Une famille iranienne se tient la main alors qu'elle se réunit à la Haskell Free Library and Opera House, qui chevauche la frontière canado-américaine à Stanstead (Québec, Canada) et à Derby Line (Vermont, États-Unis). Photo : ©REUTERS/Yeganeh Torbati - RC17CFFB6320

Une bibliothèque à cheval sur la frontière canado-américaine accueille des familles séparées par le décret de Trump

Depuis la mise en place de l’interdiction américaine de voyage pour les ressortissants de certains pays à majorité musulmane, des dizaines de familles iraniennes se réunissent dans la bibliothèque rurale frontalière, la Bibliothèque et Salle d’opéra Haskell, située à la fois à Derby Line, au Vermont, et à Stanstead, au Québec.

Le but? Passer quelques heures avec les membres de leur famille se trouvant de l’autre côté de la frontière et contourner le décret du président américain connu communément sous le nom de Muslim Ban.

Une famille iranienne se réunit à la Bibliothèque et Salle d’opéra Haskell, qui chevauche la frontière canado-américaine à Stanstead (Québec) et à Derby Line (Vermont). Photo : © REUTERS/Yeganeh Torbati


Rappelons que, lorsqu’on fait mention du Muslim Ban ou du Travel Ban, on fait référence à deux décrets proclamés par le président américain Donald Trump en 2017 pour refuser l’entrée aux États-Unis aux citoyens de sept pays à majorité musulmane. Dans le premier décret, il s’agit de la Somalie, du Soudan, de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie, du Yémen et de la Libye. Dans le deuxième, on tombe à six pays.

Zone des arrivées internationales à l’aéroport Logan de Boston (Massachusetts), aux États-Unis, le 29 juin 2017, le jour où l’interdiction limitée de voyager du président américain Donald Trump entre en vigueur. (Photo : ©REUTERS/Brian Snyder)

Rapidement après sa mise en place, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad al Hussein, a dit que le décret viole le droit international des droits de l’homme. Certains juristes estiment que le décret viole les obligations des États-Unis en tant que partie à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à la Convention des Nations unies contre la torture.

De son côté, la Cour suprême des États-Unis a confirmé le 26 juin 2018 la Proclamation présidentielle de Trump dans une décision partagée à 5 contre 4, en grande partie partisane et après une longue bataille juridique. Parmi les personnes touchées par l’interdiction, ce sont de loin les Iraniens qui sont le plus souvent interdits de voyages aux États-Unis et qui ont tendance à appartenir à la classe moyenne et qui peuvent se permettre des voyages internationaux.

Image : ©REUTERS

Des journalistes de l’agence Reuters se sont rendus à la bibliothèque à quelques reprises. Ils ont constaté que, même si plusieurs Iraniens ont déclaré n’avoir rencontré aucun obstacle, d’autres ont mentionné que les agents de la frontière américaine les ont parfois détenus pendant plusieurs heures. Ils ont essayé de les empêcher d’entrer dans la bibliothèque, leur ont dit qu’ils ne devraient pas se rendre visite là-bas ou leur ont conseillé de limiter leurs visites à quelques minutes seulement.

Des responsables américains et canadiens auraient même menacé de fermer la bibliothèque au cours de ces visites, a dit un membre du personnel de la bibliothèque.

Erique Gasse, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada, a nié que l’organisme ait menacé de fermer la bibliothèque.

« Ce n’est pas comme ça qu’on s’exprime. On ne fait pas ça. Nous n’avons aucun problème avec la bibliothèque. »Erique Gasse, GRC

Il a insisté sur le fait que la GRC ne patrouille pas régulièrement dans la région et qu’elle n’y va que sur appel.

Pour Sina Dadsetan, un Iranien étudiant au Canada, les coûts et les risques de ses voyages à la bibliothèque en valent le coup.

Sina Dadsetan (Photo : REUTERS/Canice Leung)

« C’est une zone neutre, mais le gouvernement américain n’accepte pas cette situation, et il a mis beaucoup de pression sur nous », a affirmé à Reuters Sina Dadsetan, qui se rend à la bibliothèque fréquemment pour voir sa sœur.

Malgré cela, sa sœur et lui ont estimé que leur famille avait dépensé plus de  600 $ pour leur réunion de deux jours à Haskell, sans compter le voyage en avion de leurs parents depuis l’Iran, qui aurait duré environ 10 heures.

La Bibliothèque et Salle d’Opéra Haskell

Photo tirée de la page Facebook de la Bibliothèque et Salle d’opéra Haskell

Les visiteurs entrent dans l’édifice sans passer par les douanes. La frontière internationale est indiquée par une ligne noire qui traverse le plancher dans l’édifice. L’entrée et la moitié de la salle de lecture sont situées aux États-Unis, alors que l’autre moitié de la salle de lecture et tous les livres sont du côté du Canada.

La bibliothèque et la salle d’opéra ont été construites volontairement à cheval sur la frontière séparant le Canada et les États-Unis. Cette remarquable institution a attiré des visiteurs du monde entier.

L’édifice a toujours été le sujet d’une fascination permanente des médias de la planète et plusieurs publications s’y sont penchées (Life Magazine, Canadian Geographic, New York Times, Ripley’s Believe It or Not). L’Haskell a été classé site historique par les gouvernements du Canada, des États-Unis et de la province de Québec.

Fait cocasse, on a longtemps pensé de l’Haskell qu’il était une réplique grandeur nature de la Boston Opera House. Cela, cependant, s’est avéré être tout à fait faux.

Avec des informations de Reuters et du site internet de la Bibliothèque et Salle d’opéra Haskell. 
Catégories : Immigration et Réfugiés, International, Politique
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