Les Zimbabwéens ont vécu une autre journée d’incertitude au milieu de discussions pour résoudre les troubles politiques du pays et la fin probable du règne de plusieurs décennies du président Robert Mugabe, qui est en détention militaire depuis deux jours dans sa résidence.

Plusieurs voix ont exhorté jeudi Mugabe à se retirer et à soumettre le pays à des élections libres et équitables.
Une déclaration commune de plus de 100 groupes de la société civile a demandé à Mugabe, le plus ancien chef d’État du monde, à s’en aller pacifiquement et aux militaires de rétablir rapidement l’ordre et de respecter la constitution. Une déclaration commune des églises a également appelé au calme.
Un coup dur pour le régime

L’armée zimbabwéenne affirme qu’il ne s’agit pas d’un coup ni d’une prise de contrôle du pouvoir civil par les militaires, mais d’une opération ciblée contre certains éléments du pouvoir.
« Nous visons uniquement des criminels de son entourage [Robert Mugabe], qui commettent des crimes à l’origine de souffrances économiques et sociales, dans le but de les traduire en justice », a assuré le général SB Moyo, chef d’état-major logistique, lors d’une allocution télévisée.
Dans les faits, des soldats et des véhicules blindés bloquent les voies d’accès aux principaux ministères, au parlement et aux tribunaux dans le centre d’Harare, la capitale du pays. Les dépôts d’armes ainsi que les armureries de la police ont aussi été saisis par l’armée.
Une dispute intestine
Les ambitions présidentielles avouées de la femme de Robert Mugabe, Grace Mugabe, auraient forcé les dirigeants du parti à bouger pour lui bloquer le chemin.
Ce qu’on voit depuis mardi ressemblerait donc à l’aboutissement d’une guerre intestine du parti au pouvoir.
Au Canada, plus d’un expatrié du Zimbabwe et nombre d’experts espèrent que cette chasse aux criminels signifie l’arrêt de la carrière du plus vieux dictateur du continent africain, qui avait commencé son ascension politique comme un de ses plus grands réformateurs.
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La diaspora zimbabwéenne au Canada espère un renouveau, mais n’ose pas encore respirer
Robert Mugabe, 93 ans, dirige le Zimbabwe depuis son indépendance en 1980. Des millions de citoyens se sont mis à fuir leur pays vers l’an 2000 dans la foulée de la réforme agraire ratée instituée par Mugabe et qui a provoqué famines, pénuries et inflation galopante.
La population est confrontée à de graves inégalités économiques. Des partisans de Mugabe se baladent en Rolls Royce, alors que les hôpitaux et les écoles manquent de tout.
Au Canada, des membres de cette diaspora espèrent que les événements de cette semaine marqueront le début d’une nouvelle ère pour leur ancien pays.
La communauté zimbabwéenne au Canada est concentrée à Toronto, Calgary, Edmonton, Hamilton et Kitchener-Waterloo ainsi que dans la région de Vancouver. Leur nombre augmente lentement, mais régulièrement, depuis l’an 2000.
Témoignages recueillis par La Presse canadienne
Regis Musango, président de la Société culturelle zimbabwéenne de l’Alberta
« Ça va changer beaucoup de choses. Les élections (de 2018) se tiendront de façon démocratique et paisible, et le leader sera choisi par la population. Il ne lui sera plus imposé. »
Belinda Fernandez, une Torontoise née au Zimbabwe
« Je suis retournée au Zimbabwe cette année, après 17 ans, et c’était désolant de voir à quel point ce pays s’était détérioré. Des secteurs autrefois cossus sont aujourd’hui très denses, avec des odeurs d’égouts qui flottent dans l’air de certains quartiers d’Harare. »
Remedzai Kawadza, secrétaire de l’Église méthodiste unie zimbabwéenne de Toronto
« Nous n’en pouvons plus de ce même leader qui ne sait pas gérer depuis 37 ans. »
Munya Madzinga, d’Edmonton
« C’est ce qu’il fallait au Zimbabwe : quelqu’un qui s’avance. »
Remedzai Kawadza, de l’Église méthodiste
Elle craint que les militaires n’installent au pouvoir un autre membre de la vieille élite politique, qui placera aussi ses intérêts avant ceux de la nation. « Il n’y aura pas de liberté dans ce pays tant que la culture et les comportements de cette génération-là ne seront pas tassés. »
Discours en anglais du général SB Moyo à la nation du Zimbabwe – 6:44
RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Sophie Langlois, Frédéric Nicoloff et Michel C. Auger de Radio-Canada
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