M. Abdelrazik, citoyen canadien d’origine soudanaise, est resté coincé au Soudan pendant six ans parce que le Canada refusait de lui délivrer un passeport. Photo : The Canadian Press/Ryan Remiorz

L’Agence d’espionnage du Canada prise entre mensonges et lacunes?

Vive réprobation contre l’Agence canadienne des renseignements dans un rapport fédéral sur les manquements concernant l’interrogatoire et la détention d’un prisonnier canadien à l’étranger dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Un rapport qui dévoile des faiblesses?

Abousfian Abdelrazik, qui avait été détenu pendant de longues années dans une prison soudanaise, a intenté une poursuite de 27 millions de dollars contre les services de renseignements canadiens.

Le présumé suspect du réseau terroriste Al-Qaïda soutient en effet que son maintien prolongé en prison était en partie attribuable à une volonté délibérée de ces services.

Abousfian Abdelrazik avait été arrêté en 2003 lorsqu’il visitait sa mère malade au Soudan. Détenu 20 mois dans les geôles soudanaises sans qu’aucune accusation ne soit portée contre lui, il était resté coincé au Soudan pendant six ans.

Il remet en question les circonstances dans lesquelles son interrogatoire s’était déroulé, et ses conditions de détention étaient des plus inhumaines.

Cet interrogatoire, mené par des agents du Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) au Soudan, a fait l’objet d’un rapport fédéral finalisé en 2006.

Ce rapport du Bureau de l’inspecteur général pour le SCRS, hautement classifié, vient d’être dévoilé par l’entremise de la présentation de documents fédéraux au poursuivant.

Il se veut très critique sur les pratiques des membres de l’Agence d’espionnage du Canada, en ce qui a trait notamment aux interrogatoires menés dans des prisons étrangères.

Selon le rapport, l’interrogatoire de personnes détenues dans des conditions qui les placent dans une situation de vulnérabilité est une opération délicate.

De piètres conditions de détention feraient peser sur eux des pressions importantes, leur donnant l’impression de répondre aux questions sous le coup de la contrainte.

Abousfian Abdelrazik, à Ottawa, en février 2010 Photo : PC/Sean Kilpatrick

Le refus d’un passeport d’urgence critiqué

Derrière les barreaux avec un passeport expiré, Abousfian Abdelrazik s’était vu refuser le passeport d’urgence lui permettant de quitter le Soudan pour échapper à la torture dont il avait été victime en 2003.

Ce refus est venu de l’ancien ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon, qui avait été vivement critiqué par les fonctionnaires de l’ambassade du Canada à Khartoum au moment des faits.

Par ailleurs, des informations précises en provenance du ministère soudanais des Affaires étrangères auraient laissé filtrer un fait majeur qui aurait été orchestré par le Canada, à savoir l’envoi à Khartoum d’un agent de sécurité pour demander que la détention de M. Abdelrazik soit maintenue.

Ce dernier, considéré par le SCRS comme un terroriste d’Al-Qaïda et inscrit par les Nations unies sur la liste des sanctions contre Al-Qaïda, avait par la suite passé six ans sur place avant d’être ramené au Canada en 2009, à la demande de la Cour fédérale.

Dissimulation volontaire des faits, réticence à dire la vérité ou simples complications créées par les 10 années écoulées entre la finalisation du rapport et son dévoilement, il demeure difficile de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé en 2003 pour que le présumé terroriste soit maintenu en détention et torturé. Ni le SCRS ni le ministère canadien des Affaires étrangères ne fournissent des informations précises concernant cette affaire.

Abousfian Abdelrazik a été depuis 2010 sorti de la liste des terroristes, à la demande des Nations unies, et blanchi de tout lien avec le réseau terroriste Al-Qaïda. Ce qui a eu pour effets le dégel de ses avoirs et la levée de l’interdiction de voyager hors du Canada.

M. Abdelrazik réclame 20 millions de dollars à Ottawa en guise de dédommagement pour tous les mauvais traitements subis. Pour les mêmes raisons, il réclame de M. Cannon une somme de 2 millions. À ces montants s’ajoutent 4 millions en dommages punitifs contre Ottawa, et 1 million contre M. Cannon, toujours à titre personnel.

RCI avec La Presse canadienne et Radio-Canada

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