Selon RDI, «Chaque nuit, il y aurait plus de 3000 personnes en situation d'itinérance à Montréal. Elles doivent composer avec les intempéries et les dangers de la rue.» Crédit : Radio-Canada

Les contraventions : une torture supplémentaire infligée aux itinérants?

Si nous nous en tenons à la définition de l’itinérance selon l’Observatoire canadien sur l’itinérance (OCI ), il s’agit d’une condition qui place les personnes dans une situation d’extrême vulnérabilité. L’itinérance est présentée comme « la situation d’un individu ou d’une famille qui n’a pas de logement stable, permanent et adéquat, ou qui n’a pas de possibilité ou la capacité immédiate de s’en procurer un ». Cette situation les rend plus susceptibles de recevoir une contravention pour flânage que toute autre personne, étant donné qu’ils n’ont pas d’endroit précis où aller. À cela il faut ajouter d’autres causes qui incitent les policiers à leur infliger des contraventions, dont la consommation excessive d’alcool, la consommation de drogues interdites, etc.  Est-ce vraiment la manière adéquate de résoudre le problème?

RCI avec Statistique Canada, la Revue du Cremis et Radio-Canada

L’itinérance : un mal profond au Canada

En 2014, plus de 25 000 Canadiens ont vécu une situation d’itinérance. Cela veut dire clairement qu’ils se sont retrouvés sans logement, ou qu’ils ont fait appel à des refuges d’urgence ou à des logements temporaires.

Derrière chaque cas d’itinérance se cache une histoire personnelle douloureuse. Ce sont des personnes qui sont passées par des épisodes tragiques, notamment de la violence, des agressions sexuelles, des décès de proches, une perte d’emploi. Des situations extrêmement difficiles qui ont très souvent eu pour effet de créer des perturbations et autres déséquilibres psychologiques et les plonger dans une extrême vulnérabilité.

C’est ainsi que du jour au lendemain, ils se retrouvent confrontés à des problèmes de santé découlant de leur soudaine condition. Incapables de retrouver un équilibre aussi bien mental que financier, ils doivent faire face à la dure réalité de la rue, ils affrontent les défis liés à leur nouvelle vie de sans-abri.

Au Québec, même si le gouvernement a investi plus d'argent, le milieu communautaire n'a toujours pas les moyens de répondre aux besoins. Voici le parcours d'un ancien itinérant, ex-toxicomane, qui illustre bien les limites du système. Depuis des mois, Pierre Champoux est à la recherche d'un hébergement adapté qui lui permettra de donner un nouvel élan à sa vie. Le reportage de Davide Gentile.

La contravention : pour qui et pourquoi?

Lorsque les forces de police rencontrent un itinérant qui flâne, ou qui semble en état d’ébriété ou sous l’effet d’une drogue quelconque, la sanction est sans appel : une contravention dont le montant peut excéder les 25 000 $, à force de les accumuler, faute de moyens pour les payer.

Une solution qui peut paraître étonnante dans la mesure où les personnes concernées sont en situation d’extrême vulnérabilité. Dans une telle condition, la question que nous sommes en droit de nous poser est de savoir si elles sont suffisamment en pleine possession de leurs moyens pour saisir l’ampleur ou les conséquences de leurs actes sur la société.

Bien plus grave, lorsque l’itinérant ne paie pas ses amendes, au bout d’un moment, un mandat d’arrêt est lancé contre lui et il se retrouve derrière les barreaux.

Avant de l’emprisonner, s’est-on interrogé quant à sa capacité réelle de payer les sommes qui lui sont imposées? Pour une personne sans emploi, en proie à des problèmes de santé, aussi bien physique que psychologique, il est particulièrement difficile, voire impossible de trouver de l’argent pour payer quelque charge que ce soit. Il s’agit généralement de gens qui sont obligés de quêter pour survivre, ou de s’accrocher à la bouée que leur tendent les organismes d’aide pour espérer obtenir quelque chose à se mettre sous la dent, ou se loger provisoirement par temps de grandes intempéries.

Nécessité de plus de ressources destinées à l’aide

Encombrer les établissements pénitenciers déjà bondés par l’ajout d’itinérants ne permettrait pas de résoudre véritablement le problème de l’itinérance, étant donné le nombre sans cesse croissant d’itinérants dans les rues et les entrées de stations de métro au pays.

« La Commission parlementaire sur l’itinérance (2009), dans son rapport final, concluait à l’urgence de mettre en place des solutions à la répression, afin de mieux soutenir le droit de cité pour tous dans les villes du Québec. De son côté, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (2009), dans un avis juridique, affirmait de manière éloquente que les pratiques de judiciarisation constituaient des pratiques de profilage social. La Cour municipale de Montréal a également été la première instance judiciaire à prendre acte de la contre-productivité de la répression en mettant fin à l’incarcération pour non-paiement d’amendes. » – Bellot et Sylvestre, Revue du Cremis

Le cas de Montréal, comme ceux des autres grandes métropoles du Canada, montre l’importance d’un mal qu’il convient d’étudier dans toute sa complexité pour pouvoir le résoudre.

Lire à ce sujet : Des maires réclament une stratégie nationale pour la santé mentale en milieu urbain

Les maires de Toronto, Vancouver, Mississauga, Regina et Saint-Jean de Terre-Neuve, notamment, demandent une stratégie nationale pour la santé mentale en milieu urbain, avec comme priorités l’itinérance et la crise des opioïdes.

Le maire John Tory et ses homologues de Vancouver, Mississauga et Windsor, notamment, tentent de joindre leurs efforts pour combattre les crises de l’itinérance et des opioïdes. Photo : Radio-Canada/NATASHA MACDONALD-DUPUIS

Pour cela, il faut remonter à la source pour agir sur les raisons qui poussent les personnes à la rue. Ensuite, on doit travailler avec les organismes qui viennent en aide aux itinérants pour mieux cibler leurs besoins et ainsi définir les ressources d’intervention pour mieux les orienter. De plus, la prise en main de la santé psychologique des itinérants peut être largement bénéfique, aussi bien pour eux-mêmes que pour la société. Cela leur donne une nouvelle chance de réinsertion en milieu professionnel.

Élargir la définition de l'itinérance
De 2014 à 2016, les investissements fédéraux ont permis de placer plus de 6000 personnes dans des logements stables, dont plus de 41 % qui étaient toujours sous leur toit un an plus tard, selon un récent rapport;

Ce rapport suggérait par ailleurs que les allocations du fédéral ne prenaient pas en compte les nouvelles réalités démographiques au pays, dont l’essor de population dans les villes de l’Ouest;

En mai 2018, un comité consultatif avait recommandé d’élargir la définition de l’itinérance pour fournir de l’aide à d’autres groupes, dont les femmes fuyant la violence conjugale, les jeunes qui s’identifient comme LGBTQ, les Autochtones et les anciens combattants.

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