Les cétacés devraient-ils être gardés en captivité, même à des fins éducatives et scientifiques?
La question fait l’objet de débats de façon récurrente depuis bon nombre d’années au Canada, mais ceux qui s’opposent à la pratique mènent une campagne d’une ampleur sans précédent à Vancouver et ont réussi à obtenir d’importants appuis politiques.
Si les appels pour libérer les cétacés étaient autrefois lancés dans une large mesure par des groupes militants, le mouvement de contestation s’est élargi.
Au printemps, 15 000 personnes ont signé une pétition pour exiger que l’aquarium de Vancouver cesse graduellement de maintenir bélugas, dauphins et marsouins en captivité. Les signataires réclamaient aussi un référendum sur la question.
À ces voix se sont ajoutées celles de la primatologue et conservationniste Jane Goodall et du maire de la ville, Gregor Robertson, qui a cependant rejeté l’idée de sonder la population.
Goodall a déclaré, «En captivité, ces communicateurs hautement loquaces et complexes sont forcés de vivre dans un environnement peu stimulant sur le plan sensoriel, qui ne répond pas entièrement à leurs besoins physiques et émotifs.»
Andrew Trites, qui est directeur de l’unité de recherche sur les mammifères marins à l’Université de la Colombie-Britannique, n’est pas d’accord.
Il fait valoir que l’espérance de vie des cétacés qui vivent dans des bassins est comparable à l’espérance de vie de leurs congénères en liberté. À son avis, cela laisse croire qu’ils se portent généralement assez bien.
Le chercheur ajoute, «Ces animaux en captivité servent à faire beaucoup de bien pour les animaux dans la nature. On a beaucoup de questions et il y a des réponses qu’on peut obtenir seulement dans des conditions contrôlées.»
Pourquoi maintenant?
Le débat a été relancé par le projet d’expansion de 100 millions de dollars de l’aquarium de Vancouver qui prévoit l’agrandissement des bassins pour ses deux bélugas et ses deux dauphins.
Selon Andrew Trites, le directeur de l’unité de recherche sur les mammifères marins à l’Université de la Colombie-Britannique, un nombre grandissant de personnes se rallient aussi à la cause depuis la sortie de deux documentaires chocs — La baie de la honte (The Cove) de Luc Besson et Blackfish.
Blackfish raconte l’histoire de Tilikum, une orque qui a noyé sa dresseuse au parc aquatique SeaWorld, en Floride, il y a quatre ans.
Depuis la tragédie, une campagne visant le groupe américain a contribué à faire chuter son chiffre d’affaires et son titre en bourse.
Un projet de loi déposé en Californie en mars et temporairement suspendu pourrait mettre fin à la captivité de ces géants des mers dans cet État.
Des pays légifèrent
Une demi-douzaine de pays, dont le Chili et le Costa Rica, ont interdit les dolphinariums. L’Inde, qui s’est joint à la liste l’an dernier, reconnaît en plus aux dauphins le statut de «personnes non-humaines».
Au Canada, un rapport préparé en 1999 pour le ministère des Pêches et Océans recommandait un moratoire sur la mise en captivité de mammifères marins.
L’auteur, Jon Lien, fondateur du groupe de recherche sur les baleines à l’Université Memorial, écrivait:
«Les spécialistes des mammifères marins et la plus grande partie du public reconnaissent bien les avantages scientifiques de la recherche sur les individus en captivité. Mais il est plus difficile de démontrer les avantages éducatifs de l’exposition au public.» Et il ajoutait, «Plus troublant est le fait qu’il n’existe pas au Canada à l’heure actuelle une autorité adéquate pour réglementer la qualité des soins que les animaux reçoivent en captivité. Le MPO a essayé par le passé de veiller à ce qu’on prodigue des soins adéquats aux animaux en captivité, par le biais de son autorité morale, mais il ne possède pas la capacité d’application de normes.»
Le gouvernement fédéral n’a jamais donné suite au document.
À Vancouver, le gouvernement municipal se saisit du dossier
L’aquarium de Vancouver est situé dans le parc Stanley, dont la gestion relève de la municipalité.
L’établissement se trouve donc dans une situation exceptionnelle «assez étrange», dit Andrew Trite qui compare la relation à celle d’un propriétaire et de son locataire.
Face aux récentes mobilisations, la Commission des parcs a tenu un vote le mois dernier et décidé à l’unanimité de permettre que l’établissement continue d’héberger des cétacés.
La Commission a cependant ordonné à l’aquarium d’empêcher les animaux de se reproduire, sauf dans le cas d’espèces menacées.
Andrew Trite juge que la directive est absurde. «C’est comme si le propriétaire écrivait dans le bail avec qui vous pouvez avoir une relation sexuelle.»
Le président John Nightingale a indiqué que l’aquarium n’a pas de programme de reproduction, mais il estime qu’ils serait «cruel» de faire en sorte que les cétacés ne puissent pas s’accoupler naturellement.
Aujourd’hui, il a annoncé que l’aquarium a intenté des procédures légales en vue de défendre et assurer son indépendance.
Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.