La décision du principal parti d’opposition de boycotter les élections législatives et municipales qui se sont déroulées dimanche donne le champ libre pour une victoire du parti du président indélogeable Paul Biya. En proie à plusieurs conflits meurtriers, le Cameroun semble toutefois s’enfoncer de jour en jour dans une crise sans fin.
En passage éclair à Montréal pour rencontrer la diaspora camerounaise, l’opposant numéro un Maurice Kamto a fustigé ces élections qu’il a qualifiées de « mascarades ». Celui qui est le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le même qui a appelé au boycottage du scrutin, s’adresse maintenant au pouvoir en place afin qu’il accepte une transition pacifique pour « sauver le pays de la catastrophe ».
« Mon message de mobilisation est le même partout, a déclaré en entrevue téléphonique Maurice Kamto. Ces élections n’auraient jamais dû avoir lieu, car le Cameroun est victime d’enjeux multidimensionnels graves dont les aspects les plus importants sont une crise sécuritaire et humanitaire combinée à une crise politique. »
Dans l’Extrême-Nord du pays, le Cameroun est en effet confronté depuis 2014 à des attaques récurrentes de la part de l’insurrection Boko Haram. Rien qu’en 2019, la secte djihadiste affiliée au groupe État islamique né au Nigeria a fait 275 morts, en majorité des civils, d’après un récent rapport d’Amnistie internationale.
Mais il y a aussi les affrontements violents au cœur des deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, entre la fronde indépendantiste et l’armée, qui ont fait plus de 3000 morts et plus de 700 000 déplacés, selon les ONG.
« C’est une véritable guerre civile fratricide, indique Maurice Kamto. On ne peut pas organiser des élections pour la désignation des conseillers municipaux et des députés à l’Assemblée nationale à Yaoundé sans que nos compatriotes anglophones ne puissent y prendre part. »
La démocratie ou rien
C’est pourquoi le leader du MRC appelle à une refonte complète du code électoral qui laisserait place cette fois à un véritable « jeu démocratique » faisant participer toutes les composantes de la société camerounaise aussi bien francophones qu’anglophones.
Après avoir passé près de neuf mois derrière les barreaux pour avoir accompagné les manifestations suite à sa défaite et celle de son parti après la présidentielle de 2018, le farouche opposant au chef de l’État a exhorté les Camerounais à boycotter le vote de dimanche.
« On n’accepte pas cette fausse manœuvre électorale qui vise à conforter le régime actuel, clame l’homme de 65 ans qui a œuvré comme ministre délégué à la Justice. Avant de partir en élection, la formation politique de Paul Biya est déjà assurée de remporter 134 des 180 sièges. Ce n’est pas sérieux! Les élections [deux fois reportées depuis 2017] ne résoudront rien, elles vont plutôt empirer les choses. »
« Participer à ces élections nous aurait fait perdre toute crédibilité auprès des Camerounais qui veulent choisir librement leurs dirigeants. Je me batterai jusqu’au bout pour que ce jour arrive. »

Maurice Kamto revendique toujours sa victoire lors des présidentielles de 2018. (Crédit photo : Reuters/Zohra Bensemra)
Rappelons que, depuis 37 ans, le président Paul Biya règne sans partage sur ce pays d’Afrique centrale de 25 millions d’habitants. Maurice Kamto assure avoir de son côté le soutien des Camerounais de la diaspora et de la communauté internationale. Même si le candidat malheureux à la présidentielle de 2018 a peur pour sa vie, il assure qu’il ne lâchera pas son combat.
« Le régime Biya possède les moyens militaires pour exercer une répression barbare et féroce sur la population, mais le Cameroun demeure un territoire fragile, explique l’opposant. Les conflits s’aggravent, des régions entières sont sinistrées, la situation sur place se dégrade, la question du tribalisme et la mauvaise gestion de l’économie ont plongé mon pays dans un désastre social sans précédent. »
Autant d’éléments qui font craindre un avenir sombre pour l’unité territoriale du Cameroun, croit Maurice Kamto qui accuse le régime de figer le pays avec « des politiques des années 1960 ». Alors que 75 % de la population camerounaise a moins de 35 ans, l’opposant reconnaît avoir le cœur brisé de voir toute une génération perdue.
« Je ne peux pas accepter que la jeunesse camerounaise n’ait pour choix que l’aventure dans le désert du Sahara ou la mort dans la Méditerranée parce qu’elle ne trouve aucun avenir dans son propre pays. »
Lire aussi :
Du Cameroun au Québec et plus encore : A Second Chance, nouveau disque de Just Wôan
Les histoires à succès célébrées par la Jeune Chambre de Commerce Camerounaise du Canada
Un Canadien d’origine camerounaise souhaite aider au développement économique de son pays natal
Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.