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Un petit groupe de Wallons irréductibles bloque l’adoption du libre-échange entre l’Union européenne et le Canada

L’accord de libre-échange négocié entre l’Union européenne et le Canada (AECG) est suspendu en raison du refus d’y souscrire de la Wallonie, une situation issue du très complexe système fédéral en vigueur en Belgique.

Le gouvernement de Wallonie a voté contre l’entente estimant qu’elle menacerait les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière.
Le gouvernement de Wallonie a voté contre l’entente estimant qu’elle menacerait les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière. © Francois Lenoir / Reuters

Depuis un an, la petite région francophone du sud de la Belgique (3,6 millions d’habitants), dont l’aval est indispensable à la signature de l’AECG par l’UE, a fait part de ses importantes réserves sur le texte négocié par la Commission européenne et Ottawa.

Or, la Wallonie refusait toujours mercredi d’entériner le traité de libre-échange, malgré les pressions avant un sommet des 28 censé donner le feu vert à un accord concernant plus de 500 millions d’Européens et de Canadiens.

Lorsque la Belgique signe un traité international, qu’il soit bilatéral ou qu’il soit négocié par la Commission européenne au nom des États membres, comme c’est le cas de l’AECG, et que son contenu touche aux compétences des régions ou communautés, tous les niveaux de pouvoirs concernés doivent donner leur aval. Ce qui explique le blocage actuel.

Rencontre au sommet entre le Canada et la Wallonie

La ministre fédérale du Commerce international, Chrystia Freeland
La ministre fédérale du Commerce international, Chrystia Freeland © PC/Adrian Wyld

La ministre canadienne du Commerce international, Chrystia Freeland, a rencontré mercredi le président de Wallonie, Paul Magnette,pour tenter de dénouer l’impasse.

Le gouvernement canadien a aussi dépêché de toute urgence en Belgique Pierre Pettigrew, ancien ministre libéral du Commerce international et des Affaires étrangères.

Le premier ministre Justin Trudeau doit en théorie se rendre lui-même à Bruxelles la semaine prochaine afin de signer en personne l’entente de principe, à condition qu’elle ait obtenu d’ici là l’appui unanime des dirigeants de l’UE.

Mais rien n’y fait. Le chef du gouvernement wallon, le socialiste Paul Magnette, emboîtant le pas à son Parlement régional, refuse de céder et réclame même une « réouverture des négociations » et un délai de « plusieurs semaines, voire de plusieurs mois » pour parvenir à un nouveau texte qui selon lui protégerait mieux le modèle social et environnemental européen.

François Hollande (à gauche) s’est entretenu mardi avec le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette (à droite) pour le convaincre d’approuver l’accord Canada-UE.
François Hollande (à gauche) s’est entretenu mardi avec le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette (à droite) pour le convaincre d’approuver l’accord Canada-UE. © AFP/Christophe Ena/AP

Il persiste et signe

Paul Magnette © LAURIE DIEFFEMBACQ

Une fois de plus, Paul Magnette a réitéré ses critiques, soutenues par nombre d’ONG, de partis de gauche et de syndicats en Europe, qui voient dans l’AECG les prémices du traité TTIP, encore plus controversé, que l’UE négocie très laborieusement avec les États-Unis.

« Nous avons encore des besoins en matière d’agriculture et en ce qui concerne le mécanisme d’arbitrage des différends. Il nous faut davantage de garanties que l’AECG ne pourra pas être utilisé par des multinationales autres que canadiennes. Et nous voulons que tout cela, y compris les progrès faits ces derniers jours, figure dans un texte juridiquement contraignant », a-t-il détaillé.

Respecter le délai fixé par la Commission « me paraît très difficile », a jugé M. Magnette, tout en assurant qu’il examinerait « avec le plus grand sérieux » d’éventuelles nouvelles propositions de la Commission, mais qu’il ne « s’enfermait dans aucun ultimatum, aucun calendrier ».

« Je ne cherche pas à créer une crise en Europe, il se fait juste que c’est en train d’arriver », a-t-il expliqué.

Paul Magnette avait été encore plus clair en début de journée, en jugeant sur une radio belge qu’il ne serait « pas raisonnable » de croire à un feu vert de la Wallonie d’ici la fin du sommet de Bruxelles, qui doit aborder vendredi matin les questions liées à la politique commerciale de l’UE.

Son intransigeance, qui a surpris dans les chancelleries, menace de déclencher une crise avec le Canada et soulève des interrogations sur la capacité des 28 à négocier à l’avenir des traités commerciaux avec des pays comme les États-Unis ou le Japon.

Le saviez-vous?
La Belgique est plus complexe à gouverner que le Canada
Depuis les années 1970, la Belgique, autrefois régie par un système unitaire, est progressivement devenue un État fédéral, sous la pression en particulier de la Flandre, la région néerlandophone du pays, qui a, au fil des réformes constitutionnelles, obtenu un transfert de compétences vers les « régions » et « communautés linguistiques ».
Les trois régions du pays — la Flandre néerlandophone, la Wallonie francophone et la Région de Bruxelles-Capitale — ont la compétence exclusive en matière de développement économique, d’agriculture d’environnement.
Les « Communautés » linguistiques (française, flamande et germanophone) disposent des mêmes pouvoirs dans les domaines de l’éducation, de la culture ou encore de l’audiovisuel.
Chacune de ces régions et communautés dispose d’un parlement élu au suffrage universel et d’un gouvernement. Au total, la Belgique compte donc sept assemblées élues : le Sénat et la Chambre des représentants (niveau fédéral) et les parlements de la Flandre (région et communauté), de la Wallonie, de Bruxelles-Capitale, de la Communauté française (aussi connue sous le nom « Fédération Wallonie-Bruxelles ») et de la Communauté germanophone.belgique-carte

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