Ce vendredi 2 septembre marque le premier anniversaire de la mort d’Alan Kurdi, le bambin syrien âgé de 3 ans, mort noyé alors que sa famille tentait de traverser la Méditerranée. Si cette tragédie a eu peu d’effets sur la crise syrienne, au Canada en revanche, elle a eu un réel impact, selon certains experts.
La photographie de la dépouille d’Alan Kurdi, gisant sur une plage turque, avait suscité une émotion planétaire et relancé la question de l’accueil des migrants syriens. Les experts croient toutefois que cette image troublante de la souffrance humaine n’a pas fait grand-chose à long terme pour soulager les misères d’un pays déchiré par la guerre.
Selon Rouba Alfattal, une professeure de science politique de l’Université d’Ottawa et spécialiste du Moyen-Orient et du monde arabe, la photo d’Alan s’est un peu estompée dans l’esprit des gens et a été reléguée à l’arrière-plan.
Mme Alfattal estime que l’inquiétude engendrée par la hausse des attentats terroristes en Europe était en partie responsable du manque de volonté de l’Occident d’aider les personnes déplacées par la guerre syrienne.
Elle affirme que les Occidentaux s’étaient malheureusement désintéressés du sort de la Syrie et qu’ils l’ont même carrément oubliée.

Impact au Canada
Si l’image du bambin n’a pas eu un effet durable pour la Syrie, les experts estiment qu’elle a eu un grand impact sur le Canada.
Catherine Dauvergne, la doyenne de la faculté de droit de l’Université de Colombie-Britannique, et une spécialiste du droit des réfugiés et de l’immigration, estime que le cliché a influencé les élections fédérales de l’automne dernier.
« Je pense que l’intérêt considérable suscité par cette nouvelle a probablement permis à la question des réfugiés d’attirer l’attention du public et de se mêler au scrutin d’une manière plus directe qu’auparavant », a expliqué Mme Dauvergne.
La promesse d’accueillir 25 000 réfugiés syriens avant la fin de 2015 est devenue un élément majeur de la plateforme électorale libérale. Une fois au pouvoir, le gouvernement de Justin Trudeau a fini par respecter cet engagement, même s’il a dépassé l’échéance initiale de quelques mois.
Mais à mesure que le temps passe, le sentiment d’urgence faiblit, a souligné Catherine Dauvergne. « Pas parce que la situation elle-même n’est pas urgente, mais parce que c’est difficile de ressentir l’urgence durant une longue période. »

Effets pervers de la photo
Pour certains, l’un des impacts négatifs de la photo d’Alan Kurdi est d’avoir concentré l’attention sur la délocalisation des réfugiés plutôt que sur la source du problème, soit la guerre civile en Syrie.
« Vous pouvez réinstaller les réfugiés encore et encore, mais si nous ne mettez pas un terme au conflit, cela va continuer », a prévenu Kyle Matthews, directeur adjoint de l’institut de l’Université Concordia spécialisé dans l’étude des génocides et des droits de la personne.
« Sur le plan humanitaire, nous nous sommes beaucoup enorgueillis du fait d’avoir accepté des réfugiés, mais nous ne sommes pas remontés jusqu’à la racine du mal, qui est le conflit syrien. »
La tante d’Alan, Tima Kurdi, qui réside à Coquitlam, en Colombie-Britannique, abonde dans le même sens, ajoutant que l’image de l’enfant syrien couvert de poussière après avoir été retiré des décombres d’un immeuble touché par une frappe aérienne à Alep allait convaincre les gens de continuer à se battre plutôt que de cesser les hostilités.

La famille toujours éplorée
Alan Kurdi est mort en même temps que son frère aîné et sa mère.
Mme Kurdi a récemment fait le voyage jusqu’au Kurdistan pour être aux côtés de son frère, le père d’Alan, à l’occasion du premier anniversaire de la disparition de sa famille.
« Abdullah ne va pas bien », a-t-elle écrit dans un courriel.
« Ça me brise le coeur de le voir dans cet état après un an. Il n’est pas en bonne santé. Il pleure et il me dit : « Je ne sais pas pourquoi je suis en vie. » »
La soeur et le frère ont prévu passer la journée de vendredi à visiter un camp de réfugiés syriens.
(Avec La Presse Canadienne)
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