Des membres de la communauté arménienne de Montréal lors d'une manifestation à Montréal, le dimanche 4 octobre 2020, alors que les combats entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'intensifiaient. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

La communauté arménienne pleure un Canadien tombé au combat au Haut-Karabakh

*Article original écrit par Levon Sevunts de RCI et adapté en français par Stéphane Parent

Les membres de la communauté arménienne de Toronto pleurent la mort d’un homme d’affaires et militant communautaire canado-arménien, tué mardi au Haut-Karabakh.

Kristapor Artin, un ancien Torontois qui a déménagé en Arménie en 2011, a été tué dans un combat contre les forces azerbaïdjanaises dans la région séparatiste peuplée d’Arméniens, a annoncé mercredi le Comité national arménien du Canada (ANCC).

« C’est avec une grande tristesse que la communauté canado-arménienne pleure le décès d’un de ses membres rapatriés, Kristapor Artin », a écrit l’ANCC sur Facebook, ajoutant qu’il était « un membre actif de la communauté arménienne de Toronto, avant de rentrer avec sa famille dans son pays, l’Arménie ».

« Nos plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. Que son âme repose en paix. »

Selon une brève déclaration de la Fédération révolutionnaire arménienne (ARF), l’un des plus anciens partis politiques du pays et de la diaspora arménienne mondiale, Artin était l’un des nombreux volontaires de l’ARF qui ont été tués lorsqu’ils tentaient de reprendre un point stratégique dans la région.

Des combats féroces ont éclaté le 27 septembre le long de la ligne de contact qui sépare les forces arméniennes et azerbaïdjanaises et qui existe depuis un cessez-le-feu négocié par la Russie en 1994, au moment où l’Azerbaïdjan s’apprêtait à reprendre la région séparatiste.

Il s’est porté volontaire pour y aller

Kristapor Artin, ancien résident de Toronto, a été tué lors des combats dans la région contestée du Haut-Karabakh le 6 octobre. (Photo fournie par Sevan Hajiartinian)

Sevan Hajiartinian a déclaré qu’elle connaissait Artin depuis son enfance, lorsqu’il était son conseiller de camp à Toronto. Elle a dit qu’elle était choquée et dévastée par la nouvelle.

« Mais en même temps, je n’étais pas surprise que ce soit lui qui soit allé là-bas… en raison de sa passion pour l’Arménie, de sa passion pour notre peuple, a ajouté Mme Hajiartinian. Il s’est porté volontaire pour y aller, ce n’était pas un travail, c’était simplement son choix d’y aller et de se battre pour son pays. »

M. Artin est arrivé au Canada au début des années 1990 en provenance du Liban et est devenu un membre actif de la communauté arménienne en pleine expansion, a raconté Mme Hajiartinian.

« Il était un fier Canadien et aimait le Canada. Mais en même temps, il nous a appris à être passionnés par notre identité arménienne, à nous souvenir de nos racines, a-t-elle dit. C’était un ami et un mentor très humble, honnête et loyal. »

Il a déménagé en Arménie en 2011 et s’est installé à Kapan, une petite ville minière de cuivre, dans le sud-est montagneux du pays, non loin du Haut-Karabakh.

Dans une entrevue avec TorontoHye, une publication en ligne de la communauté arménienne, M. Artin décrit comment, après avoir travaillé dans l’industrie minière, il a créé sa propre entreprise dans le secteur de la mode, ainsi qu’une ferme pour l’élevage de chinchillas.

Mme Hajiartinian mentionne qu’ils avaient rendu visite à Kristapor Artin en 2013 pendant des vacances familiales. Elle l’avait vu pour la dernière fois lors de sa visite au Canada en 2018, mais qu’ils étaient restés en contact.

Les civils fuient les bombardements

Les combats au Haut-Karabakh ont déjà tué plus de 350 militaires arméniens et 19 civils, selon les responsables arméniens de la région.

Les autorités azerbaïdjanaises affirment que 31 civils azéris ont été tués et 154 blessés depuis le 27 septembre, mais elles n’ont pas divulgué d’informations sur leurs pertes militaires.

