Deux ministres libérales québécoises, et pas des moindres, ont déclenché une vive controverse pour avoir pris leurs distances du féminisme. Lise Thériault, la nouvelle ministre de la Condition féminine et Stéphanie Vallée, la ministre de la Justice, se disent plus égalitaires que féministes, au grand dam de quelques groupes de femmes de la province.
Tout est partie d’une entrevue publiée par La Presse Canadienne le 28 février, Lise Thériault, vice-première ministre du Québec nouvellement affectée aux dossiers de la Condition féminine, s’est dite « plus égalitaire que féministe ». Elle a en outre conseillé aux femmes de suivre son exemple depuis le début de sa carrière dans le milieu des affaires et en politique. Elle leur a demandé de rester déterminées. « Tu veux prendre ta place? Faire ton chemin? Let’s go, vas-y! » a-t-elle déclaré.
Mme Thériault a également dit ne pas aimer l’idée d’imposer des quotas pour assurer une meilleure parité des sexes dans les postes de direction. Elle a aussi a semblé reléguer le mouvement féministe au passé, affirmant que « la réalité d’aujourd’hui n’est plus pareille » à la réalité des années 1970.
Stéphanie Vallée, l’actuelle ministre de la Justice et naguère responsable de la Condition féminine a renchéri, affirmant ne pas être « de cette génération-là ».
Stéphanie Vallée réclame le droit de militer pour l’égalité hommes-femmes sans avoir à porter l’étiquette de féministe. Elle préfère se présenter comme une « humaniste» parce que son engagement politique pour l’égalité dépasse la simple égalité des sexes.
La ministre de la justice observe que « Le mouvement féministe milite pour cette égalité, pour que l’égalité de droit devienne l’égalité de fait, et moi je crois que l’égalité de droit doit être l’égalité de fait pour tous et chacun d’entre nous, peu importe notre sexe, notre genre, notre culture, notre race, notre religion ».
Réactions outrées des féministes
Piqués au vif, 13 groupes de femmes ont réagi aux propos de Mme Thériault. Dans un communiqué, elles ont notamment écrit que « Mettre quelques femmes dans des postes de commande, dire aux femmes ‘toi aussi, tu le peux’ et rejeter du revers de la main les analyses féministes en prétendant que les politiques économiques sont neutres et technocratiques, ce n’est pas abattre des barrières. C’est être en faveur du statu quo, c’est laisser les inégalités se creuser, c’est nier les droits des femmes»
Les 13 groupes de femmes ont également invité la ministre à les rencontrer pour apprendre « comment le féminisme nous aide à comprendre les impacts néfastes des mesures d’austérité sur les femmes, comment les compressions imposées au Conseil du statut de la femme, aux groupes communautaires, aux programmes et aux services publics nuisent à l’atteinte de l’égalité».
Des représentants de la classe politique ont aussi réagi aux propos des ministres libérales. La députée Manon Massé de Québec solidaire a tenu à préciser que « Dans les faits, ce à quoi les féministes aspirent, c’est à l’égalité entre les hommes et les femmes». Sa collègue du Parti québécois et ancienne responsable de la Condition féminine, Agnès Maltais a réaffirmé son féminisme aussi vénérable qu’inébranlable. Le chef de l’opposition péquiste, Pierre Karl Péladeau, a pour sa part souligné que « libéraux et féministes ne font pas bon ménage ».
Mme Thériault précise sa pensée
Face au tollé provoqué par sa prise de position, Mme Thériault a jugé utile de préciser sa pensée. Dans une lettre ouverte publiée mercredi dans La Presse +, la ministre soutient qu’elle est bel et bien féministe, mais « à sa manière », c’est-à-dire sans opposer les hommes et les femmes.
La ministre affirme qu’elle ne souscrit pas à la vision « polarisante » de certaines féministes qui veulent confronter les hommes plutôt que les inclure dans leur cause. Elle dit défendre un féminisme « inclusif et rassembleur’ pour assurer l’égalité de fait entre les hommes et les femmes.»
Mme Thériault rappelle qu’elle s’est « toujours battue pour l’égalité des femmes et des hommes’ et elle concède qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour y arriver. Elle ajoute qu’elle a pour mission, en tant que ministre, de défendre les intérêts de «toutes les femmes du Québec ».
(Avec La Presse Canadienne)
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