Meriem Achour-Bouakkaz: réalisatrice documentaire NAR. Crédit: Achour-Bouakkaz

Chômage, droits et dignité bafoués, immigrer ou s’immoler par le feu : NAR ou jeunes Algériens à la croisée des chemins

La cinéaste d’origine algérienne, Meriem Achour-Bouakkaz, décrit, dans un documentaire de 52 minutes intitulé NAR, ce qu’elle qualifie de « forme de violence extrême en Algérie » : l’immolation par le feu de jeunes et moins jeunes.

Un drame silencieux

Lorsque le marchand ambulant de fruits et légumes Mohamed Bouazizi s’était enlevé la vie, en s’immolant par le feu, le 17 décembre 2010, pour dénoncer les exactions policières et les conditions de vie difficiles en Tunisie, beaucoup y avaient vu « un geste fondateur » à l’origine du printemps arabe et son lot de bouleversements au Proche et au Moyen-Orient.

Ce cas largement médiatisé, comme plusieurs autres survenus dans la foulée dans plusieurs autres pays, y compris en Occident, ne devrait pas faire perdre de vue qu’il s’agit d’un phénomène plus vieux, devenu presque banal, dans une société algérienne où le chômage et la pauvreté sévissent de plein fouet et touchent toutes les tranches de la population. Dans ce pays, le pouvoir quasi dictatorial est aux mains d’une même personne depuis près d’un quart de siècle. Le refus de se résigner peut se traduire par des suicides collectifs dans des lieux publics.

Le premier cas d’immolation par le feu dans ce pays est survenu en 2004, relève Meriem Achour-Bouakkaz. Il y a eu un pic lors du printemps arabe en 2010. Aujourd’hui, il y en a de plus en plus, précise la vétérinaire devenue cinéaste.

« Il y en a assez pour que ça m’interpelle et que je me pose des questions sur la société algérienne aujourd’hui », a-t-elle affirmé.

Les témoignages des jeunes survivants sont nombreux, ceux des familles de victimes qui se sont donné la mort font tout simplement froid dans le dos.

« Rupture avec l’espoir et rupture avec la vie, refus de mourir dans l’anonymat. Il y a souvent un déclic : une injustice, un emploi auquel il est difficile d’accéder, une décision de justice défavorable. Les gens peuvent être victimes d’une injustice ou méprisés par les autorités. S’ils n’ont pas accès au minimum pour se sentir dignes et respectés, s’ils se sentent blessés dans leur dignité, ils peuvent être poussés à bout et commettre le pire. Ils s’immolent par le feu devant tout le monde. Le peuple a soif de changement, il y a une envie de renouveau, la jeunesse a soif de vivre. Le potentiel humain est très riche et les gens ne demandent qu’à s’exprimer », a souligné l’ancienne étudiante de l’Institut national de l’image et du son de Montréal.

Le documentaire NAR (ou Feu) a été sélectionné au rendez-vous du cinéma québécois. Il sera diffusé le 23 février,à 20 h, à la Cinémathèque québécoise.  

En savoir plus sur Meriem Achour-Bouakkaz

originaire d’Algérie;

diplômée en médecine vétérinaire, elle change complètement de cap après avoir participé en 2007 à un atelier de réalisation;

son premier film, Harguine Hargine, sélectionné dans de nombreux festivals, remporte plusieurs prix (Prix du jury au 11e festival de courts métrages africains Ciné sud (France/2010), Prix du meilleur rapport filmant/filmé au festival l’Acharniére (France/2009));

en 2010, elle coréalise un long métrage documentaire : une exploration du statut de la femme algérienne à travers ce qu’elle vit dans l’espace public;

arrivée à Montréal en 2011, elle est admise à l’Institut national de l’image et du son, où elle est formée à la réalisation de documentaires;

depuis, elle a effectué plusieurs stages, a travaillé en tant qu’assistante et a reçu des bourses pour réaliser son troisième film Nar;

Meriem Achour-Bouakkaz a aussi collaboré à la réalisation de plusieurs autres projets artistiques : projet «Immolations » au pitch Cuban Hat à l’édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, assistante à la réalisation pour le documentaire réalisé par Raymonde Provencher Café Désir, membre du jury Inis au festival international du film pour enfants de Montréal, etc.

Parmi ses bourses et distinctions, figurent entre autres la bourse d’excellence Louise Spickler (inis) en 2012, le Prix du jury au festival international du cinéma engagé d’Alger (Algérie/2015), le Prix du jury au 11e festival de courts métrages africains Ciné sud (France/2010), le Prix du meilleur rapport filmant/filmé au festival l’Acharniére (France/2009), ainsi que  le Prix « coup de pouce » au Festival International du Grand reportage d’actualité et documentaire de société « FIGRA » (France/2009). 

Catégories : Arts et divertissements, International
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