Les civils se rassemblent dans le sous-sol d’un bâtiment utilisé comme abri anti-bombe lors d’un conflit militaire dans la région sécessionniste du Haut-Karabakh, à Stepanakert, le 5 octobre 2020. (Areg Balayan/ArmGov/PAN Photo/Handout via REUTERS)

La moitié de la population arménienne du Haut-Karabakh a été forcée de fuir ses maisons en raison des bombardements incessants de la capitale de la région, Stepanakert, ainsi que de plusieurs villes et villages par les forces azerbaïdjanaises, ont déclaré mercredi les responsables régionaux.

« Selon nos estimations préliminaires, environ 50 % de la population du Karabakh et 90 % des femmes et des enfants, soit quelque 70 000 à 75 000 personnes, ont été déplacés », a affirmé le médiateur pour les droits du Haut-Karabakh, Artak Beglaryan, à l’AFP.

S’exprimant lors d’une conférence de presse dans la ville de Goris en Arménie, jeudi, le lieutenant-colonel Artsrun Hovhannessian, porte-parole du ministère arménien de la Défense, a déclaré qu’un groupe de journalistes étrangers avait été blessé plus tôt dans la journée dans le bombardement par l’Azerbaïdjan de la cathédrale arménienne de Ghazanchetsots dans la ville de Chouchi.

La cathédrale a été endommagée plus tôt dans la journée et a été à nouveau prise pour cible pendant la visite des journalistes étrangers, a-t-il ajouté.


Dans cette image tirée d’une vidéo fournie par ArmNews TV, des personnes exécutent un homme blessé à la cathédrale Saint-Sauveur après un bombardement, à Chouchi, à l’extérieur de Stepanakert, République autoproclamée du Haut-Karabakh, le jeudi 8 octobre 2020. (ArmNews TV via AP)

Le nombre exact de reporters blessés et leurs nationalités font l’objet d’une enquête, selon M. Hovahnnessian.

Le Canada s’est joint au concert international qui demande aux autorités azerbaïdjanaise et arménienne en Arménie proprement dite et dans le Haut-Karabakh à accepter un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel.

Le ministère des Affaires étrangères déconseille aux Canadiens de se rendre dans la région.

« Le ministère a connaissance d’informations faisant état de la mort d’un citoyen canadien dans la région du Haut-Karabakh, a dit le ministère à Radio Canada International. Les agents consulaires sont en liaison avec les autorités locales pour recueillir des informations supplémentaires. En raison des dispositions de la loi sur la protection des renseignements personnels, aucune autre information ne peut être divulguée. »

Le gouvernement fédéral affirme qu’il avait connaissance de 147 Canadiens en Arménie et de 117 en Azerbaïdjan, il y a deux jours. L’enregistrement auprès du gouvernement fédéral est volontaire pour les Canadiens vivant à l’étranger, les chiffres réels pourraient donc être plus élevés.

Le Haut-Karabakh s’est séparé de l’Azerbaïdjan en décembre 1991, quelques semaines avant l’effondrement de l’Union soviétique, après que sa population arménienne majoritaire a voté dans une grande majorité pour son indépendance. La communauté minoritaire azerbaïdjanaise du Haut-Karabakh a boycotté le référendum et l’Azerbaïdjan n’a jamais reconnu ses résultats.

La tentative de l’Azerbaïdjan de reconquérir la région séparatiste par la force a abouti à une défaite militaire et il a été contraint d’accepter un cessez-le-feu négocié par la Russie en 1994. La guerre du début des années 1990 a fait environ 30 000 morts et près de 1 million de réfugiés.

Depuis, le Haut-Karabakh a été autogéré par la population arménienne locale, avec le soutien économique et militaire de l’Arménie voisine. Aucun pays, y compris l’Arménie, n’a reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh à ce jour.

Après près de 30 ans de négociations ponctuelles soutenues par le groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OCSE), les parties azerbaïdjanaise et arménienne ne sont pas parvenues à trouver une solution mutuellement satisfaisante.

*Article original écrit par Levon Sevunts de RCI et adapté par Stéphane Parent

Catégories : International, Politique
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