L’une des plus grandes enquêtes policières sur le crime organisé dans l’histoire du Canada vient de s’effondrer en cours de justice, car les policiers provinciaux de l’Ontario auraient prétendument intercepté illégalement des appels téléphoniques dans le cadre de leur enquête sur des activités suspectes de la mafia dans la région du Grand Toronto.
CBC News rapporte qu’après deux ans de travail, des millions de dollars dépensés et d’importantes ressources policières investies, plusieurs des biens saisis par la police doivent maintenant être restitués aux individus qui étaient accusés de gérer des jeux d’argent illégaux. La police avait alors saisi 5 Ferrari, 19 autres voitures de luxe, 27 maisons, des machines à sous modifiées illégalement, des alcools de luxe d’une valeur de plus de 120 000 $ et 38 montres Rolex d’une valeur estimée à plus de 750 000 $, entre autres biens.
Le procureur fédéral Xenia Proestos a annoncé que les accusations étaient suspendues après avoir examiné en privé les résultats d’une enquête indépendante menée par l’unité des normes professionnelles du service de police de Toronto. Cette enquête indépendante portait sur une série d’enregistrements par les policiers des conversations téléphoniques privées entre les accusés et leurs avocats. L’enquête avait été demandée par le ministère de la Sécurité publique après des pressions de Me Michael Lacy qui représente Angelo Figliomeni, l’un des neuf individus arrêtés par la police en juillet 2019.

Les neuf accusés (CBC)
Les poursuites sont suspendues, mais non abandonnées
La Couronne a un an maintenant pour déposer, si elle le souhaite, de nouvelles accusations. Elles ne pourront cependant pas s’appuyer sur les enregistrements des conversations téléphoniques privées réalisés par les policiers de York.
« Je pense que la perspective de cela dans ce cas est nulle. Si c’était le cas et que nous allions au tribunal, cela ne tournerait pas bien pour la police régionale de York », indique Me Lacy.
« Ce que nous avons allégué dans notre dossier, c’est que ce sont eux qui ont réellement enfreint la loi pour les besoins de leur enquête. Je pense donc qu’il y a un élément d’ironie dans tout cela », ajoute-t-il.
La défense affirme que la police n’avait pas le droit d’écouter les appels dans le cadre de l’opération baptisée « Project Sindacato ». Cette enquête conjointe de 18 mois et de 8 millions de dollars qui a débuté en 2018 comprend huit services de police différents, dont la police régionale de York, l’Agence du revenu du Canada et des enquêteurs de police en Italie.

Me Michael Lacy (Richard Agecoutay/CBC)
Une enquête aux ramifications internationales
Les neuf individus arrêtés dans cette opération étaient accusés de diriger des opérations de jeux illégaux, de fraude, de trafic de drogue et de blanchiment d’argent. La police avait allégué qu’ils faisaient partie d’une organisation criminelle ayant des liens avec la ‘Ndrangheta, le groupe de crime organisé le plus puissant en Italie et l’un des plus riches du monde.
La police d’État italienne avait également arrêté de son côté 12 personnes, qu’elle avait décrites lors d’une conférence de presse le 18 juillet 2019 comme étant « étroitement associées à la branche canadienne de l’opération ».
Adrienne Lei, une avocate de Toronto qui n’a pas travaillé sur l’affaire, mais qui a l’expérience des cas de mauvaise conduite de la police, a déclaré que tous les agents sont formés pour savoir que les conversations privilégiées entre un avocat et son client ne peuvent être utilisées au tribunal. « Ils ont dû apprendre cela dès la première minute, la première heure, le premier jour de la formation de la police. Ils savaient que ce qu’ils faisaient était mal. »
RCI avec CBC News
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