Un militaire canadien qui a perdu plus de 72 000$ en devant vendre sa maison vient de déposer une poursuite en recours collectif accusant le gouvernement fédéral canadien d’avoir refusé une compensation pleine et entière à des dizaines de membres des Forces canadiennes qui auraient subi d’énormes pertes financières après avoir reçu un ordre de mutation.
L’adjudant maître Neil Dodsworth a connu une carrière de 33 ans au sien des Forces canadiennes. Il a servi en Somalie, en Afghanistan et en Haïti après le tremblement de terre de 2010. Il est aujourd’hui en garnison à la base des Forces canadiennes (BFC) de Gagetown au Nouveau-Brunswick.

En 2007, il avait été muté à la BFC d’Edmonton en Alberta. Incapables d’arriver à loger sa famille dans les logements familiaux existants qui affichaient « complet » et confrontés à la très forte hausse des prix du logement, achat et location, dans la région immédiate d’Edmonton, l’adjudant maître Dodsworth et sa femme ont acheté une maison en rangée dans une formule copropriété à Morinville, une municipalité à 35 kilomètres de la BFC Edmonton.
Une année plus tard, il reçoit un ordre de mutation. Par contre en 2008, le marché immobilier s’était effondré à Morinville dans la foulée de la crise de la fin de cette décennie. Monsieur Dodsworth a dû se résoudre à vendre la maison avec une forte perte, croyant tout de même qu’il serait ultérieurement compensé dans le cadre du Programme de garanties de remboursement des pertes immobilières du Comité externe d’examen des griefs militaires du Conseil du trésor du gouvernement du Canada.
C’est le jour même du déménagement que le ciel lui est tombé sur la tête.
« Les déménageurs sortaient le mobilier par la porte avant pendant que j’étais au téléphone à l’arrière de la maison à me faire dire que ma demande de compensation était refusée.»
Le Programme de garanties de remboursement des pertes immobilières a pour raison d’être de protéger les membres des Forces canadiennes des pertes financières d’importance lorsqu’ils doivent vendre leur maison dans un marché à triste mine après avoir reçu un ordre de mutation. Le gouvernement a défini ces marchés comme étant des secteurs où l’immobilier connaît des pertes de valeur de 20 % ou plus.
De refus en refus
Monsieur Dodsworth affirme s’être battu durant quatre années pour recevoir une compensation supérieure aux 15 000 $ initialement proposés par les Forces canadiennes. Il a déposé en preuve nombre de documents faisant état du marché très morose de Morinville démontrant un effondrement immobilier de l’ordre de 30 %.
Il est passé par les méandres d’une décision de ses supérieurs, d’une présence devant le Comité externe d’examen des griefs militaires, chez l’ombudsman des Forces canadiennes. Il en a même appelé de cette décision directement au ministre de la Défense.
Rien n’y fit.
« C’était non, toujours non. La décision initiale, le refus, m’était systématiquement mise à la figure.»
« Mais, on doit se conformer au processus militaire. Je porte l’uniforme, je l’ai toujours porté fièrement. Je dois remonter la chaîne de commandement. C’est la façon de faire.»
Plus tôt ce mois-ci, l’avocat de l’adjudant maître Dodsworth a déposé une requête en recours collectif à la Cour fédérale canadienne, siège de Halifax en Nouvelle-Écosse.
Le document allègue qu’entre juillet 2008 et janvier 2013, il y a eu 118 demandes de compensations déposées au Programme de garanties de remboursement des pertes immobilières, toutes pour des pertes de plus de 15 000 $.
Deux d’entre elles ont été acceptées et les militaires ont reçu pleine compensation.
L’avocat Dan Wallace de Halifax croit qu’il y aurait 150 membres des Forces canadiennes qui auraient été injustement traités selon lui par le Conseil du trésor.
Contrairement aux Canadiens qui ne sont pas sous le drapeau, les militaires ont très peu de choix quand arrive l’ordre de mutation.
C’est un ordre, et, dans le monde militaire, un ordre ne se discute pas. Voilà pourquoi le programme de garanties de remboursement des pertes immobilières a été institué.
La défense n’a pas encore déposé son dossier
« C’est, je crois, une des plus inéquitables réalités de la vie militaire » de dire Me Wallace. « Il est écrit dans les documents d’enrôlement que les dépenses encourues lors des déménagements imposées par les ordres de mutations sont couvertes, que ces situations peuvent être stressantes pour les familles, mais que les aspects financiers sont pris en charge. »
« Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé dans le cas de monsieur Dodsworth. Il a connu une perte financière substantielle. Rein n’est de sa faute, il n’a fait qu’obéit aux ordres. »
Monsieur Dodsworth souligne qu’il n’a pas perdu que la valeur résiduelle lors de la vente de sa maison en Alberta. Le prix de vente ne couvrait même pas le prêt immobilier. Il a dû se résoudre à contracter un prêt d’urgence de 21 000 $ pour fermer ce dossier.
Cette situation stressante l’a poussé, bien qu’à l’aube de la retraite, à se porter volontaire pour une rotation de six mois en Afghanistan afin de toucher un meilleur salaire le temps d’une mission et arriver un tant soit peu à éponger cette dette.
« Je porte encore l’uniforme aujourd’hui, car, à cause de cette histoire, je ne peux pas prendre ma retraite. Sinon, je l’aurais fait l’année dernière à 55 ans »
D’autres cas de même nature

Le cas de l’adjudant maître Dodsworth’s ressemble étrangement à celui du major Marcus Brauer de la BFC Halifax. Il a perdu 88 000 $ après un ordre de mutation d’Alberta vers la Nouvelle-Écosse. Il a reçu 15 000 $ du programme de compensation.
En mai dernier, un juge de la Cour fédérale canadienne a décidé en faveur du major Brauer. Dans son jugement, il est écrit que la décision fédérale « était préjudiciable envers le militaire et sa famille et que le Conseil du trésor a agi de façon déraisonnable.»
Le gouvernement fédéral a remboursé les frais juridiques encourus par le major Brauer dans ce dossier, mais, quatre mois après le rendu de la décision, il attend toujours sa compensation.
La semaine dernière, le président du Conseil du trésor, Tony Clement, a déclaré à la Chambre des communes que le gouvernement se plierait à la décision du juge dans le dossier du major Brauer.
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