte-Justine, du Centre de recherche du CHUM, de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, de l’Institut de cardiologie de Montréal, de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et de l’Université McGill.

« Jusqu’à présent, peu d’études cliniques systématiques de grande envergure ont cherché à mesurer le degré d’héritabilité du syndrome des jambes sans repos au sein des familles. Pourtant, ces informations sont essentielles pour mener des études génétiques et découvrir les causes de cette maladie » Dr Guy Rouleau, auteur principal de cette étude, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, directeur du Centre de recherche du CHU-Sainte-Justine et scientifique au Centre de recherche du CHUM

Selon ce que les auteurs Ferini-Strambi, Walters AS et Sica D. dans «The relationship among restless legs syndrome (Willis-Ekbom Disease), hypertension, cardiovascular disease, and cerebrovascular disease», certains patients présentent des symptômes dès leur enfance. Certaines personnes atteintes du syndrome ne recherchent pas d’attention médicale en pensant qu’elles ne seront pas prises au sérieux, que leurs symptômes sont très doux ou que leur problème ne peut être traité. Certains médecins attribuent par erreur les symptômes à la nervosité, à l’insomnie, au stress, à l’arthrite, aux crampes musculaires ou au vieillissement.

Il est également très fréquent chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires du tractus gastro-intestinal, telles que la maladie cœliaque non diagnostiquée ou traitée (qui peut se produire sans symptômes digestifs), la maladie de Crohn et la prolifération bactérienne intestinale. Souvent, la carence en fer et les niveaux accrus d’inflammation systémique. Cette inflammation pourrait être une cause directe du développement du syndrome des jambes sans repose, ce qui affecte la neurotransmission de la dopamine dans le cerveau et la moelle épinière. 

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