Des migrants rohingyas et bangladais

Des migrants rohingyas et bangladais entassés sur ce bateau ont disparu en mer d’Andaman.
Photo Credit: GI / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT

Voici pourquoi le Canada doit faire mieux pour aider les migrants

En cette journée internationale des migrants, nous nous intéressons au bilan de l’action du Canada pour venir en aide à des milliers de personnes qui sont contraintes de quitter leur pays pour diverses raisons, et de se lancer dans des aventures qui se dénouent de diverses manières selon les coups du destin.

Un appui multiforme

Le 11 décembre, la ministre fédérale de l’Emploi, du Travail et de la main d’œuvre, Patty Hajdu, annonçait une contribution de 93 000 $ à la Migrant Workers’ Dignity Association (MWDA), une organisation qui vient en aide aux travailleurs migrants étrangers.

Cet appui, qui vise principalement à assurer un logement, des soins de santé et à renforcer les capacités de ces travailleurs en ce qui concerne la connaissance de leurs droits, peut paraître de prime abord modeste, mais il vient s’ajouter aux multiples autres actions que mène le Canada à l’échelle internationale pour soutenir les personnes migrantes.

En face de la crise des Rohingyas, qui ont été obligés de fuir les exactions de l’armée en Birmanie pour se réfugier massivement au Bangladesh, le Canada avait lancé un Fonds de secours pour leur venir en aide et annoncé qu’il égalerait le montant de la contribution des Canadiens pour soulager les souffrances de cette minorité musulmane. Leurs besoins sur le terrain étaient devenus un sujet d’inquiétude à l’échelle de la planète, ce qui avait suscité auparavant le versement par Ottawa de la somme de 25 millions de dollars à des organismes partenaires pour résoudre les problèmes les plus urgents.

Récemment, l’envoyé spécial du Canada au Myanmar, Bob Rae, s’est rendu dans la région où il a visité les camps de réfugiés et s’est entretenu avec les représentants des gouvernements birmans et bangladais pour tenter de dénouer la crise.

La sollicitude d’Ottawa a également été maintes fois démontrée par le passé, notamment lors de la crise des migrants syriens, dont plus de 40 000 ont été accueillis sur le sol canadien.

Durant tout l’été, le pays a aussi accueilli des milliers de migrants, Haïtiens principalement, qui ont bénéficié d’un statut de protection temporaire leur permettant de vivre et de travailler aux États-Unis, après le tremblement de terre qui a secoué leur pays en 2010, mais qui ont été obligés de fuir ce pays à cause de la menace d’expulsion qui plane sur eux, parce que la nouvelle administration à la Maison-Blanche a durci ses politiques sur l’immigration.

Aide insuffisante et gestion chaotique après l’accueil?

Les efforts du Canada aux côtés des migrants sur la scène internationale sont certes louables, mais beaucoup reste à faire pour que le pays soit véritablement considéré comme un acteur clé en ce qui concerne les questions humanitaires.

Lors de la campagne électorale qui avait porté les libéraux au pouvoir, Justin Trudeau avait promis le retour véritable du Canada sur la scène internationale, ce qui a semblé connaître un réel impact dans ses premiers mois en tant que nouveau premier ministre du pays.

Pendant ces mois, le monde n’avait d’yeux et d’éloges que pour le Canada et son premier ministre généreux et ouvert, prêt à agir là où la détresse a tendance à faire son nid, prompt à protéger les minorités et à faire bénéficier la classe moyenne et les plus défavorisés de la croissance économique.

Depuis lors, cette image toute lisse semble avoir pris quelques ridules, certains des choix humanitaires stratégiques allant à contre-courant du discours rassurant.

L’expulsion de la famille Lawrence, d’origine sri-lankaise, et la non-intervention du ministre de la Sécurité publique du Canada, Ralph Goodale, ont étonné l’avocat spécialisé en droit de l’immigration, Me Stéphane Handfield. « Ce n’est pas le genre de décisions que les libéraux nous ont servies au cours des dernières années. On a plutôt été habitués à voir une approche complètement différente en matière d’immigration et de renvois. Avec la non-intervention du ministre hier, j’ai eu l’impression de faire un grand pas en arrière et de revivre les années du gouvernement précédent.»  Me Stéphane HandfieldRadio-Canada
Des migrants au large de la Libye
Des migrants au large de la Libye © Getty/AFP/Aris Messinis

En comparaison à l’attitude d’hostilité de bien des pays en ce qui concerne l’accueil des migrants dans un contexte international marqué par l’insécurité grandissante, le Canada peut se targuer de figurer dans le peloton de tête des pays les plus accueillants.

À noter :

  •  Selon la Banque mondiale, le nombre de migrants internationaux a dépassé la barre de 250 millions dans le monde depuis 2015

  • Le Canada figure parmi les 10 premières destinations de rêve pour les migrants, à côté des États-Unis, de l’Arabie saoudite, de l’Allemagne, de la Russie, des Émirats arabes unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Espagne et de l’Australie.

Il ne suffit pas d’ouvrir les portes et de faire rentrer le maximum de personnes. La suite devrait également compter et être considérée comme un sujet d’intérêt majeur pour le gouvernement. Quel est le sort réservé à ces migrants une fois installés, ou en est-on avec leur intégration, que fait-on pour s’assurer de leur bien-être socio-économique? Autant de questions sur lesquelles le gouvernement canadien devrait se sentir interpellé.

Pour diverses raisons, les réfugiés syriens éprouvent beaucoup de difficultés à se trouver un emploi depuis leur arrivée au Canada. La plupart des Haïtiens récemment entrés au pays doivent se débrouiller pour pouvoir s’en sortir par leurs propres moyens:

« Une fois dans leur logement, ils n’ont plus droit aux services. Ils reçoivent un chèque de soutien au dernier recours, c’est une aide de base. Les mineurs n’ont pas droit à la prestation pour enfant. Chaque adulte reçoit environ 600 $. Après, ils doivent se débrouiller. Avec 600 $, c’est très difficile pour une mère monoparentale avec deux enfants de se trouver un logement adéquat. » – Stéphan Reichold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. 

Une menace d’expulsion vers leur pays d’origine pèse sur nombre d’entre eux qui sont obligés, pour certains, de se cacher et d’effectuer du travail au noir pour pouvoir joindre les deux bouts.

Alors qu’une véritable tragédie est en train de s’abattre sur les migrants, africains notamment, aux abords de la méditerranée, le Canada ne devrait plus se contenter de simplement condamner les exactions à travers de simples déclarations comme celle-ci :

« Les migrants vivent souvent dans des conditions inhumaines et sont victimes de violations des droits de la personne, comme la traite de personnes. Les femmes et les filles migrantes sont particulièrement vulnérables dans ces situations et ont besoin de protection. Il ne faut pas les oublier. » 

Ottawa devrait envisager des actions et des moyens plus concrets pour redonner espoir à des personnes qui partent parce qu’elles rêvent d’un ailleurs meilleur, plus clément et plus hospitalier, et qui affrontent les pires humiliations de l’histoire de l’humanité.

Catégories : Immigration et Réfugiés, International, Politique, Société
Mots-clés : , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.