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Sans égard au statut migratoire, tous les enfants au Québec ont droit à une éducation publique gratuite

Lors de la publication de notre reportage 8 ans sans école, aujourd’hui les frères Gamboa réécrivent leur histoire, on vous a parlé des défis auxquels se sont confrontés Mark, Mathew et James Gamboa. Après que l’asile politique leur a été refusé, ils n’ont pas pu faire leurs études secondaires puisqu’ils étaient devenus de mineurs sans-papiers. 

En 2017, le Québec a franchi une étape très importante en modifiant la Loi sur l’instruction publique pour qu’elle offre une éducation universelle et gratuite à « tout enfant dont les parents (ou tuteurs) ont leur résidence habituelle au Québec jusqu’à la fin de ses études secondaires (ou jusqu’à l’âge de 18 ans) » sans égard au statut migratoire des enfants.

Cette nouvelle loi est le résultat d’un long processus. En 2013, le gouvernement québécois avait été défié par les déclarations publiques faites par une branche de l’organisme Solidarité sans frontières, le Collectif Éducation sans frontières. Cette année-là, ce Collectif avait envoyé une lettre ouverte à la ministre de l’éducation dans laquelle on demandait des « changements législatifs qui devraient s’accompagner de mesures assurant du respect de la confidentialité de la situation des familles au moment de l’inscription des enfants, ainsi que d’une large campagne de publicisation de ce changement ».

Depuis l’entrée en vigueur des modifications à la Loi sur l’instruction publique en juillet 2018, les écoles québécoises ne peuvent plus demander le statut migratoire d’un enfant lorsqu’on demande à l’inscrire.

(Photo : © iStock/FatCamera)

Comment le Québec se compare-t-il aux autres?

Adrien Jouan est sociologue et s’intéresse aux mouvements de la société civile. Le chercheur a récemment mené une longue enquête sur le Collectif Éducation sans Frontières de la province du Québec.

Ce Collectif a été le premier à lever le voile sur la question des enfants sans-papiers et leur accès à l’école québécoise. L’article scientifique Regarder ailleurs pour rendre visible chez soi. Les usages militants de la comparaison dans la mobilisation pour le droit à l’éducation des enfants sans-papiers au Québec, signé par Adrien Jouan, s’est surtout intéressé à l’inspiration que le mouvement civil au Québec a trouvée dans les expériences étrangères françaises, américaines et ontariennes notamment.

Comme il nous l’explique en entrevue, les changements à la loi sur l’instruction publique au Québec vont très loin et, du moins par écrit, elle protège des milliers de jeunes sans-papiers vivant dans la province. Il apporte aussi de nuances en ce qui concerne la politique de la ville de Toronto Don’t ask, don’t tell qui stipule que les écoles ne demandent plus les papiers d’immigration de leurs élèves et les acceptent gratuitement.

Il est important, nous dit Jouan, de reconnaître à quelle point les modifications à la loi québécoise vont encore plus loin qu’à Toronto. Écoutez :

(Photo : © iStock/Fatcamera)

Villes sanctuaires

Adrien Jouan croit que maintenant les modifications a loi sur l’instruction publique sont chose faite, il est important de replacer cette évolution considérable dans le débat public autour de la question des villes sanctuaires aussi.

Pour lui, une ville sanctuaire suppose un vrai travail, notamment avec la police, pour assurer la sécurité des personnes sans-papiers et donc la sécurité de tous dans la ville (parce qu’une personne sans-papiers qui rencontre un problème même grave ne va pas faire appel à la police si elle pense qu’elle va être déportée ensuite).

Évidemment, explique le sociologue, c’est compliqué à mettre en place. À son sens il serait grand temps de dépasser ce débat et il rappelle que la campagne pour la scolarisation des enfants sans-papiers du Collectif éducation sans frontières a commencé comme une campagne de ville sanctuaire lancée par Solidarité sans frontières.

À son avis, ce qu’il y a de particulièrement intéressant avec le changement de loi au niveau de la province, c’est qu’il constitue un exemple très concret de ce que l’on peut faire sur la question des immigrants sans-papiers, au-delà de tentatives très locales pour améliorer les choses, des histoires de villes sanctuaires qui se concentrent sur des questions mineures comme l’accès à la librairie pour tous, etc.

Adrien Jouan est doctorant en sociologie à l’Université de Montréal. Il travaille sur la sociologie des mobilisations et des problèmes publics. Sa thèse porte sur la construction du problème de la scolarisation des enfants sans‑papiers au Québec, qu’il a étudiée dans une perspective d’ethnographie engagée. 

Catégories : Immigration et Réfugiés, Société
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